Penny Louise « Enterrez vos morts»

Penny Louise « Enterrez vos morts»

La série des enquêtes de l’inspecteur Armand Gamache

Tome 6: « Enterrez vos morts»

Résumé : Tandis que le Vieux-Québec scintille sous la neige et s’égaye des flonflons du carnaval, Armand Gamache tente de se remettre du traumatisme d’une opération policière qui a mal tourné. Mais, pour l’inspecteur-chef de la SQ, impossible d’échapper longtemps à un nouveau crime, surtout lorsqu’il survient dans la vénérable Literary and Historical Society, une institution de la minorité anglophone de Québec. La victime est un archéologue amateur connu pour sa quête obsessive de la sépulture de Champlain. Existerait-il donc, enfoui depuis quatre cents ans, un secret assez terrible pour engendrer un meurtre ? Confronté aux blessures de l’histoire, hanté par ses dernières enquêtes, Gamache doit replonger dans le passé pour pouvoir enfin enterrer ses morts.

Mon avis : Ce tome est différent des autres mais doit être lu à la suite du tome 5. Suite à un épisode dramatique l’équipe est en arrêt pour se reconstruire, tant physiquement que moralement. Ce qui ne va pas empêcher Gamache et Jean-Guy d’enquêter.. L’un dans le vieux Québec et l’autre à « Three Pines ». Deux enquêtes qui se déroulent dans des contextes totalement différents.

J’ai énormément apprécié cette enquête très documentée sur l’histoire du Québec. Je ne savais pas qu’il y avait cette haine dissimulée de la « communanté anglo », un contexte qui donne encore plus d’étoffe et d’humanité aux personnages. L’importance donnée à l’écoute et a la psychologie dans cette série en fait au fils des pages une de mes séries préférées. Et le fait de connaitre de mieux en mieux non seulement l’équipe d’enquêteurs et leur famille mais aussi leurs amis et la petite communauté est de plus en plus apprécié…

Le plus intense et celui qui m’a le plus touché. Et donnée envie de découvrir le vieux Québec !

Extraits :

Dédicace : Ce livre porte sur les secondes chances et est dédié aux personnes qui les accordent et à celles qui les saisissent

Un seul coup, fatal. C’était extrêmement rare. La personne qui assénait un coup continuait habituellement à en donner, étant en proie à une rage folle. Elle frappait encore et encore. On ne trouvait presque jamais de victimes ayant reçu un seul coup assez violent pour les tuer. Cela signifiait donc que quelqu’un était suffisamment enragé pour porter un tel coup tout en étant capable de se maîtriser et de s’arrêter. C’était une combinaison effroyable

Elle lui était reconnaissante de ne pas avoir utilisé le mot « meurtre ». Un mot bouleversant. Elle s’était exercée à le prononcer dans sa tête, à quelques reprises, mais pas à haute voix. Elle n’était pas prête

Elle lit le français sans problème, vous savez. C’était toujours elle qui avait les meilleures notes à l’école, mais, semble-t-il, elle est incapable de le parler. Son accent arrêterait un train.

Les enfants le sauveraient. Pendant un instant, il eut pitié d’eux en les imaginant écrasés sous son amour inconditionnel, impérissable, indéfectible. Mais, bon, sauve qui peut !

C’était ennuyeux d’avoir un cœur qui interrompait ses battements chaque fois que le téléphone sonnait, et particulièrement agaçant quand quelqu’un s’était trompé de numéro

le bureau légèrement en contrebas, le plafond cathédrale, les immenses fenêtres cintrées, les boiseries, le parquet de bois et les étagères de livres. Cet endroit ressemblait à un gymnase miniature d’une autre époque, où l’on s’adonnait à des activités intellectuelles plutôt que physiques.

Ces gens disaient une chose, mais en pensaient une autre. Comment savoir quelle chose infecte était tapie dans cet espace entre les mots et les pensées ?

Il se souvenait de ce qu’il ressentait lorsqu’il se trouvait dans la bibliothèque, à l’abri d’attaques possibles, mais entouré de choses encore plus dangereuses que ce qui traînait dans les corridors de l’école. Car une bibliothèque abritait des pensées

Comme l’a dit Shakespeare, la meilleure façon de connaître la paix intérieure est d’avoir une conscience calme et tranquille. « Ou de n’avoir aucune conscience »…

La pièce était magnifique, impressionnante, mais il y régnait aussi une atmosphère d’intimité. L’odeur qui s’en dégageait évoquait le passé, une époque révolue, avant les ordinateurs et les informations googlées ou glanées sur des blogues. Avant les portables, les BlackBerry et tous les autres outils qui confondaient renseignements et connaissances. C’était une vieille bibliothèque, remplie de vieux livres et de vieilles pensées poussiéreuses

le pouvoir lié au fait d’avoir de l’information, des connaissances, des pensées, et un endroit calme où les rassembler

ce n’était ni un fusil, ni un coup de couteau, ni un coup à la tête qui tuait, mais l’intention qui guidait le geste fatal

C’était ça, le problème ; toujours ça. Il se souvenait. De tout

La joie ne disparaît pas à jamais, vous savez. Elle demeure toujours en nous. Et un jour vous la retrouverez.

Kebek. Un mot algonquien signifiant « là où le fleuve se rétrécit ».

le Québec ? Une société de chaloupiers ? Qui avance droit devant, mais regarde vers l’arrière. Ici, on ne semble jamais vraiment perdre de vue le passé

L’inspecteur-chef avait presque oublié l’excitation de la chasse aux informations. Mais à mesure qu’il explorait tantôt une piste, tantôt une autre, il s’absorba totalement dans cette tâche, au point d’oublier tout le reste

… il savait aussi que c’étaient les blessures internes qui causaient le plus de ravages. Le pire était toujours caché.

Tout ce qu’il savait, c’était son cœur qui le lui avait appris.

Brusque, anxieux. Il avait l’air d’un drogué en état de manque. Les fous des livres sont comme ça, et pas seulement les vieux types. Vous n’avez qu’à regarder les jeunes qui font la file pour se procurer le plus récent tome d’une de leurs séries favorites. Les histoires créent une dépendance.

C’était ce qui rendait son travail si fascinant, et si difficile : une même personne pouvait être à la fois gentille et cruelle, compatissante et odieuse. Pour résoudre un meurtre, il importait plus d’apprendre à connaître les gens que de recueillir des preuves. Des gens aux comportements contradictoires et qui, souvent, n’en étaient même pas conscients

Les sentiments… Les gens avaient beau essayer de rationaliser, justifier, expliquer, tout finissait par revenir aux sentiments, aux perceptions.

L’équation se résumait souvent à cela : sacrifier un petit nombre pour sauver le plus grand nombre. Vu de loin, ça semblait si simple, si clair. Et pourtant, de loin on avait peut-être une vue d’ensemble, mais on ne voyait pas tout, des détails pouvaient vous échapper

Certains croient que l’ennemi est le changement, d’autres que c’est le changement qui les sauvera, mais tous savent qu’ils sont au bord de la falaise.

Quand une femme entreprend quelque chose, elle le fait avec son cœur et sa tête. Une puissante combinaison. — C’est ce qu’on disait dans l’entrevue. Les femmes font rarement partie de cellules terroristes, mais si les agents du Mossad en attaquent une et trouvent une femme terroriste, ils ont ordre de la tuer en premier, car elle ne se rendra jamais. Elle sera la plus féroce. Elle sera impitoyable.

Curieusement, les gens obsédés par un sujet semblaient croire que tous les autres l’étaient aussi, ou du moins s’y intéressaient. Et pour les archéologues et les historiens, captivés par le passé, il était inconcevable que d’autres ne le soient pas. Pour eux, le passé était aussi vivant que le présent. Et si oublier le passé pouvait condamner les gens à le répéter, s’en souvenir avec trop de précision les condamnait à ne jamais le quitter

Tout ce qui est enterré n’est pas nécessairement mort, dit l’archéologue. Pour beaucoup de gens, le passé est toujours vivant

Il savait que lorsque des gens vivaient au même endroit depuis longtemps, depuis une éternité, ils ne le voyaient plus tel qu’il était, mais plutôt tel qu’il avait été

Mais qu’arrivait-il aux personnes qui ne parlaient jamais, n’élevaient jamais la voix, gardaient tout à l’intérieur

Chaque parole, chaque pensée, chaque émotion, tout ce qu’elles ravalaient tourbillonnait en elles et creusait un trou, un gouffre dans lequel elles enfonçaient leurs mots, leur rage

Imaginez être pourchassé par sa propre conscience. Pendant un terrible moment, c’est ce qu’ils firent. Ils voyaient une redoutable conscience dressée comme une montagne. Qui jetait une ombre qui s’allongeait, s’étendait de plus en plus, devenait de plus en plus sinistre.

Ses yeux étaient secs, comme si on les avait décapés au jet de sable

Remerciements de l’auteur: Enterrez vos morts n’est pas un livre sur la mort, mais sur la vie. Et sur la nécessité d’à la fois respecter le passé et s’en détacher.

One Reply to “Penny Louise « Enterrez vos morts»”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *