Chattam, Maxime : Que ta volonté soit faite (2015)
Résumé :
Bienvenue à Carson Mills, petite bourgade du Midwest avec ses champs de coquelicots, ses forêts, ses maisons pimpantes, ses habitants qui se connaissent tous. Un véritable petit coin de paradis… S’il n’y avait Jon Petersen. Il est ce que l’humanité a fait de pire, même le Diable en a peur. Pourtant, un jour, vous croiserez son chemin. Et là…
Réveillera-t-il l’envie de tuer qui sommeille en vous ?
Maxime Chattam nous manipule tout au long de ce récit troublant dont le dénouement, aussi inattendu que spectaculaire, constitue l’essence même du roman noir : la vérité et le crime.
Mon avis : Roman noir, psychologie du mal personnifié. La confrontation du bien et du mal.. Mais surtout une magnifique analyse de caractères.. Quand on nait dans le mal, est on conditionné à reproduire le mal et le noir ? Peut-on réagir? Peut-on se contraindre à changer, peut-on casser le moule? Le mal est-il lié à la misère et à la pauvreté ? Je connais très peu les livres de Maxime Chattam, je sais que celui-ci n’est pas typique de l’auteur, mais je dois dire que j’ai beaucoup apprécié cette approche, la construction de la personnalité du mal absolu, sa démarche spirituelle, ses codes et ses doutes… Crimes, viols, méchanceté, violence… tout est analysé…
Extraits :
Un mariage entre méthodiste et luthérien, pour ces deux familles, était encore plus déshonorant qu’une grossesse hors union, quoi qu’aient pu en dire les femmes des clans respectifs qui furent les plus tempérées dans l’affaire.
Les autres adultes disaient de lui qu’il avait un « monde intérieur très riche », ce qui était un moyen élégant d’affirmer que Jon était asocial.
Et chaque jour, il n’y avait que le rosissement de l’horizon pour lui rappeler qu’il devait se hâter de rentrer pour souper, la roue chromatique des cieux tournait, son horloge à lui, sa montre cosmique, avec la lune et le soleil pour aiguilles, un repère qui n’appartenait qu’à lui
dans l’obscurité, la démarche silencieuse, il se demanda si c’était là ce que ressentaient les loups lorsqu’ils traquaient leur proie, se glissant dans leur traîne, le regard acéré, la vision périphérique s’effaçant progressivement pour qu’il n’y ait plus que la cible en vue.
Son écorce était poreuse, il savait encaisser, courber l’échine et attendre qu’une tempête passe en la traduisant en cicatrices.
Tu verras, le sexe c’est comme la cigarette, au début c’est désagréable et ensuite tu ne peux plus t’en passer.
une histoire d’amour qui commence dans la haine familiale, c’est jamais bon
Brasser les sangs, pourquoi pas, mélanger les origines, les classes sociales, à la rigueur, mais pas les religions.
Tout tombait en ruine ici, jusqu’au fermier lui-même, un rouquin voûté qui paraissait le double de ses quarante ans, maigre comme un coyote l’hiver
au-delà des livres elle savait lire les êtres humains, et en particulier les plus jeunes
Mais la nicotine vous colle à la peau plus sûrement que de la sève fraîche et cette saleté est capable, même après très longtemps, de ressortir de sa cachette pour inonder votre sang de ses arômes, jusqu’à vous faire tourner la tête de désir.
La vie d’un homme est l’unique véritable horloge du monde.
– Quand tout le monde fixe le même point, c’est qu’il y a quelque chose à y voir
La paroisse, l’approche spirituelle, tout ça lui semblait finalement peu important, il était méthodiste par tradition familiale, rien de plus, après tout ce qui comptait c’était le destinataire final, pas le mode de communication.
elle leva les yeux vers lui et son sourire chassa tous les hivers du monde pour l’éternité.
en matière de séduction, il frisait la neurasthénie
Les voyelles de l’humiliation défilèrent. Les voix se turent, les bouches formèrent des « oh » de stupéfaction, les mains commencèrent à pointer des doigts moqueurs tels des « i » impérieux, et bientôt tous rirent allégrement à grands coups de « ah-ah » et « eh-eh »..
C’est ce qui fait la différence entre un être humain et une épave, lorsqu’on n’a même plus la dignité de protester.
Certains naissent foncièrement bons, la plupart ne sont que des funambules dansant au-dessus du vide entre bonté et méchanceté, mais une poignée, comme lui, venaient au monde souillés par déjà une bonne quantité de limon autour de leurs fondations, trop en tout cas pour que les grandes eaux moralisatrices de la civilisation puissent tout laver.
