Challandes, Pierre «La main» (2017)

Challandes, Pierre «La main» (2017)

Auteur : Pierre Challandes est né à Lausanne en 1943. En 1969, avec seulement 5 000 francs suisses, son épouse et lui partent à travers le Sahara et l’Afrique de l’Ouest. Pendant un an et demi ils parcourent 39 000 km en 2 CV Citroën. A leur retour, la décision est prise : se lever non pas pour travailler, mais pour le plaisir de réaliser ses passions, ses rêves et de rencontrer son prochain. En 1972, l’auteur crée un parc d’accueil pour animaux sauvages. Il y travaille bénévolement jusqu’à ce jour, exerçant divers métiers pour nourrir sa famille et les pensionnaires du parc. En 2010, libéré des travaux journaliers du parc, il profite de toutes les possibilités pour entreprendre des expéditions dans les contrées les plus reculées de notre Terre, ferments peut-être de futurs écrits.

(Editions Persée – mars 2017)

Résumé : La rencontre et le contact entre la main d’un mourant et celle d’un vivant entraînent l’un et l’autre dans un rêve où se mêlent amitié, souvenirs, réconfort, bonheur, humour, délires et philosophie, composant un véritable hymne à la vie. « La faculté de se mettre dans la peau des autres et de réfléchir à la manière dont on agirait à leur place est très utile si on veut apprendre à aimer quelqu’un », (Dalaï-lama)

Avant-propos : Les délires et les vagues souvenirs d’un mourant qui se mélangent avec humour aux rêves philosophiques et aux souvenirs d’un vivant donnent par empathie et par une amitié subite un troisième personnage qui vit toute une vie dans les quelques heures qui précèdent sa mort. C’est un rêve, dans lequel le cours du temps n’existe plus.

Mon avis : Tout d’abord merci à mon amie Geneviève de m’avoir fait découvrir ce petit livre. L’auteur, je le vois évoluer depuis 40 ans… Du temps du Manège de Genève, puis dans ses parcs animaliers, il a eu mon chat Nedjem qui vient de disparaitre en pension et j’ai toujours aimé sa douceur et sa disponibilité. Alors ce petit livre ne fait que me conforter dans l’humanité détectée dans l’homme et dans sa conception de la vie.

La vie est fleurs, nature, animaux, odeurs, sons, couleurs… Mais la vie est avant tout « tactile ». Pas besoin de mots pour se comprendre et aimer. Un regard, un contact, une caresse. Le geste qui parle et dit « je suis là, je t’accompagne ».

Alors oui le sujet est grave ; les derniers moments d’une personne atteinte d’un cancer qui mélange passé et présent, s’attarde dans ses rêves, se soucie de personnes qui ne sont plus et qui tente de se rattacher à l’existence par le faibles fils qui restent à sa disposition. Les quelques pages qui parlent de la maladie sont difficiles, surtout pour celles et ceux qui sont ou ont été confrontés à la disparition de proches. Mais ce livre est surtout un livre d’amour, de partage, de don. Qui nous montre que la présence est l’ultime preuve de réconfort et d’amour à donner à ceux qui ne peuvent plus communiquer… Une main tendue, la chaleur d’une présence, même silencieuse… Un contact qui rassure, qui donne l’amour et accompagne. On ne parle pas avec des mots mais on donne de soi. On perpétue le lien entre les êtres. La chaleur, humaine ou animale,  accompagne les moments difficiles, mêlés aux souvenirs qui se tissent avec les rêves… Pierre Challandes parle aux êtres, aux animaux, mais surtout il tend la main et offre paix et amour… Et nul doute que le jour venu d’accompagner à nouveau des êtres qui souffrent, je vais prendre délicatement la main, pour être le lien entre le vivant qui reste et la vie qui s’enfuit…Bouleversant dans sa vérité et sa simplicité… Quand les mots s’estompent, sachons garder le contact et simplement accompagner…

 

Extraits : ( j’ai peut-être mis trop de citations ; merci de me le signaler si jamais)

Le temps n’existe plus, mon existence a fondu. Le passé, le présent se sont rejoints et il n’y a plus de futur.

Illusion, mon regard est retourné à l’intérieur. Il ne voit que les images de mes souvenirs. Souvenirs, reflets, illusions ou réalité ? Je ne sais plus

Nous restons cloîtrés dans des convictions, des préjugés et des conventions qui nous ferment le cœur à ces rencontres tactiles, qui vont au-delà d’un simple geste de salutation ou de compassion. Lorsque la vieillesse ou la maladie nous rend vacillants et que le voile de la mort commence à recouvrir notre visage, comme l’enfant, nous recherchons la main secourable.

Les souvenirs sont importants. À travers ceux-ci, on peut revivre et faire revivre ceux qu’on a aimés… Dans une autre dimension…

Dans un sursaut de survie, j’ai accepté cette empathie et attrapé au vol la Main qui se tendait et qui m’a apporté un bien-être, un bonheur jusqu’alors inconnu.

« Je suis responsable de ce que je dis, mais pas de ce que tu comprends ». Il ne prenait pas de risque, il se taisait.

