Le Scorpion et l'Egypte
Le
scorpion jaune était un insecte
très redouté des anciens Egyptiens. Bien qu'il n'attaque pas, il pique celui qui
le touche par inadvertance, et sa piqûre peut être mortelle; amulettes et
formules magiques étaient utilisées pour se protéger contre cette dangereuse
piqûre et la guérir. Dès la fin du prédynastique on trouve des représentations
de scorpions et la période thinite a fourni quelques amulettes aux formes de
scorpions. Divinisé, l'insecte devient le symbole de la déesse
Selkis;
cependant, dans les représentations hiéroglyphiques des tombes, sa queue armée
du redoutable dard est supprimée, afin qu'elle ne puisse pas piquer le défunt
dans le cas ou la représentation s'animerait magiquement.
A la fin de la période préhistorique,
il servit à désigner le nom d'un
roi de Haute Egypte.
(Dictionnaire de la civilisation
Egyptienne de Guy Rachet)
FONCTION
: Repousseur de Scorpions
Le site d'Ayn Soukhna se trouve sur la côte du golfe de Suez. Ce site fut occupé tant au Moyen Empire qu'au Nouvel Empire."Une petite stèle gravée mentionne notamment un certain nombre de fonctionnaires impliqués dans les opérations engagées sous le règne d'Amenemhat III, peut-être après un abandon prolongé du site : des scribes, un porteur de sceau et un repousseur de scorpions du nom d'Ity. La fonction de la présence de ce fonctionnaire au titre imagé est en soi instructive : la documentation montre en effet que les repousseurs de scorpions avaient essentiellement des fonctions rituelles, et que leur travail était de consacrer de nouveau des espaces sacrés longtemps délaissés. Il est en outre intéressant de notre que ce personnage est également très bien connu dans les sources du Sinaï, puisqu'il apparaît dans deux inscriptions votives du ouadi Amghara, toujours en l'an 2 d'Amenemhat III." (Pierre Tallet : Sésostris III et la fin de la XIIème dynastie, pages 140-141-146-149)
Les repousseurs de scorpions sont des
prêtres-ouâb de Sekhmet (prêtres, érudits, médecins, lettrés, magiciens ...). Il
s'agit ici d'un de leur titre, le kherep Serket, ou conjurateur de la déesse
Serket, symbolisée au nouvel empire par un scorpion. Ils peuvent
(théoriquement) guérir les morsures ou piqûres d'animaux dangereux, et
participent à des cérémonies, diverses et variées.
FONCTION
: Conjurateur de Serqet
A travers ses prêtres spécialisés, les "Conjurateurs de Serqet", la déesse Selkis/Serqet joue un rôle important dans la guérison des piqûres et morsures des animaux venimeux et dans certains rituels de protection du temple.
Dans son livre "Les Prêtres de
l'ancienne Egypte", Serge Sauneron fait état de ces prêtres.
"D'autres prêtres étaient plus spécialisés. Si Sekhmet, la déesse lionne
redoutable, pouvait envoyer les maladies, elle pouvait aussi les rappeler à elle
: aussi son prêtre, le supérieur des prêtres de Sekhmet, est-il renommé pour ses
connaissances médicales, spécialisés du reste dans les maladies d'animaux, on
peut le considérer un peu comme un vétérinaire.... Parallèlement, le prêtre de
Selqit, la déesse scorpion, était particulièrement apte à guérir les maux
résultant des piqûres venimeuses."
(Page 181 (ed. du Seuil 1998)
Notes
prises par Beset, membre du Forum de DDChampo, lors de la conférence
de Mr GOYON à Grenoble le 12 janvier 2008 sur le sujet "SERPENTS, SCORPIONS,
VERMINE" :
Evoquons des histoires de serpents et
de scorpions…
Serge SAUNERON, dans les années 1960, avait trouvé au musée de Brooklyn un lot
de papyrus ramenés par WILBOUR : c’était les archives sacerdotales d’une Maison
de Vie de la région d’Héliopolis. Parmi ces archives, il y avait un traité
d’ophiologie qui décrivait les ophidiens et quelques arachnides.
Trente ans ont été nécessaires pour élucider ce document, ramassis d’une
littérature extraordinaire vouée à la conjuration du reptile et du scorpion et à
leurs ennemis dont l’ichneumon. Peu à peu, ces animaux sont passés dans
l’univers fantastique.
Replaçons-nous dans un univers où ces animaux étaient en grande abondance…
- Le scorpion jaune (Androctomus Australus) dont la piqûre donne de violentes
fièvres. C’est un animal dangereux, un être qui peut tuer mais c’est aussi un
moyen d’action du divin. En effet, le scorpion chasse le scorpion instaurant un
système d’équilibre. C’est une force brute négative face à une force pleine
positive.
Il existe des charmes contre les scorpions : Papyrus Leyde I, 349, II, 1-4 (XXè
dynastie) dont le titre est « Autre conjuration du scorpion » : « Voici que je
sors au crépuscule … enrubanné d’uraeus ! … Toi (scorpion) … ne m’attaque pas !
… Vois, je suis le petit enfant de Rê … et c’est moi qui conjure les scorpions !
»
Cependant, devant le danger naturel, la meilleure protection était la fuite.
Dans la pensée égyptienne, il y a une bipolarité de la puissance divine,
spécifiée dans des personnalités divines. Les dieux sont des situations du divin
répondant à des situations précises. Isis dupe Rê pour connaître le principe
créateur de la vie. Pour atteindre son but (savoir comment le créateur réussit à
faire surgir la vie), Isis prend la forme d’un scorpion. Rê subit les affres du
venin : il a même de la bave aux lèvres. Isis reprend son apparence et lui
demande de lui donner la clé du secret. Rê révèle son nom : il prend conscience
que le pouvoir négatif perd son contrôle. Isis lui rend la vie et devient ainsi
la « magicienne imposante » qui dompte tous les êtres venimeux et accorde la vie
à ceux qu’elle aime.
Il existe une Isis au scorpion de Nubie et de Haute Egypte dont l’iconographie
disparaît après la XVIIIè dynastie. Dans la tombe Tht 217 (Gournet Mouraï) d’Amenemone,
nous pouvons voir la reine Tiyi portant une coiffure extraordinaire où est
figuré un scorpion descendant verticalement entre deux uraeus symbolisant la
puissance dominatrice des menaces contre la vie. Tiyi est mise en situation
d’Isis protectrice de la vie. Ensuite, l’Isis qui donne la vie change : le
scorpion ne descend plus verticalement.
De nombreux termes sont attribués au scorpion et correspondent à des onomatopées
en relation avec le bruit qu’il peut faire : Ttt, tt…
Sur la statue guérisseuse Naples 1065, sont figurés Isis-scorpion (et non plus
au scorpion), Rê-Horakhthy avec un scorpion aux fesses et une déesse au corps de
scorpion dont les pattes ont des mains humaines et qui porte des attributs
d’Hathor.
Attention, l’Isis au scorpion n’est pas Selkis. D’ailleurs, l’emblème de Selkis
est une nèpe ou scorpion d’eau. Selkis est associée aux viscères respiratoires
(trachée et poumons) quand elle est protectrice d’un canope. [La nèpe dégage le
gosier]
- Horus sur les crocodiles maîtrise
tous les animaux dangereux du désert. Cela remonte à une tradition égyptienne
qui met en place l’enfance d’Horus dans les marais de Chemnis. Par ailleurs,
plus on lave une piqûre / morsure, plus le venin est éliminé ce qui explique
pourquoi l’on faisait couler de l’eau sur les stèles prophylactiques. Ainsi, les
Egyptiens utilisaient l’eau agrémentait du pouvoir du verbe divin : le liquide
ruisselle sur la stèle et se charge de la vertu des textes.
Stèle Metternich VI, 59 : « Je suis Isis, dame des sortilèges, qui met en œuvre
les sortilèges en disant : « obéis-moi toute gueule qui mord. Tombe au sol venin
du scorpion… » Suit une liste des différents scorpions sous forme d’onomatopées
où sont évoqués le bruit qu’il fait ainsi que sa furtivité. Au verso de la
stèle, il y a toute une série de figures prophylactiques dont Isis-scorpion dont
sa spécificité est d’intervenir contre l’arachnide.
- Allons à Esna pour regarder la transposition des éléments naturels dans le
ciel par le biais des plafonds qui possèdent des représentations astronomiques.
Parmi les éléments de la section nord, nous avons la constellation du scorpion.
C’est un zodiaque d’importation neuve car l’intégration du scorpion appartient
déjà au ciel égyptien. C’est une constellation avant d’être un zodiaque. Le
scorpion appartient à Isis comme conjuration des puissances négatives de la
nuit.
Article : A
propos du nom du scorpion, , et de quelques comparanda lexicographiques des
langues tchadiques et de l’égyptien ancien par Alain Anselin : http://www.culturediff.org/mediasources/epublis/i-Medjat/iMedjat8.pdf
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Serge Sauneron : "Les Prêtres de l'ancienne Egypte" |
Yvan Koenig : "Magie et Magiciens dans l'Égypte ancienne" | |
Pierre Tallet : "Sésostris III et la fin de la XIIème dynastie" | |
Frederique Von Känel : Les prêtres ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket | |
Notes de la Conférence de Mr GOYON à Grenoble le 12 janvier 2008 sur le sujet "SERPENTS, SCORPIONS, VERMINE"ppar Beset, membre du Forum de DDChampo | |
Bruno Halioua : La medecine au temps des pharaons | |
des articles en anglais de Ancient Egypt magazine : Serpents et scorpions | |
Frédéric Rouffet, « Le « Venin éconduit » ou les dangers de son expulsion (O. DeM 1046) », ENIM 2, 2009, p. 1-8. (sur internet) |
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