La spatule réclinait le vernis et les écailles de peinture comme si toute la maison pelait sous le soleil de juin
… mais se sentait obligée de compenser la disparition de sa fringante beauté par des bijoux plus gros, plus brillants, à commencer par des boucles d’oreilles en nacre qui pendaient tels les balanciers d’une vieille horloge royale.
Il a cru qu’il aurait prise sur sa fille de la même manière qu’il gère ses affaires. Quand il a compris qu’elle lui échappait, il s’est comporté comme avec ses contrats : il lui a tourné le dos pour se consacrer à autre chose.
Il ne supporte pas l’idée que sa propre famille ne réagisse pas à son emprise comme son empire. Ce qu’il ne peut contrôler, il fait comme si ça n’existait pas.
Ses iris menaçaient de fondre et de répandre leur crème bleue sur ses joues tant les larmes, rageuses, pleines de l’acide de la rancœur, s’accumulaient aux portes de son regard.
Ce qui est certain, c’est que, les années filant, il devenait de plus en plus avare de paroles, et le fin vernis d’humanité qui l’habitait se réduisit à sa portion la plus mince, le strict minimum vital pour survivre en société
Finalement les fantômes ne dépendent pas des lieux, il n’y a guère que les hommes et les femmes qui sont hantés, jamais les maisons.
Nos vies sont ainsi constituées, n’est-ce pas ? Une accumulation de petits interrupteurs qui s’enchaînent, l’un ouvert, le suivant fermé, et on est obligé de prendre une direction différente ; ainsi nous propageons le courant de nos existences à coups de trajectoires sinusoïdales aux amplitudes plus ou moins larges, sans qu’aucun de nous sache réellement pourquoi tel ou tel interrupteur est allumé, ce sont simplement les aléas du quotidien, des rencontres, des actes manqués, des gestes, des oublis, des réussites et des échecs… Certains appellent cela le « destin », d’autres le « choix de Dieu », et quelques-uns ne se posent pas la question, ils se contentent de vivre.
Sa peau ressemblait au papier peint qui se décolle après trop d’années dans une maison humide,
dans une petite ville, on se définit davantage par ce que l’on sait et donc que l’on doit raconter que par ce que l’on fait réellement
une personne qui ne cherche qu’à fermer les yeux est un être qui recherche la mort
Elle était belle ?
– Comme un crépuscule de printemps.
– Même à la fin ?
– Aussi belle qu’un crépuscule d’automne.
Il n’y a pas plus efficace qu’une armada de dévots frustrés de bonnes œuvres à qui vous confiez soudainement des estomacs à la dérive.
La maison craquait la nuit, ses os de bois se refroidissaient enfin, et sa structure se contractait après les dilatations terribles de la journée
La vérité a cela d’insupportable qu’elle s’effiloche avec le temps.
Le progrès n’est pas une épidémie, c’est une couverture ; il ne vient à vous que si vous tirez dessus.
4 Replies to “Chattam, Maxime : Que ta volonté soit faite (2015)”
Merci pour ton commentaire Pene, perso j’ai beaucoup aimé le livre, que j’ai trouvé d’une noirceur rare.
J’ai eu un coup de foudre pour Chattam avec sa trilogie du mal, mais n’ai pas du tout aimé ceux qui ont suivi. Par conséquent, celui-ci fut un vrai plaisir (enfin, dans le sens où on peut avoir du plaisir à lire un livre où le mal absolu règne en maître).
J’en profite pour te remercier pour ton blog et le temps que tu passes à commenter les livres que tu lis, nous offrant soit la prolongation d’un livre lu soit l’ébauche qui nous conduira à une découverte.
Merci MWAK . Ton commentaire me fait très plaisir. Une fois encore nos avis se rejoingnent. J’ai eu le même parcours « Chattamesque » que toi… Comme j’aime garder une trace de mon ressenti après avoir lu un livre, autant en faire profiter les amis.. J’espère te lire encore souvent sur mon blog..
Bonjour Catherine,
Ses livres sont d’une noirceur glaçante.
Je l’ai connu par ses livres fantastiques jeunesse, appelés « Autre monde », que j’ai dévorés. Le style est tout aussi noir et l’idée surprenante.
Je vous les conseille si vous aimez le genre.
Je vous souhaite une belle journée
Cordialement,
Géraldine
Ah quel plaisir de vous lire ici ! Je n’ai effectivement pas lu les fantastiques jeunesses de Chattam. Je retiens l’idée! et me réjouis de vous retrouver ici 😉