LECTURES

2013

2ème trimestre

En cours de lecture
Auteur coup de cœur
Ah oui . je recommande
Incontournable

passé un bon moment
Beaucoup aimé
intéressant
un peu longuet
sympa
sympa sans plus

toutes mes lectures, au fil des ans

été jusqu'au bout avec peine
pas aimé du tout

grenat : résumé

 en vermillon : mon avis

je sais pas trop ...

Lectures : Juillet 2013 : Peter MAY « le braconnier du lac perdu »  (Trilogie écossaise – tome 3) - Mia COUTO « la véranda au frangipanier » (2000) - MURAKAMI Haruki « 1Q84 » livre 3 - BARDE-CABUCON Olivier « Casanova et la femme sans visage »  - Johnny Hallyday - Amanda Sthers « Dans mes yeux » - ADLER-OLSEN Jussi « Miséricorde » - Agnès Martin-Lugand « Les gens heureux lisent et boivent du café » - Blandine LE CALLET « La ballade de Lila K » - BRANDRETH Gyles "Oscar Wilde et le jeu de la mort" – Barbara CONSTANTINE « A Mélie sans mélo » -

Lectures : Aout 2013 : Alex Capus  « Léon et Louise » - Paul Colize « Back up » - Falcones Ildefonso « Les révoltés de Cordoue » -  Mathias Malzieu : « Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi » - Camilla LÄCKBERG « Le Gardien de phare » - May Peter « le mort aux quatre tombeaux » - Sophie Loubière « Black Coffee 

Lectures : Septembre 2013 : Yannick Haenel « les renards pâles » -  Puértolas Romain : « L’extraordinaire voyage du fakir qui était restée coincé dans une armoire Ikea » - Laurent Gaudé « Ouragan » - Goby Valentine " Kinderzimmer" 2013 – Gilles Legardinier « Complètement cramé »

Lectures : Octobre 2013    "De taille et d'estoc" de Jean d'Aillon -  - Bouhier, Odile "le sang des bistanclaques" - BARDE-CABUÇON, Olivier  « Messe noire » - David BELL « Fleur de cimetière » - Patrick Chamoiseau "Hypérion victimaire - Martiniquais épouvantable" - Anna Gavalda « Billie » - Sylvie Germain, « Petites scènes capitales » -  KINSELLA, Sophie  (Madeleine Wickham) « Confessions d'une accro du shopping », - Olmi Véronique «La nuit en vérité »  -  Serres, Karin « Monde sans oiseaux » »- Laurent Seksik  « Le cas Eduard Einstein » - Qiu Xiaolong « Cyber-China »

Lectures : Novembre 2013 Didier Decoin «  la pendue de Londres » - Philippe Labro « On a tiré sur le Président »  - Miano Léonora : « La saison de l'ombre » - prix Fémina 2013 – Xinxin, Zhang « Une Folie d'orchidées. » - PAROT Jean-François "L'année du volcan" – SALEM Carlos « Nager sans se mouiller » - SMILEVSKI Goce: La liste de Freud (2013) – SMILEVSKI, Goce « La liste de Freud » (2013) -

Lectures : Décembre 2013 : – SALEM Carlos « Un aller simple» - Peter May « Scène de crime virtuelle » - Jonas Jonasson «L'Analphabète qui savait compter » - Jean d’Aillon « la charte maudite »

 

 

 

 

"De taille et d'estoc" de Jean d'Aillon

Résume de l’éditeur : la jeunesse de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour - A la fin du XIIe siècle, la jeunesse mouvementée de Guilhem d'Ussel croise l'amour passionné entre le moine Joceran d'Oc, de l'abbaye de Cluny, et la prieure Jeanne de Chandieu, de l'abbaye de Marcigny, tous deux accusés d'avoir dérobé la sainte lance. Un récit en marge de«Les aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour». Marseille, 1187. Antoine, orphelin de treize ans recherché pour meurtre, fuit la ville et se retrouve sur des routes infestées de bandits et de mercenaires. L'adolescent, qui a pris le prénom de Guilhem, va, au hasard de rencontres, être initié à l'art des troubadours comme à celui de la coutellerie, du lancer de couteau et du duel.
Son chemin croise celui de Joceran d'Oc et de Jeanne de Chandieu qui, pour vivre leur passion, ont quitté l'habit et les ordres. Ils sont accusés du vol de la sainte lance, inestimable relique rapportée de Terre sainte par les croisés.
Amour et honneur, quête de vérité et vengeance : la grande saga du chevalier troubadour Guilhem d'Ussel peut commencer.

Mon avis :  Incontestablement une magnifique aventure qui nous entraîne dans la jeunesse de Guilhem pour notre grand plaisir. Et c'est un plus car cela explique les rencontres dans les aventures suivantes.. On relie les aventures futures avec le cheminement passé et cela rend Guilhem encore plus attachant de savoir par où il a passé pour devenir ce qu'il est.

 

- Jean d’Aillon « la charte maudite »

Résume de l’éditeur : Les aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour (tome2) - Cette nouvelle d'environ 130 pages  fait suite au roman : De taille et d’Estoc. Sur la route de Paris, Guilhem d’Ussel vient au secours de vilains oppressés par le seigneur de Chissey qui a falsifié la charte de leurs droits. La malédiction protégeant le parchemin contre toute altération et damnant ceux qui s’y seraient livrés peut-elle se réaliser ?

Mon avis :

 

 

ADLER-OLSEN Jussi « Miséricorde »

Résume de l’éditeur : Pourquoi Merete Lyyngaard croupit-elle dans une cage depuis des années ? Pour quelle raison ses bourreaux s'acharnent-ils sur la jeune femme ? Cinq ans auparavant, la soudaine disparition de celle qui incarnait l'avenir politique du Danemark avait fait couler beaucoup d'encre. Mais, faute d'indices, la police avait classé l'affaire. Jusqu'à l'intervention des improbables Carl Mørck et Hafez el Assad du Département V, un flic sur la touche et son assistant d'origine syrienne. Pour eux, pas de cold case... Couronné par les prix scandinaves les plus prestigieux, de La Clé de Verre aux Golden Laurels des libraires, le thriller de Jussi Adler-Olsen, première enquête de l'inspecteur Mørck, est un véritable phénomène d'édition mondial.

Mon avis : Alors elle a reçu le prix du Meilleur polar scandinave.. Ce n’est pas usurpé ! L’intrigue est super bien ficelée, les personnages bien campés, le duo de la section « V » incroyable et attachant.. Un « cold case ».. mais assez récent pour être encore présent dans les mémoires.. un peu de politique, le thème de la disparition sans corps... Encore un flic à la ramasse et mal dans ses baskets, au caractère impossible dont personne ne veut.. ben oui.. avec une famille .. ou plutôt une ex-famille.. un peu déglinguée.. mais la bonne surprise vient de son acolyte.. qui est tout sauf ce qu’on pourrait imaginer.. et d’ailleurs.. on se demande bien qui il est et d’où il sort..  J’ai adoré et je me réjouis de suivre les prochaines aventures de ce duo de choc..

  

Olivier Barde-Cabuçon « Casanova et la femme sans visage »

Résume de l’éditeur : Une enquête du commissaire aux morts étranges
Après avoir sauvé Louis XV de la mort lors de l'attentat de Damiens, et malgré son peu de goût pour la monarchie, le jeune Volnay obtient du roi la charge de « commissaire aux morts étranges » dans la police parisienne. Aidé d'un moine aussi savant qu'hérétique et d'une pie qui parle, Volnay apparaît comme le précurseur de la police scientifique, appelé à élucider les meurtres les plus horribles ou les plus inexpliqués de son époque. Epris de justice, c'est aussi un homme au passé chargé de mystère, en révolte contre la société et son monarque qu'il hait profondément. 
Lorsque, en 1759, le cadavre d'une femme sans visage est retrouvé dans Paris, Volnay doit conduire une enquête sur le fil du rasoir avant que le meurtrier ne frappe de nouveau. Mais entre des alliés aussi incertains que le libertin Casanova et des adversaires redoutables, à qui le commissaire aux morts étranges peut-il se fier ?

Mon avis : Un peu l'impression de suivre une enquête d'un collègue de Nicolas Le Floch..  On y croise le roi, la Pompadour, Sartine.. Le chevalier Volnay dépend directement du roi.. Les intrigues se déroulent entre Paris et Versailles.. Mais il a moins de charme que notre cher Marquis .... Et la langue et les descriptions de J.F. Parot manquent. L'intrigue est bien ficelée.. le contexte historique me plait.. mais je n’ai pas le coup de cœur car je ne me suis pas attachée aux personnages..

 

BARDE-CABUÇON, Olivier  « Messe noire » - Actes Noirs de actes Sud 2013

Résume de l’éditeur  Une nuit de décembre 1759, le corps sans vie d’une jeune fille est retrouvé sur la tombe glaciale d’un cimetière parisien. Pas de suspect, et pour seuls indices : une hostie noire, un crucifix et des empreintes de pas. Un panneau placardé sur la grille d’un autre cimetière donne le ton : “Interdit à Dieu d’entrer dans ce lieu.” La tension est à son comble dans la capitale. Sartine, le lieutenant général de police, craint une résurgence des messes noires sous le règne du très contesté Louis XV.
Volnay, le commissaire aux morts étranges et son non moins étrange compagnon, le moine hérétique, se trouvent rapidement confrontés à des forces obscures et manipulatrices. Toujours aussi mal vu du pouvoir en place, sous la férule d’un Sartine plus méfiant que jamais, le duo d’enquêteurs ne pourra compter que sur lui-même pour démasquer les ordonnateurs du rituel satanique.
Dans ce deuxième volet des aventures du chevalier de Volnay, Olivier Barde-Cabuçon reconstitue un Paris pittoresque et inquiétant, où les seaux d’aisance se déversent des fenêtres à toute heure du jour, où les coquins s’emparent des rues à la nuit tombée, et où l’on dit la messe à l’envers sur les tombes. À quelques lieues de là, Versailles étale les lignes claires de ses jardins, comme pour mieux dissimuler les troubles pulsions de ses prestigieux locataires. Entre ces deux pôles opposés, Olivier Barde- Cabuçon noue une intrigue diabolique au royaume du détraquement et de l’inversion des règles établies.

