Foenkinos, David «Charlotte» (08/2014)

Foenkinos, David «Charlotte» (08/2014)

Résumé : (Sélection prix Renaudot – Sélection prix Goncourt )

 « Pendant des années, j’ai pris des notes.
J’ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans.
J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois.
Entre chaque roman, j’ai voulu l’écrire.
Mais je ne savais pas comment faire.
Devais-je être présent ?
Devais-je romancer son histoire ?
Quelle forme cela devait-il prendre ?
Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Alors, je me suis dit qu’il fallait l’écrire comme ça. »

Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu’elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Exilée, elle entreprend la composition d’une œuvre picturale autobiographique d’une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : «C’est toute ma vie.» Portrait saisissant d’une femme exceptionnelle, évocation d’un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d’une quête. Celle d’un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche.

 Mon avis : Alors oui c’est un livre très agréable à lire, que je qualifie de « gentillet » . Fluide, moins futile que les précédents, fondé sur une vraie histoire. La manière de l’écrire, avec des phrases courtes donne de la légèreté et permet d’enlever le coté oppressant de l’histoire. Je dois dire que l’auteur m’a permis de découvrir un personnage qui m’était totalement inconnu. Bien aimé mais je pense qu’il ne restera pas dans les annales. Mais il se lit vite et mérite qu’on y consacre deux heures… mais pas plus ! Belle analyse de sentiments. 

 Extraits :

Elle est belle, avec de longs cheveux noirs comme des promesses. C’est par la lenteur que tout commence. Progressivement, elle fait tout plus lentement : manger, marcher, lire. Quelque chose ralentit en elle. Sûrement une infiltration de la mélancolie dans son corps. Une mélancolie ravageuse, dont on ne revient pas. Le bonheur devient une île dans le passé, inaccessible

Tiens, quel est le mot utilisé quand on perd sa sœur ? Il n’en existe pas, on ne dit rien. Le dictionnaire est parfois pudique. Comme lui-même effrayé par la douleur

Il faut se méfier d’un homme qui travaille trop. Que cherche-t-il à fuir ? Une peur ou un simple pressentiment

On la dirait parfois en vacances d’elle-même. Il se dit qu’elle est rêveuse

Partout, les souvenirs le traquent. Dans chaque pièce, à travers chaque objet, elle est là

Être dans son monde, cela engendre quoi ? La rêverie, et la poésie sûrement. Mais aussi un étrange mélange de dégoût et de béatitude

Les coulisses, c’est le seul endroit où la vérité existe

Il met du temps avant de parler. Il a toujours trois petits points dans la bouche

Évidemment, sa grand-mère l’aime profondément. Mais il y a comme une force noire dans son amour

Mais existent-ils, ces mots qui atténuent la haine des autres

Billy Wilder disait : « Les pessimistes ont fini à Hollywood, et les optimistes à Auschwitz. »

Elle se sent envahie par la peur. Son corps tremble, mais de l’intérieur

Il me reste la liberté de marcher sur la tête. À vous aussi, n’est-ce pas

On peut tout quitter sauf ses obsessions.

Je ne supporte pas l’idée d’être attendu quelque part. La liberté est le slogan des survivants

Les mots n’ont pas toujours besoin d’une destination. On les laisse s’arrêter aux frontières des sensations. Errant sans tête dans l’espace du trouble

Son corps abrite une armée de parenthèses. Il y a comme une barrière autour de toi, dit-il

Enfin, il a maintenant un chat qui porte son nom. C’est une forme de postérité tout de même.

Il y a des ombres sur son visage. C’est le passé qui prend la fuite.

C’est l’impromptu en sol bémol majeur de Schubert. Ils sont le bémol des reclus, et le majeur des évidences

Elle entame la lecture, et les mots viennent à elle. Ce n’est pas toujours au lecteur d’aller vers les phrases

C’est « l’état des choses ». Il n’y a rien à faire contre l’état des choses. Mais jusqu’où va cet état-là ? Le processus semble irrémédiable.

Elle n’en fait qu’à sa tête, c’est-à-dire qu’à son cœur

Pour le faire vivre, elle recompose leurs conversations. Mot pour mot, tout est intact en elle. Sa précision est la mémoire du cœur

Autant demander au gris d’illuminer le noir.

Le sommeil est le seul endroit où elle semble être à l’abri d’elle-même

La nuit tombe, mais cette fois, c’est différent. La nuit ne tombe que sur elle

Chacune des phrases de sa lettre semble empreinte de chagrin. Les virgules mêmes paraissent à la dérive

Les frontières sont inquiètes et se referment

Une révélation est la compréhension de ce que l’on sait déjà.

Cela rejoint la définition de Kandinsky. Créer une œuvre, c’est créer un monde. Lui-même étant soumis à la synesthésie. Cette union intuitive des sens. La musique guidait ses choix de couleurs

5 Replies to “Foenkinos, David «Charlotte» (08/2014)”

  1. Oui, c’est exactement ce que j’ai pu ressentir. Les phrases courtes donnent également un rythme qui m’a plus. Mais même si cette sorte de biographie est un sujet plus fort que ses autres parutions, je trouve qu’il manque ce côté fort qui vous arrache les trippes dans cette histoire qui est l’histoire d’une tragédie d’un peuple, alors il ne restera pas comme tu le dis dans les annales, le recommandant quand même ! La revue « lire » lui attribue un 4 ☆, trop bien noté à mon goût, j’y mettrai un bon 2☆.

  2. De lui je n’ai lu que « Je vais mieux » que j’avais trouvé plutôt sympa. Mais à vous lire, il semblerait que Foenkinos soit plus à l’aise dans la légèreté.
    2 ☆ de la part de CatW, ce n’est pas terrible. Je zapperai donc « Charlotte ».

  3. et le voici dans la dernière liste de sélection du Goncourt… En compagnie de Kamel Daoud : Meursault, contre-enquête (Actes Sud), Pauline Dreyfus : Ce sont des choses qui arrivent (Grasset), et Lydie Salvayre : Pas pleurer (Seuil).
    J’ai lu le Lydie Salveyre… une merveille… Si Foenkinos lui rafle le prix.. c’est que le Goncourt fait dans le purement commercial…

  4. Je n’ai éprouvé aucune émotion à la lecture de ce livre artificiel et prétentieux.
    Son seul intérêt est de m’avoir fait découvrir Charlotte Salomon.
    Les lycéens font habituellement de meilleurs choix.

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