Mon âme n’était qu’une auberge de passage dans laquelle aucune émotion ou souvenir ne s’arrêtait. Je n’avais plus de réactions ou si minimes que je ne tenais plus rien pour mal plutôt que de protester devant rien.

Le doute nous bouscule, il est le chemin de la connaissance, de la liberté de penser, de la Liberté tout simplement. La certitude, prônée par les dogmes, nous ouvre un chemin tout droit, sans bosses ni creux, sans intersection. C’est la voie et la voix de l’ignorance, voire du fanatisme.

Pout être libre, il faut en avoir conscience. Il faut avoir la liberté d’inventer sa vie à chaque instant et de s’accepter tel que l’on est.

Les gens à chiens sont des sages, ils gagnent sur deux tableaux : non seulement ils ont la possibilité de dialoguer avec leur chien, mais ils peuvent aussi en parler !

Depuis que j’ai un chien, je ne trouve plus cela ridicule. Je lui parle sans cesse dans un langage particulier. C’est un langage du cœur pour lequel aucune langue étrangère n’a besoin d’être apprise, elle n’a pas besoin de paroles. C’est avant tout un échange tactile plein de mots d’amitié, de mots oubliés, de compliments comme je n’en fais à personne. C’est un langage du cœur, le même que celui que j’ai découvert avec la Main lorsqu’elle s’est tendue vers moi

Je ne sais si elle ajoute des jours à ma vie, mais elle ajoute de la vie aux jours qu’il me reste à vivre.

Comme avec mon chien, je peux lui parler sans parole, avec le cœur… Et lui me répond de même…

La parole n’est plus nécessaire. Ce bonheur peut être un chat qui se frotte dans vos jambes, un ronron qui résonne sous votre caresse, un regard mi-clos qui vous rassure sur la vie.

Avoir un animal, c’est pouvoir lui parler sans retenue, lui exprimer tous nos sentiments, nos douleurs, nos pensées, sans qu’il mette en doute ou s’amuse de nos paroles.

la trace de ses pattes est toujours là, gravée dans mon cœur… Ça ne se voit pas, mais ça me rend heureux.

Des souvenirs… Ils sont partout, ils nagent autour de moi, poissons rouges, bruns, noirs, multicolores… IIs gobent le soleil, ma vie… Pourvu qu’ils n’avalent pas mes rêves.

Le cancer laisse un peu d’espoir à la vie. Comme le milan, je vole, je plane au-dessus de ma condamnation ; je flotte dans mes nuages…

Peut-être que dans un couple l’important n’est pas de vouloir rendre l’autre heureux, mais d’être heureux, afin d’offrir cette joie à l’autre… Pour aimer quelqu’un, il est nécessaire de s’aimer soi-même. Alors cet amour ricoche sur l’autre…

Le jour n’a plus d’heure, le temps s’est arrêté sur mes souvenirs intemporels. Chaque moment de réveil, de lucidité semble irréel…

il recherche notre présence et, débordant d’amour, vient frotter son museau contre ma main. Il a besoin de réconfort, il a besoin de ma main, d’un contact qui le tranquillise.

Il pose sa tête dans ma main. Derrière son regard légèrement voilé, rêve-t-il aussi ? Galope-t-il, court-il après ses souvenirs ? Je le caresse. C’est chaud et réconfortant. Si tu ne sais pas quoi faire de tes mains, transforme-les en caresses et des caresses, j’en ai besoin.

Le vieillissement d’un chien ou d’un ami a toujours quelque chose de poignant. La vieillesse, la maladie arrivent tout doucement, sur la pointe des pieds. Au début on ne voit pas arriver cette déchéance, puis on ne veut pas la voir, on la refuse pour soi et pour les autres…

Une dernière caresse, la tête du chien devient lourde sur votre bras, lourde de souvenirs… Les souvenirs s’enchaînent, se mêlent, en engendrent d’autres

J’ai toujours l’empreinte de ses pattes dans mon cœur.

Je suis taiseux. C’est depuis peu que je parle… Silencieusement dans ma tête… Ce doit être lors de mon opération… L’anesthésiste a dû me piquer avec une aiguille de gramophone…

Le Parc Challandes : http://www.parc-challandes.ch/fr/

Image : Mon chat qui est parti trop tôt…

2 Replies to “Challandes, Pierre «La main» (2017)”

  1. Merci Catherine pour ce magnifique avis.
    Je n’ai hélas pas ton talent d’écriture …
    Je viens également de terminer la lecture de ce roman, mais en vérité en est-ce vraiment un ???
    En tous les cas je n’en ressort pas indemne.
    Je suis passée par toutes sortes de sentiments et d’émotions (tristesse, rires, larmes, remise en question, prise de conscience, ….)
    Merci Pierre Challandes pour me merveilleux moment passé à lire « La Main »
    Et merci Catherine pour ton magnifique blog

    1. Mais tu écris très bien et tu en parles bien ! la preuve tu m’as donné envie de le lire … et oui un grand merci à l’auteur !

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