Mon avis Deuxième enquête passionnante. On y retrouve le Commissaire et le moine, flanqués d'une "agente" de Sartine. On entre tout de suite dans le monde de la magie noire. L'intrigue est bonne, Maléfices et enchantements. L'enquête ne connait pas de temps morts. On découvre la peur de l'Etat de tout ce qui est sorcellerie. Paris est bien décrit. Les relations entre les personnages s'étoffent et ils deviennent de plus en plus familiers. Les intrigues de cour sont là et bien là.  Si j'avais été à moitié convaincue par les personnages du premier, je révise mon jugement. La mise en place des personnages une fois faite, ils prennent de l'ampleur et leur singularité les rend de plus en plus attachants. J'attends avec plaisir la suite de leurs aventures. 

 

Fleur de cimetière. David BELL (Actes Noirs de Actes Sud 2013)

Auteur  David Bell vit à Bowling Green, dans le Kentucky, où il enseigne l’écriture. Quand il n’écrit pas, il aime se promener dans le cimetière, près de sa maison.
Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Cincinnati, Ohio , le 17/11/1969

Biographie :
David J. Bell est écrivain et professeur d'université.
Il détient un doctorat (Ph.D) en littérature américaine et création littéraire de l’Université de Cincinnati.
Fleur de cimetière (Cemetery Girl, 2011) est son troisième roman.
Il vit à Bowling Green, dans le Kentucky, où il enseigne l’écriture à Western Kentucky University.
Quand il n'écrit pas, il aime se promener dans le cimetière près de sa maison.
site officiel: http://davidbellnovels.com/

Résume de l’éditeur : Tom et Abby Stuart avaient tout pour être heureux : un mariage parfait, une vie confortable et une merveilleuse petite fille de douze ans, Caitlin. Jusqu’à ce que Caitlin disparaisse sans laisser de traces. Pendant un temps, le couple s’accroche à tous les espoirs, toutes les fausses pistes, mais cette vaine attente et le poids de la culpabilité finissent par avoir raison de leur union.
Quatre ans plus tard, au lendemain des funérailles organisées en sa mémoire, Caitlin réapparaît – sale, hirsute, étrangement calme. La jeune fille refuse d’expliquer ce qui lui est arrivé. Et lorsque la police arrête un suspect lié à l’affaire, Caitlin refuse de témoigner contre lui, laissant les Stuart face à une seule alternative : abandonner l’espoir que justice soit faite ou prendre les choses en main. Tom se lance dans une quête obsessionnelle de la vérité, mais rien de ce qu’il a vécu jusqu’alors ne l’a préparé à ce qu’il est sur le point de découvrir.
Savez-vous réellement qui sont vos enfants ? Croyez-vous sincèrement pouvoir les protéger ? Êtes-vous vraiment ce qu’il y a de mieux pour eux ? Avec ce premier roman, David Bell signe un suspense psychologique implacable en forme de huis clos familial et s’affirme d’emblée comme un maître du polar en chambre froide.

Mon avis : Pas de sang, pas de violence visible mais beaucoup de violence psychologique. Nous sommes ici dans un huis clos sous le signe du syndrome de Stockholm.. L’important c’est l’ambiance, l’atmosphère, le ressenti et le vécu.. ce n’est pas la traque au pédophile, même si elle existe en arrière-plan. Une jeune fille réapparait après 4 ans d’absence et refuse de parler. Son absence a détruit le couple que formaient ses parents, a jeté la suspicion sur les proches. Son retour ne va rien arranger. Ce roman illustre les relations familiales en cas de crise. La question est « Pourquoi la jeune fille est-elle revenue ? » et quelle est la meilleure chose pour lui assure le bonheur ? Faut-il la faire parler, la bousculer, la consoler, tenter d’être présent ? Faut-il agir en adultes pour son bien ? Sommes-nous responsables des réactions de nos enfants ? Faut-il respecter ses souhaits ?  Quel est le rôle de la police, des psy.. . peuvent-ils arranger les choses ? Une fillette de 12 ans a disparu, une jeune fille de 16 ans réapparait. Ce n’est plus la même personne.. Et si le temps c’est arrêté pour les parents, la petite elle a vécu des choses importantes pendant ses 4 années. Un polar que j’ai bien aimé, même si des fois, il était un peu lent..

 

BOUHIER Odile "le sang des bistanclaques"

L’auteur :Scénariste formée à la Femis-Ensmis (Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son), Odile Bouhier a déjà écrit, aux Presses de la Cité, Le Sang des bistanclaques (2011), De mal à personne (2012). La nuit, in extremis est son troisième roman.

Résume de l’éditeur Bis-tan-clac, les machines des soyeux lyonnais bourdonnent. À l'aube d'une journée radieuse du mois de mai 1920, le corps d'une vieille femme est retrouvé dans un sac de jute. Pour décrypter les secrets de ce cadavre putréfié, le commissaire Kolvair aura besoin de l'expertise du professeur Hugo Salacan, directeur du premier laboratoire de la police scientifique de Lyon. L'occasion de prouver aux Brigades du Tigre que leurs méthodes passéistes sont bel et bien révolues...
Une plongée passionnante dans la société lyonnaise des Années folles, aux origines de la police scientifique, sur les traces d'un enfant de la Croix-Rousse devenu tueur en série.

Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce polar. Le premier opus et le début d’un tandem d’enqueteur ; le début aussi de la police scientifique. La confrontation entre la police traditionnelle et la nouvelle approche de la police scientifique. Des personnages atypiques, qui reprennent du service à la sortie de la  première guerre mondiale. Des personnages qui ont tous un passé difficile, des secrets… Le milieu des soyeux de Lyon. Une écriture fluide, du suspense.., un tueur en série.. C’est avec plaisir que je vais suivre la suite des aventures du Commissaire Kolvair.

 

BRANDRETH Gyles "Oscar Wilde et le jeu de la mort"

Résume de l’éditeur : Les règles sont simples : chacun inscrit sur une feuille le nom de la victime de son choix. Mais en initiant ses amis au jeu de la mort, Oscar Wilde n'imaginait pas que le drame rattraperait la comédie. Quand la Faucheuse commence à frapper, Wilde, flanqué de son fidèle ami Conan Doyle, doit enquêter avec zèle... car son nom figure lui aussi sur la liste funèbre.
« Grave, désopilant souvent, so british toujours, Gyles Brandreth signe une nouvelle enquête brillante et grinçante...Esprit de Wilde, tu es là ! »Raphaël Stainville - Le Figaro Magazine

Mon avis :** 2 ème enquête en compagnie d’Oscar Wilde et de Conan Doyle. C’est plein d’humour, on a l’impression de faire une incursion dans le monde de ces deux auteurs. On découvre la vie des deux amis, on les accompagne au Club, on pénètre dans leur intimité. Cette deuxième aventure donne envie de continuer à vivre avec eux. Mais je dois dire que c’est davantage pour le plaisir de découvrir la vie des personnages et le contexte historique dans lequel le « monument » Wilde évolue que pour l’enquête proprement dite.. C’est bien écrit, savoureux, émaillé de remarques et de bons mots. .. alors si l’enquête est pas « topissime »… bien qu’elle ne soit pas ininteressante.. Une façon d’écrire qui ne ressemble à aucune autre.. je recommande.

Extraits et citations :

« Surveille des pensées, car elles deviennent tes paroles, récita-t-il. Surveille tes paroles, car elles deviennent tes actions. Surveille tes actions, car elles deviennent tes habitudes. Surveille tes habitudes, car elles deviennent ton caractère. Surveille ton caractère, car il devient ton destin. »

« La vérité, c'est que j'aime les superstitions, Robert. Elles donnent de la couleur à la pensée et à l'imagination. Elles s'opposent au bon sens et le bon sens est l'ennemi de ce qui est romantique. Conservons une part d'irréalité. Ne soyons pas vulgairement raisonnables. »

« Il ne se passe jamais rien le dimanche, se plaignait-il. Tout est fermé. Personne ne sort. Personne ne s'amuse. Même Dieu est obligé d'aller à l'église. »

 

Bergsveinn Birgisson  « La Lettre à Helga »

Résume de l’éditeur : «Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l'été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi.» Ainsi commence la réponse - combien tardive - de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu'il aima, aussi brièvement qu'ardemment, d'un amour impossible. Et c'est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur du fourrage, on découvre l'âpre existence qui fut la sienne tout au long d'un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni est un homme simple, taillé dans la lave, pétri de poésie et d'attention émerveillée à la nature sauvage. Ce beau et puissant roman se lit d'une traite, tant on est troublé par l'étrange confession amoureuse d'un éleveur de brebis islandais, d'un homme qui s'est lui-même spolié de l'amour de sa vie.

 Mon avis : Un petit récit de 130 pages qui décrit toute une vie : la vie d’un être entier, passionné, trivial, poétique. Une vie rude, au contact de la nature. Une vie qui va privilégier les valeurs inculquées depuis l’enfance, la tradition et la terre à l’amour ; une vie de regrets. Un paysan islandais enraciné dans son île, dont la conception est à l’unisson avec la nature. Une vie avec les bêtes. Description de la vie, des coutumes, d’un monde qui est en train de disparaitre, au contact de la vie des villes et des valeurs qui changent. Ce petit livre est bouleversant de sincérité et de réalisme. Les sentiments et les valeurs « vraies » priment sur une vie d’amour, car rien ne peut détacher l’homme de sa terre… et la pureté de ses sentiments résistera à tout. Il en souffrira dans sa chair, sera torturé mais respectera ses engagements, sa famille, ses traditions… Il assumera ses choix dans la dignité et la douleur. L’amour restera toujours, mais le bonheur ne sera qu’éphémère.. Dans cette vie rude, les animaux sont le réconfort, les éléments et la nature des comparaisons avec les sentiments et la beauté humaine. Des images poétiques et de l’humour. Un univers pudique, où les sentiments sont décrits de manière abrupte, une vie d’un autre temps, la découverte d’un monde qui nous fait faire un bond dans le passé, alors que la civilisation est proche, pour qui veut vivre dans l’illusion et non dans le vrai. Le tout de force est de toujours rester dans le puissant, le poétique et l’ironique sans tomber dans le sentimentalisme, bien que le livre soit en fait un regret …  

Extraits et citations :

« Certains meurent de causes extérieures. D’autres meurent parce que la mort depuis longtemps soudée à leurs veines travaille en eux, de l’intérieur. Tous meurent. Chacun à sa façon. Certains tombent par terre au milieu d’une phrase. D’autres s’en vont paisiblement dans un songe. Est-ce que le rêve s’éteint alors, comme l’écran à la fin du film ? Ou est-ce que le rêve change simplement d’aspect, acquérant une autre clarté et des couleurs nouvelles ? Et celui qui rêve, s’en aperçoit-il tant soit peu ? »

« Le vent du nord soufflait ; dans le grésil et les nuages sombres pendouillaient comme des langues des lambeaux de soleil. Un temps pareil était censé favoriser la conception d’agneaux mâles, selon une croyance qualifiée par toi de fumisterie, comme tu n’as pas manqué de me le rappeler lorsque tes brebis ont mis bas et que les agnelles étaient en bien plus grand

« Une visite chez eux ne manquait pas d’évoquer le vieux couple de fermiers qui avait tiré le diable par la queue sur la lande pendant quarante ans, dans Lumière du monde de Laxness. Ils étaient comme une seule et même personne dans deux corps distincts. »

«J’avais beau essayer de m’endurcir, les pleurs sourdaient comme du sang à travers un pansement. »

« Moi, j’ai toujours eu assez pour les miens et moi-même, et mes décisions, je les ai toutes assumées sans déranger ces messieurs dans leur boulot. J’ai compris aussi que ce Dieu qui est aux cieux doit être en partie fabriqué par l’homme. Je crois bien qu’il existe, mais il ne doit guère être du genre à se laisser pousser la barbe. Il m’a semblé qu’il se manifestait plutôt dans les couleurs d’automne ou dans l’arôme d’un bout de bois d’épave fraîchement fendu, qui se scinde joliment en deux piquets de clôture destinés à vous survivre. »

 « Mais quelle est la culture de ceux qui parlent ainsi ? C’est quand les gens tournent le dos à leur histoire qu’ils deviennent tout petits. »

« …Car celui qui fait quelque chose de ses mains laisse dans son ouvrage une partie de lui-même. »

Ils ne jouent ni ne manifestent la moindre curiosité, à la différence de leurs congénères dans la nature. Les canards de Reykjavík sont devenus exactement pareils aux gens, de tristes parasites qui se chamaillent pour gober ce qu’on leur jette. N’est-ce pas précisément ce terreau qui génère des idées selon lesquelles la vie serait vide de sens ? Précisément chez ceux qui ont perdu le contact avec leur vraie nature.

 « Il s’agissait là d’hommes qui avaient eux-mêmes forgé le sens qu’ils donnaient à leur vie ; ils avaient l’intelligence dont la nature les avait dotés car aucune école ne leur avait inculqué comment penser. Ils pensaient tout seuls. »

« Ici, à la campagne, j’ai eu de l’importance. Et si ce n’est qu’une idée, au moins aurai-je eu l’impression d’en avoir. Voilà une différence qui compte. Ici j’ai pu voir le fruit du travail de mes mains. »

« J’ai perçu l’angoisse du feuillage aux éclipses de lune, j’ai levé les yeux dans les côtes et senti mon âme s’élever hors de moi tandis que je conduisais mon tracteur. J’ai entendu mes glouglous d’estomac répondre aux grondements du tonnerre, petit homme sous un ciel immense ; j’ai entendu le ruisseau chuchoter qu’il est éternel. »

« J’ai été témoin de la cruauté de l’orque ainsi que de la douceur de l’amour maternel et je me suis trouvé un refuge hors du monde, là où les cygnes vont dormir. Je me suis baigné dans une eau pleine de l’éclat du soleil, et non dans celle qui sort noire des tuyaux de lieux civilisés et j’ai perçu la différence. »

« J’ai vécu d’amour et d’eau fraîche durant les hivers des années soixante où la mer était prise par les glaces. J’ai fantasmé pour combler les lacunes de mon existence, compris que l’être humain peut faire de grands rêves sur un petit oreiller. « 

« Tout bien considéré, je ne sais plus si mon désir de toi a quelque chose à voir avec toi, ou s’il n’y a là-dessous qu’une tendance masochiste et maladive de ma part. Se pourrait-il que tu aies été l’objet innocent de ma contre-nature, tapie dans une profonde fissure, hors d’atteinte du rayon de lumière du langage ? Je sais bien que d’autres hommes avaient le béguin pour toi ; on les voyait boire tes courbes du regard quand tu sortais de la boutique. »

« Je me souviens que je m’efforçais à la gratitude pour tout ce qui m’était donné, mais ce genre de pensée rendait un son creux. La passion qui, auparavant, me portait à la surface des jours, était à présent une entrave que je me mis à détester, me rendant compte qu’elle ne serait jamais plus assouvie. »

« Ma parole, c’est à croire que tout cela se projette en noir et blanc dans ma conscience, comme les photos de l’époque. Quand je survole des yeux cette tranche du passé, je me dis que mieux vaut ne jamais croiser l’amour sur sa route – car une fois qu’on l’a perdu, on se retrouve bien plus mal loti qu’avant. »

« Je reprenais mes esprits tout à coup sur la place de la Coopérative où tout le monde riait de l’histoire en question, mais c’était trop tard. Tout arrivait trop tard – tout était passé. Mon âme essorée n’avait plus de mots. Le pire n’était pourtant pas la souffrance ou, comment dire, l’incapacité de rien sentir, mais la solitude dans tout cela. »

 « Le pire dans la plus grande affliction, c’est qu’elle est invisible à tous sauf à celui qu’elle habite. »

« Jamais je ne le revis et l’idée m’a effleuré que cette vision ait pu n’être pas réelle, mais transformée en réalité par la mémoire – à partir d’un rêve porteur d’un message essentiel. Et de fait, il me semble parfois que mon esprit a, comme l’oiseau, essayé de prendre son envol pour échapper au quotidien laborieux de la vie terrestre et que j’ai, tout comme lui, tenté de planer dans le ciel des poètes à la faveur de mes écrits indigents. »

« Et de fait, il me semble parfois que mon esprit a, comme l’oiseau, essayé de prendre son envol pour échapper au quotidien laborieux de la vie terrestre et que j’ai, tout comme lui, tenté de planer dans le ciel des poètes à la faveur de mes écrits indigents. Si les dieux me l’accordent, c’est justement comme ça que je m’envolerai vers toi finalement, sur les ailes de la poésie. »

« Au sud, de gros nuages se déplaçaient vivement et de la lumière filtrait entre les cumulus. C’est alors qu’un merveilleux rayon de soleil a transpercé les nuages pour se planter sur moi et aux alentours, pour ne pas dire sur nous, puisque j’étais couché là, contre ta poitrine. »

« Alors je me suis mis à pleurer, vieillard sénile que je suis, échoué entre deux protubérances en terre d’Islande, les Mamelons d’Helga, et je compris que le mal, dans cette vie, ce n’étaient pas les échardes acérées qui vous piquent et vous blessent, mais le doux appel de l’amour auquel on a fait la sourde oreille – la lettre sacrée à laquelle on répond trop tard, car je le vois bien à présent, dans la clarté du dénouement, que je t’aime moi aussi. »

Alex Capus  « Léon et Louise »

Résumé :  Le jour des obsèques du grand-père, la famille est en train d'attendre le prêtre dans la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, lorsqu'une petite dame énergique, portant un foulard rouge, s'approche du cercueil, pose un baiser d'adieu sur le front du défunt et, en souriant malicieusement en direction de l'assistance, actionne une vieille sonnette de vélo. Dans les premières rangées, on chuchote. Est-ce vraiment cette Louise ? Elle a donc osé?
Léon et Louise n'ont pas vingt ans lorsqu'ils se rencontrent dans un petit village français vers la fin de la Première guerre mondiale. Connus, reconnus, perdus de vue, séparés par les hasards de l'Histoire, les deux jeunes gens ne s'oublieront jamais.
Avec un sens délicat du détail et un souffle narratif puissant et élégant, Alex Capus explore les ressorts complexes de deux existences. Surgissent alors le décor et l'ambiance des différentes époques durant lesquelles nous suivons les péripéties des deux héros : la Normandie pendant la Première guerre ; Paris sous l'Occupation ; le Quai des Orfèvres et la Banque de France ; l'action du préfet de police pour cacher les archives relatives à l'immigration ; l'opération de sauvetage de l'or de la République...
En réinventant la vie secrète de son propre grand-père sur plus de quarante ans, Alex Capus signe le roman d'un amour plus fort que le tourbillon de la vie, une irrésistible épopée qui a déjà séduit un grand nombre  de lecteurs à travers le monde.

Traduit de l’allemand - Prix du public de la RTS (Radio Télévision Suisse ) 2013. ( écouter : http://www.rts.ch/espace-2/programmes/entre-les-lignes/4852452-entre-les-lignes-du-03-05-2013.html#4852451 )

Mon avis : Vrai coup de cœur pour ce livre. Plein de tendresse, d’amour, de finesse et de subtilité. Mais sans mièvrerie sans sentimentalisme. Une belle histoire d’amour dont le cours logique sera détourné par la guerre mais qui perdurera envers et contre tout. Mais qui ne ravagera pas tout autour d’elle. Un amour contrarié qui respecte la vie et les autres. Un roman sur la persistance des sentiments, sur « le grand Amour ». L’écriture est fluide. Le décor est l’entre-deux guerres en France, l’envers du décor, la vie des gens normaux dans la France occupée : en Normandie, à Paris ; on tournera aussi des pages d’histoire..  le sauvetage de l’or par la Banque de France, la destruction des archives par la police…  De plus Capus réussit à rendre tous les personnages intéressants et attachants.

 Extraits et citations :

 « Nous sentons exactement pareil. — Nos odeurs se sont mélangées. — Je voudrais que ça reste comme ça. — À jamais. » 

« La nuit, avant de s’endormir, Léon ne cessait de revivre en pensée le trajet en Torpédo, les moments passés avec Louise au Relais du Midi et les dernières heures, jusqu’à l’aube, en lisière de cette forêt d’où l’on apercevait la tour Eiffel. Il eut la surprise de constater que ses souvenirs ne s’estompaient pas au fil des semaines, des mois et des années ; au contraire, ils devenaient de plus en plus puissants, de plus en plus vivants. « 

« La journée, il allait consciencieusement travailler, et le soir il plaisantait avec sa femme et se montrait auprès de ses enfants un père plein de tendresse ; mais au fond, les moments où il était le plus vivant étaient ceux où, tel un vieillard, il s’abandonnait totalement à ses souvenirs. »

