Nothomb, Amélie « Pétronille » (08/2014)

Nothomb, Amélie « Pétronille » (08/2014)

Résumé : « Au premier regard je la trouvai si jeune que je la pris pour un garçon de quinze ans. »

 

Mon avis : Alors oui ! Un Amélie Nothomb que j’ai adoré ! Lors d’une séance de dédicaces, la romancière fait la connaissance d’une de ses lectrices…elle qui est à la recherche d’un compagnon de beuverie champagne trouve sa partenaire… qui est loin de lui ressembler. Fille de banlieue, prolo alors qu’elle est bourge, en blouson et jeans… La vraie « Pétronille » est de fait Stéphanie Hochet (qui a publié récemment d’un livre intitulé «L ‘éloge du chat ». A.M. a changé tant le nom de la romancière que celui de ces livres (« Moutarde douce » est devenu « Vinaigre de miel ») . Pourquoi Pétronille ? la réponse d’Amélie : C’est le féminin de Pétrone, l’arbitre des élégances, écrivain à la fois distingué et picaresque.

Ode à l’amitié, au champagne.. Jubilatoire. Tout en humour et finesse. La rencontre avec la styliste Vivienne Westwood est à pleurer de rire. Et une fois encore la belge laisse transparaitre son étonnement vis-à-vis des Français et de leur façon de penser.. On en veut pour preuve son effarement quand elle s’entend dire que les prolétaires n’ont pas à publier.. et autres aberrations… Il semble se confirmer au fil des années que je ne croche pas dans ceux de son enfance japonaise et que j’adhère pleinement aux autres. Plein d’humour, de finesse, pétillant comme il se doit ! A lire impérativement !

 

Extraits :

Boire en voulant éviter l’ivresse est aussi déshonorant que d’écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime

Chaque alcool possède une force de frappe particulière ; le champagne est l’un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière

J’ai bu une nouvelle flûte et j’ai compris que le breuvage provoquait des visions qui lui étaient apparentées : l’or de sa robe avait coulé en bracelets, les bulles en diamants. Au froid de l’argent répondait le glacé de la gorgée

Déjà, le mot « compagnon » n’allait pas, qui a pour étymologie le partage du pain. Il me fallait un convignon ou une convigne

Passer d’une rencontre de papier à une rencontre de chair et d’os, c’est changer de dimension. Je ne sais même pas si c’est passer de la deuxième à la troisième dimension, parce que c’est peut-être le contraire. Souvent, voir le correspondant en vrai, c’est régresser, rejoindre la platitude. Et ce qui est terrible, c’est que c’est irrémédiable : si l’apparence de l’autre, pour Dieu sait quel motif, ne convient pas à l’altitude d’une correspondance, celle-ci n’atteindra plus jamais son niveau. On ne pourra ni l’oublier ni en faire abstraction. Du moins, moi, je ne le peux pas

J’arrivai la première, comme toujours : je suis biologiquement incapable de ne pas avoir au moins dix minutes d’avance. J’aime me familiariser avec la faune ambiante avant de me consacrer à quelqu’un en particulier

Le roederer avait ce goût que la Russie des tsars attribuait au luxe français : le bonheur me remplit la bouche

Autant lire Tourgueniev en écoutant La Danse des canards

Quand je circulais, des dames me harponnaient aussitôt en gloussant qu’elles m’avaient vue à la télévision. Elles n’avaient pas plus à me dire mais cela prenait longtemps

Je n’avais encore jamais entendu parler de cette boutique féerique. Émerveillée, je contemplais autant l’extérieur que l’intérieur : par la vitrine, on voyait des livres aux aspects de grimoire, des amateurs que nul ne tirait de leur lecture, et une jeune libraire blonde, au teint de porcelaine, si jolie et si gracieuse que l’on croyait rêver en la regardant

Le réel s’empresse toujours de vous montrer à quel point vous manquez d’imagination.

La grossièreté d’autrui n’a d’autre effet que de me pétrifier

Par la fenêtre, je vis se lever ce qui devait équivaloir au soleil de ce côté-ci de la Manche : une moindre obscurité

Allons au British Museum. Dont acte. Afin de ne pas nous perdre, nous nous donnâmes rendez-vous en Mésopotamie à midi. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut se fixer des lieux de rendez-vous pareils

Mesopotamia, please. – Third floor, turn to the left, me répondit-on le plus simplement du monde. Comme quoi on a bien tort de croire que la Mésopotamie est à ce point inaccessible

À l’abri du papier, je parviens à me désempêtrer de mon excès d’émotion

10 Replies to “Nothomb, Amélie « Pétronille » (08/2014)”

  1. J’ai beaucoup aimé ce tout (trop ?) petit roman. L’épisode de l’interview de Vivienne Westwood est un vrai moment d’anthologie. Et la fin est aussi drôle que surprenante. Le Nothomb 2014 est un bon cru !

  2. Est-ce que vraiment il n’y a pas d’autres auteurs qui méritent ton attention que cette usine à produire régulièrement les histoires faites pour plaire ?

  3. Oh ! Pas gentil pour Amélie ! De plus elle sort effectivement un livre à chaque rentrée avec la précision d’un métronome mais ils ne sont pas tous plaisants!

  4. Tu connais la raison pour laquelle je ne lis plus jamais de romans, mais comme je te l’ai écrit ailleurs ce matin, nous en discutons (disputons ?) chaque automne – eh oui, je rejoins l’opinion de ton correspondant masculin ci-dessus -, mon épouse qui s’adonne à la littérature policière, notre fille et moi. De sorte que, grâce à elles deux, je me tiens un peu au courant, même si je suis volontairement en marge de ce qui se publie de nos jours en ce domaine.

    J’ai lu l’extrait que tu proposes : je le trouve décidément banal tant au niveau de la conception des phrases que du vocabulaire choisi …

    Un peu d’humour dans ce regret, pour terminer : malgré toute ma sympathie de lui voir choisir le Département mésopotamien au British, j’estime qu’elle elle aurait pu plébisciter l’égyptien !

    Mais peut-être l’excellence de sa description de l’un console-t-elle de la déception de ne pas visiter l’autre avec ses yeux …

    C’est à toi de nous le dire.

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