Boyle, T.C. « San Miguel » (2014)

Boyle, T.C. « San Miguel » (2014)

Résumé :

San Miguel, c’est le nom d’une île minuscule au large des côtes californiennes. Sur ce lopin de terre aride qui pourrait faire aussi bien figure de paradis que d’enfer, les destinées de deux familles, à plusieurs décennies de distance, vont se croiser. Le jour de l’an 1888, Marantha Waters débarque sur la côte ; elle n’a pas quarante ans et la tuberculose menace de l’emporter ; son mari, Will, espère que cet exil sauvage lui redonnera la force et le goût de vivre. Un demi-siècle plus tard, la famille Lester s’établit à son tour sur l’île, fuyant la Grande Dépression et le souvenir traumatisant de la Première Guerre mondiale. Animés par un optimisme farouche, ils tenteront de créer, en microcosme, une société idéale, mais les cahots du monde moderne et les spectres d’une nouvelle guerre vont bientôt frapper à leur porte. Dans ce roman salué par la critique américaine comme l’un de ses plus beaux, TC Boyle peint une ode pastorale grandiose où il met en scène, avec une puissance rarement atteinte, l’un de ses grands thèmes de prédilection : l’éternelle confrontation de l’homme et de la nature.

Mon avis :

J’avais entendu dire que l’auteur était drôle et ironique. Pas dans ce livre. Ici il est profond, puissant, poétique. Le livre raconte l’histoire d’un ilot perdu, désert, loin de tout, battu par les vents, lieu de solitude et présenté comme la terre promise. C’est l’histoire de trois femmes qui vont se succéder avec leur famille sur ce morceau de rocher occupé par les moutons et les phoques. Alors c’est bien une ile qui se situe face à la Californie, mais ce n’est pas l’image qu’on a de la Californie. Ce qui devait être terre de l’espoir va se transformer en terre de cauchemar, en lutte pour la survie. Le challenge ? Rendre l’inhabitable habitable ? S’adapter ? Réussir à fuir ? La voix des femmes s’oppose à celle des hommes…

Deux hommes, deux survivants de la guerre vont se succéder sur cet ilot presque inaccessible ; le premier veut faire fortune après la Guerre de Sécession, le deuxième ira s’y installer après la « Grande Guerre ». Les deux veulent refaire leur vie et réussir, loin de tout et entrainent leur femme/famille dans l’aventure. C’est la lutte des hommes et de la nature hostile, des hommes idéalistes et qui s’accrochent, des femmes qui luttent pour vivre ou pour ne pas mourir…

J’ai beaucoup aimé ce livre. Surtout la première partie car je me suis davantage attachée aux personnages et à leur évolution. J’ai un peu regretté de ne pas en savoir davantage sur la vie d’Edith mais c’est l’histoire de l’ile qui prime sur celle des personnes qui y séjournent. Dur et puissant, une magnifique étude des caractères, de la vie en conditions difficiles, de l’affrontement, de l’acharnement, des moyens adoptés pour survivre, de l’optimisme et du pessimisme, de la révolte et de la lutte, de l’espoir et de la fuite..

Extraits

« Elle avait entendu dire qu’on pouvait s’habituer à tout: ainsi, dans l’Arctique, les explorateurs devaient tuer leurs chiens pour ne pas mourir de faim et de froid, comme si les animaux dont ils ravissaient la chair et la fourrure n’avaient jamais été leurs compagnons et leurs confidents; on parlait aussi des prisonniers en cellule d’isolement qui se satisfaisaient de la compagnie d’un rat ou d’un cafard, ou même de Robinson Crusoé, qui finit par s’habituer à son île, au point de ne plus vouloir la quitter. Mais, pour Edith, l’adaptabilité était une malédiction. »

« Et puis tout changea, comme si elle avait tourné la page d’un livre »

« La moisissure qui atteignait tout objet inanimé dans la maison, tel un fléau biblique : le mobilier en était tacheté, les vêtements devenaient gras au toucher le lendemain à peine après avoir été lavés, les pages de ses livres en étaient marqués et souillés, grignotés de l’intérieur, pourris, avariés. »

« Elle savait qu’il ne fallait rien garder, que rien ne valait la peine qu’on s’y accroche, qu’en fin de compte, tout cela n’était rien. »

« Ce sont des objets inanimés. Elles ne se réveillent jamais. Et quand on ne se réveille pas, peut-on dormir ? — C’est comme un mort. — Un mort ne dort pas, il est mort. »

« Le vent secouait le portail comme s’il y avait eu quelqu’un mais il n’y avait personne »

« D’un geste de la main, il indiqua les griffes des vagues qui semblaient vouloir s’approprier la plage, et toute l’eau qui flottait vers l’horizon derrière. »

« Le feu repartit de plus belle. Les pages se recroquevillèrent, les images s’effacèrent comme si elles n’avaient jamais existé. »

 

2 Replies to “Boyle, T.C. « San Miguel » (2014)”

  1. Coucou Cath, je viens de le terminer et je l’ai lu sans entrain. Inversement à toi la première partie m’a semblé très longue à cause de la maladie omniprésente qui prend toute la place dans des plaintes sans fin.
    J’ai été comme toi frustrée de ne pas en savoir plus sur la suite de la vie d’Edith.
    Et c’est la dernière partie qui m’a plu le plus car elle délivre enfin LE message, celui où les grands rêves à la Robinson sont bien mis à mal dans la réalité de la nature, vivre au plus près d’elle, hors du confort où il faut se battre chaque seconde pour y survivre n’est pas le long fleuve tranquille dont peuvent rêver certains citadins rêvant de retour aux sources et de calme.
    Enfin oui je suis en total accord avec toi pour dire que c’est bien l’île de San Miguel qui est l’héroïne mais que la vie est âpre et souvent monotone isolée de toute civilisation. Et c’est cette monotonie qui a pris l’ascendant sur tout le reste, c’est ce qui me vient en premier.
    Je n’ai pas trouvé de poésie dans les descriptions et c’est ce qui m’a manqué aussi, beaucoup.

  2. Moi j’avais bien aimé… toi qui aime les livres sur la survie, il était un peu dans la plaque… mais c’est vrai que les plaintes incessantes plombent le récit…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *