Constant, Paule « Des chauves-souris, des singes et des hommes » 2016

Constant, Paule « Des chauves-souris, des singes et des hommes » 2016

Résumé : Dans un village africain, une fillette heureuse cajole une chauve-souris. De jeunes garçons rapportent fièrement de la forêt le cadavre d’un beau singe au dos argenté. Ainsi débute une série d’événements qui frappent tour à tour les protagonistes de cette histoire : habitants des cases, coupeurs d’hévéas, marchands ambulants, piroguiers, soignants, et même primatologues en mission.

Un mal pernicieux se propage silencieusement au pied de la Montagne des nuages, et le long d’une rivière sur laquelle glisseront bientôt les pirogues funèbres. La plupart l’ignorent superbement, d’autres en cherchent vainement l’explication dans la magie, la science ou la nature.

C’est avec poésie et humour que Paule Constant nous fait vivre ce conte déchirant de notre temps, dans un style dont la paradoxale légèreté parvient à nous faire partager tant de douloureuses péripéties, en nous conduisant aussi pas à pas vers une fin qui n’est peut-être qu’un autre début.

Mon avis : Vous lâchez toutes vos lectures et vous sautez sur ce roman/thriller médical! Direction : Le Congo. Au bord d’une rivière(Ebola), une petite fille (Olympe) adopte une chauve-souris pour se consoler de ne pas avoir été acceptée par les garçons qui sont partis à la chasse au singe. Et c’est le début d’une tragédie. Le singe est mort du virus Ebola. La chauve-souris est un porteur sain du virus. Les personnages sont attachants. La petite fille qui se sent si seule, Agrippine, l’infirmière belge qui n’attend plus rien de la vie mais se sent poussée par l’amour vers la fillette. Le traducteur Thomas qui comprend les âmes de tous. Ce roman est très documenté (le mari de Paule Constant est spécialiste en virologie). En effet le premier mort recensé du virus Ebola est un petit enfant de 2 ans nommé Emile, comme le petit frère d’Olympe. L’épidémie est un sujet littéraire qui traverse toutes les époques et qui concerne tant le passé que l’avenir : cholera, peste, fièvre espagnole, ébola, chikungunya, zika… En effet les peuples et les gens se déplacent de plus en plus, se mêlent et la mondialisation accroit la prolifération des virus/maladies. Avant les peuplades restaient et mouraient dans leur environnement.. Maintenant on sort des forets, on va en ville, on change de continent… L’enfer (de Dante) est en route, à pied, en pirogue, en bus, en avion.. … il a pour vecteur Olympe, Agrippine, Virgile…

Et en plus de l’histoire, on appréciera le voyage en Afrique, la magie, les rites et les coutumes et la langue de Paule Constant …

Extraits :

C’est toujours au moment où l’héroïne capitule que le sortilège s’impose, comme si, ayant abandonné toute résistance, elle laisse advenir ce qui doit être.

Les gens qui ne voyagent pas racontent et inventent pour explorer un univers qu’ils ne connaissent pas. Ils lui donnent un commencement, une fin et entre les deux tissent, chacun à sa façon, la toile du conte collectif.

Elle avait disparu de partout et d’abord de sa vie.

Le malade était convoyé dans des pirogues aux noms crépusculaires, Volonté de Dieu, Dieu est grand, Dieu sauve l’Afrique. Ceux qui le voyaient partir couché n’avaient pas grand espoir de le voir revenir debout

Au fond, une épidémie n’était qu’une équation à deux inconnues : le nombre de millions d’habitants des villes, le nombre d’avions qui décollent ou atterrissent par seconde dans le monde.

Il y a un moment terrible, celui où le vivant nous quitte, et un moment affreux, celui où l’on abandonne le défunt à des mains étrangères comme si les nôtres étaient impuissantes à accomplir les rituels qui sont pourtant si proches de ceux de l’amour.

Il voyait derrière les apparences sur dix niveaux au moins car l’apparence cache une autre apparence, derrière les mots se cachent d’autres mots.

 

Comme un dormeur qui revient progressivement à la vie, il voyait son cauchemar s’effilocher, se fondre et se recréer à la façon des nuages qui prennent une forme et la perdent aussitôt.

 Ce serait la pirogue mortuaire la plus grande du monde, elle pourrait abriter des centaines de passants, de ceux qui partent vivants pour arriver morts sur l’autre rive.

 

Elle voulait lui dire qu’on ne mourait pas seulement de maladies réelles mais aussi de maux imaginaires. On mourait rarement d’un choc frontal avec un camion mais de ses désirs niés, de ses envies tronquées, d’un corps que l’on n’écoutait plus. La plupart du temps on mourait de déception, et exceptionnellement à cause d’une malédiction, ce qu’il ne fallait pas écarter non plus.

 

 

5 Replies to “Constant, Paule « Des chauves-souris, des singes et des hommes » 2016”

  1. Lu sans avoir parcouru les avis, ce livre fut une révélation. Palpitant comme un thriller, vif ou lent comme une rivière indomptée, l’intrigue se déroule, nous fascine et nous terrifie à l’instar du serpent qui ondule dans les herbes et se rapproche. Ses personnages sont justes, perdus dans leurs certitudes, leurs préjugés, leur ignorance ou leurs superstitions mais ils existent, ils sonnent vrais sous la plume de l’auteure. Pas de jugement, pas de leçon de morale, juste un petit caillou qui dévale la pente et entraîne à sa suite des pierres de plus en plus grosses.
    Bref, j’ai aimé.

    1. je suis très contente de t’avoir fait découvrir ce coup de cœur . Tu en parles très bien et j’espère que cela encouragera d’autres personnes à le lire .. Merci d’avoir pris la peine de te poser cinq minutes pour me mettre un petit commentaire. Cela me fait très plaisir.

  2. Merci pour le conseil car c’est vraiment un très beau roman ! Paule Constant parvient à raconter, dans un style magnifique, à la fois poétique et léger, un phénomène qui l’est nettement moins puisqu’il s’agit du récit du début d’une épidémie et de la propagation du virus Ebola.

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