Montefiore, Simon Sebag «Sashenka » (2010)

Montefiore, Simon Sebag «Sashenka » (2010)

L’auteur : Né en 1965, Simon Montefiore est l’auteur d’ouvrages salués par la critique et traduits dans quarante langues, parmi lesquels Staline : la cour du tsar rouge (éditions des Syrtes, 2005), prix du Meilleur Livre d’histoire aux British Book Awards 2004, Le Jeune Staline (Calmann-Lévy, 2008), lauréat du Costa Biography Award 2008 et du grand prix de la Biographie politique 2008, mais également Jérusalem (Calmann-Lévy, 2011), récompensé du Jewish Book of the Year Prize, et Sashenka (Belfond, 2010 ; Pocket, 2011). Simon Montefiore vit à Londres.

Résumé :
Des dernières heures de l’empire des Romanov à la Russie post-perestroïka des années quatre-vingt-dix en passant par la terreur stalinienne, la destinée bouleversante d’une héroïne inoubliable. Dans la lignée du Docteur Jivago, une fresque éblouissante, par l’un des plus grands historiens de la Russie.
Saint-Petersbourg, hiver 1916. Devant l’institut Smolny pour jeunes filles, Sashenka Zeitlin, jeune bourgeoise de dix-sept ans, est arrêtée. Dans une Russie tsariste au bord du gouffre, alors que sa mère continue de s’enivrer de fêtes avec Raspoutine et sa clique, Sashenka, elle, a choisi son camp. Celui de la révolution…
Quelque vingt ans plus tard, Sashenka incarne la femme soviétique modèle. Épouse d’un haut cadre du parti, mère comblée de deux enfants, elle va pourtant s’abandonner à une passion torride pour un séduisant écrivain dont les idées vont se révéler dangereusement compromettantes. Jusqu’à mettre en péril la vie de ceux qu’elle aime… et la sienne.
Pendant plus de cinquante ans, son histoire demeurera cachée. Jusqu’à ce qu’une jeune historienne plonge dans les archives du KGB et dévoile le destin d’une femme face à un choix impossible…
Mon avis : J’ai adoré. Sur fond de contexte historique, la fresque sentimentale d’une famille qui traverse la période. De quoi allier connaissance et divertissement. Les personnages sont attachants, la période passionnante… Une fois encore le passé et le devoir de mémoire, l’importance des racines dans la vie. Et l’intérêt des archives. Un bel hommage à la femme militante, à l’amitié, au travail des archivistes et des historiens et la mise en lumière de cette horrible machine que furent les purges staliniennes. Je pense que ceux qui aiment les livres de Ken Follett, de Ildefonso Falcones, les fresques de Rutherfurd (Russka, Londres…) devraient plonger…

Extraits :
Elle avait besoin de nourriture comme le fourneau d’une locomotive a besoin de charbon, et ne rêvait que d’un bain chaud
Il aimait serrer la main de ses prisonniers. C’était un moyen de « prendre leur température » et de montrer ce que le général appelait une main de fer dans un gant de velours

L’Histoire transformera le monde aussi sûrement que le soleil se lève chaque matin

C’était sumerki, ce merveilleux mot qui désigne la tombée de la nuit en été

« Si tu aimes, aime avec fougue ; si tu menaces, fais-le avec passion », avait écrit le poète Tolstoï. C’était tout à fait elle : « Tout ou rien ! »
La beauté qui l’entourait n’était qu’un mensonge. La vérité était sans doute laide, mais elle avait également un certain panache. L’avenir frappait à la porte !

Ne vis pas toujours pour demain, qui n’arrivera peut-être jamais. Qui sait ce que te réserve le Livre de la vie

J’implorerais Dieu si je pensais qu’Il existe, songeait-il, mais s’Il existe, nous ne sommes pour Lui que des vermisseaux dans la poussière.

Ma religion, c’est la réussite. Mon destin ne dépend que de moi.

Il retournait à la vie après une longue période d’hibernation
Soudain, à la lumière, la bibliothèque avait pris vie : des rayonnages en pin de Carélie débordaient de livres. D’autres volumes s’entassaient au milieu de la pièce en piles instables

Et pourtant, caché sous une apparente fadeur docile, son sang frémissait comme un ruisseau bouillonnant d’écume dévale un flanc de montagne sous une épaisse couche de glace

Le lendemain, il faisait plus doux. Le soleil et la lune se regardaient avec suspicion à travers un ciel laiteux

Les trains qui quittent les petites gares de province peuvent paraître tristes même aux moments les plus gais, mais les séparations sont rarement joyeuses

En Russie, il valait mieux ne pas remuer le passé. Ça n’attirait que des ennuis

Mais tel un oiseau de paradis enfermé dans une cage fort laide, la jeune fille n’aspirait qu’à s’échapper, et son père l’avait laissée s’envoler vers d’autres cieux

L’époque stalinienne ! Un signal d’alarme se déclencha dans son esprit. Ça ne se faisait pas de fouiller dans cette période. Comme disait son père : « Ne demande jamais à quelqu’un ce que faisait son grand-père, parce qu’un grand-père en dénonçait forcément un autre.
Katinka adorait l’atmosphère de mystère qui règne dans les bibliothèques. Certains de ses amis trouvaient ennuyeux ces lieux qui sentent le renfermé et dont le silence n’est interrompu que par de rares toussotements, des murmures étouffés et des pages tournées, mais la jeune fille les comparait à des endroits de passage où des inconnus se côtoient pendant quelques heures

C’était l’univers du secret, mais certains détails peuvent réapparaître à la surface

Croyez-moi, mon appui vous sera précieux pour démêler les fils du passé. Ce serait plus simple pour vous d’essayer de décrypter les hiéroglyphes de l’Égypte ancienne que de trouver votre chemin dans ce labyrinthe qu’était le Kremlin de Staline

Que ça vous plaise ou non, vous êtes une historienne russe, vous cherchez des âmes égarées et, dans notre pays, la vérité n’est pas écrite à l’encre, comme ailleurs, mais avec le sang des innocents

Dans le froissement des feuilles de papier, vous entendrez les pleurs des enfants, les trains qui filent vers la Sibérie, l’écho des pas dans les sous-sols, le coup de feu unique des exécutions sommaires. Les dossiers empestent le sang. »

Elle devinait le véritable rat de bibliothèque, le Quasimodo des rayonnages. Dans toutes les archives, on trouve ce genre d’employé dont il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir

Tu dois comprendre que les archives sont un tissu de mensonges et de contrevérités. Il faut lire entre les lignes. »

Nous étions tellement persuadés de ne pas avoir beaucoup de temps devant nous que nous en avons profité autant que possible. Nous nous aimions. Chaque jour était une lune de miel, chaque baiser un cadeau inespéré

2 Replies to “Montefiore, Simon Sebag «Sashenka » (2010)”

  1. Très bon roman qui en effet, nous transporte à Saint Pétersbourg et nous fait traverser la vie tumultueuse d’une jeune fille de la bourgeoisie qui choisit de rompre avec son milieu . L’histoire la rattrape et brisera ses rêves … l’âme russe avec son courage et sa force y est dépeinte avec tendresse.
    Je ne passe jamais devant Smolny sans penser à elle quand j’ai la chance d’aller là bas.

    1. Merci d’avoir pris la peine de partager tes impressions. C’est vrai que Sashenka est un personnage très attachant et que l’imaginer là où elle a « vécu » dans le roman doit être émouvant…

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