 « Debout devant la fosse ouverte, Léon s’étonna de ce rituel qui s’accomplissait sans aspérités – elle était presque offensante, la simplicité avec laquelle un être pouvait être enterré comme si de rien n’était, comme si cet être n’avait pas, après tout, aimé et haï durant une vie ou n’avait pas été, au moins, utile à ses proches d’une manière ou d’une autre ; un dossier classé qu’on expurgeait sans façon du quotidien. »

« Je vis bien, tu ne me manques pas, comprends-tu ? Tu es seulement un de ces points vides parmi tant d’autres, de ces blancs que je transporte à travers ma vie ; après tout, je ne suis pas devenue pilote de course automobile ni ballerine, je ne dessine pas et je ne chante pas aussi bien que je le désirais, et je ne lirai jamais Tchekhov en russe. « 

« On s’y fait, à ces blancs, on vit avec, ils font partie de vous et on ne voudrait pas se priver d’eux ; si je devais me décrire, la première chose qui me viendrait à l’esprit, c’est que je ne parle pas russe et que je ne sais pas faire de pirouettes. »

« Et avec le temps, je me suis aperçue que je m’ennuie moins avec moi-même qu’en compagnie d’un monsieur qui ne me plaît pas complètement. »

  Patrick Chamoiseau "Hypérion victimaire - Martiniquais épouvantable"

Résumé : Une nuit en Martinique 2 truands de bas étage braquent un automobiliste et le forcent à participer à leurs casses. Or ce conducteur s'avère être un tueur...

« Le commandant fut happé par l'idée que, dans une ironie malencontreuse du sort, il était en train de vivre ce qu'il avait ardemment désiré au fil de sa longue et monotone carrière : la rencontre avec un tueur considérable, une bête de sang demeurée inconnue des forces de police. Et c'était là, durant la merde de ce vendredi 13, ultime nuit de garde de sa longue carrière, qu'il découvrait son existence, et qu'il se retrouvait soumis au bon plaisir de ce que la Martinique avait sans doute produit de plus épouvantable... »
Tenu captif, le commandant de police écoute le récit hypnotique du tueur. Car tant que la confession dure, la mort est tenue à distance.

Mon avis :  lecture en cours 

 Paul Colize « Back up »

Résumé : Quel rapport entre la mort en 1967 des musiciens du groupe de rock Pearl Harbor et un SDF renversé par une voiture à Bruxelles en 2010 ? Lorsque l'homme se réveille sur un lit d'hôpital, il est victime du Locked-in Syndrome, incapable de bouger et de communiquer. Pour comprendre ce qui lui est arrivé, il tente de reconstituer le puzzle de sa vie. Des caves enfumées de Paris, Londres et Berlin, où se croisent les Beatles, les Stones, Clapton et les Who, à l'enfer du Vietnam, il se souvient de l'effervescence et de la folie des années 1960, quand tout a commencé...

Voir ce commentaire :   http://www.zonelivre.fr/blog/paul-colize-back-up/

Mon avis : Je viens de le terminer. Il est excellent. Un plongeon en arrière, le monde de la musique rock, une intrigue haletante...

Barbara CONSTANTINE « A Mélie sans mélo » (2010)

Résumé : Mélie, 72 ans, vit seule à la campagne. Sa petite-fille, Clara, vient pour la première fois passer chez elle toutes les vacances d'été. La veille de son arrivée, Mélie apprend qu'elle a un problème de santé. Elle verra ça plus tard, La priorité, c'est sa Clarinette chérie. Mélie, le mélo, c'est pas son truc. Elle va passer l'été (le dernier ?) à fabriquer des souvenirs à Clara.

Mon avis : Une fois encore un très joli moment de lecture. Une petite pause fraicheur entre deux livres… De la douceur, de la tendresse, des jolis mots. Le bonheur… quand je peux… une grand-mère comme tout le monde coudrait en avoir une... un monde dans lequel amour et souvenirs sont les moteurs de la vie… Une belle tranche de douceur et de solidarité intergénérationnelle à consommer sans modération.

Extraits et citations :

« Petit à petit... ...la sensation s'estompe.
Alors, vite... avant que ça ne finisse, elle veut se rappeler cette "chose" pour toujours... enfin non, pas pour "toujours" - puisqu'elle sait déjà, malgré ses vingt ans, que rien ne dure toujours -, mais, pour longtemps... oui, c'est ça, garder le souvenir de cet instant, pour très très très longtemps, jusqu'à la vieillesse, et même encore après, tiens ! jusqu'à la fameuse seconde avant de mourir, celle où, paraît-il, on voit défiler toute sa vie... »

 « Au temps des Grecs et des romains, les gens croyaient qu'à chaque personne correspondait une étoile. Quand la personne mourait, elle tombait du ciel et devenait une étoile filante. »

 « C'est quoi, comme sorte d'oiseau, déjà ?
-Mésanges bleues.
-Vos anges bleus? Ah? Je ne savais pas qu'on pouvait en élever chez soi, des trucs pareils...
Ca les a bien fait rire »

 P.-S. : Le petit jeune homme du cybercafé m'a appris à dessiner ce chat :
 (\_/)
(='.'=)
(")_(")

 Mia COUTO « la véranda au frangipanier »

Après Terre somnambule et Les baleines de Quissico, l'écrivain mozambicain Mia Couto poursuit avec ce nouveau roman une œuvre singulière, quête incessante des racines et d'une identité nationale perdues.
Fortement marqué par la tradition orale africaine, animé de légendes, d'épisodes fabuleux et de sagesse populaire, cet étrange récit aux allures de faux roman policier est hanté par un crime véritable : celui qui consiste à tuer le passé d'un peuple. Et à travers l'aventure d'Ermelindo Mucanga, mort rendu à la vie pour quelques jours, c'est l'histoire violente du Mozambique qui est évoquée et dont un frangipanier, au cœur d'une ancienne forteresse transformée en asile, est le témoin muet...
Nourri de toute une mémoire collective, ce récit fantastique, poétique et souvent drôle, illustre toute la puissance d'évocation d'une littérature métissée, dans son inspiration comme dans sa langue, dont Mia Couto demeure l'un des plus brillants représentants.

 Mon avis : Un pangolin ? Les pangolins (du malais pang goling : « celui qui s’enroule ») ou Manidés encore appelés fourmiliers écailleux, sont des mammifères insectivores édentés dont le corps allongé est en grande partie recouvert d'écailles, qui vivent dans les régions tropicales et équatoriales d'Afrique et d'Asie du Sud-Est. Avec ses écailles soudées on peut le confondre avec les membres de la classe des reptiles. Et le pangolin, meilleur ami du mort,  a le pouvoir d’offrir à la personne qui repose sous le frangipanier de la véranda de retourner faire un tour dans le monde des vivants en habitant un humain, policier de son état. Avec lui nous allons mener une enquête sur un crime dans l’asile de vieux... entre les vivants, les vieillards presque morts et les esprits, les absences de mémoire, les mensonges et les souvenirs, vrais et faux…  Entre légendes, croyances, traditions et contes populaires,  sorcières et esprits, dans le monde fantastique… avec son style si particulier, si flamboyant, si original et innovant... si poétique... ses mots inventés et imagés. Passé et présent se mélangent, dans un lieu et un univers hors du temps et hors du monde… En toile de fond, le non-respect des morts, les rites des enterrements non respectés, la tradition bafouée par le modernisme, qui affecte le repos de l’âme et la force à errer après la mort.

C'est celui qui m'a le moins plu des trois mais j'aime aussi beaucoup. C'est le sujet qui m'a moins accroché.

 Extraits :

p.14 "Les heures entre ses murs, dans ce lieu empesé tout entier de silences et d’absences, se sont décolorées. »

p.66 "Aujourd'hui je sais: l'Afrique nous vole notre être. Et elle nous vide a contrario: en nous remplissant d'âme."

p. 63-64 "Ma vie s’est enivrée du parfum de ses fleurs blanches au cœur jaune. En ce moment il ne sent rien, en ce moment ce n’est pas le temps des fleurs. Vous êtes noir, inspecteur. Vous ne pouvez pas comprendre combien j’ai toujours aimé ces arbres. C’est qu’ici, dans votre pays, il est le seul qui perde ses feuilles. De tous les arbres le frangipanier est le seul qui se dénude ainsi, il fait comme si allait survenir un Hiver. Lorsque je suis arrivé en Afrique, après je n’ai plus jamais senti l’Automne. C’était comme si le temps arrêtait son cours, comme si c’était toujours la même éternelle saison. Seul le frangipanier me restituait ce sentiment du passage du temps. Non que j’aie encore besoin aujourd’hui de sentir passer les jours. Mais le parfum de cette véranda me guérit des nostalgies des années que j’ai vécues en Mozambique. Et quelles années ce furent !"

p. 67 "Je fais provision d’infini, m’enivre petit à petit. Oui, je sais le danger que c’est : qui confond eau et ciel finit par ne plus distinguer vie et mort. "

p. 68 "la vieillesse, qu’est-ce que c’est sinon la mort en stage dans notre corps ? "

p. 70 "Tu sais semblant d’être de pierre, Et bien, alors : c’est pas fait, la pierre, pour qu’on marche dessus ? "

p. 72 "Ceux qui meurent disparaissent tellement loin, c’est comme s’ils étaient des étoiles qui tombent. Ils s’éteignent sans faire de bruit, sans qu’on sache où ni quand

p. 73 " Cela m’est pénible de rameuter mes souvenirs. Parce que la mémoire m’arrive déchirée, en morceaux qui ne s’assemblent pas. Je veux le repos de n’appartenir qu’à un seul lieu, je veux la tranquillité de ne pas avoir la mémoire partagée. Etre tout entier d’une m’même vie. Et avoir de la sorte certitude de mourir en une seule fois. Cela m’est pénible d’égrener tant de petites morts, celles que nous sommes les seuls à noter, à l’obscur de notre intimité. »

p. 90 " Toi Blanc, tu me feras toujours rire. Tu es une bonne personne. - C'est là que tu te trompes, Nhonhoso: je ne suis pas bon. Ce que je suis, c'est ralenti dans les méchancetés. "

p. 91 "Le fatiguaient, oui, les choses sans âme. L’arbre au moins, disait-il, a une âme éternelle : la terre elle-même. On touche le tronc et on sent le sang de la terre qui circule dans l’intime de nos veines.

 p. 114 " Pour tout vous dire, la vérité est que je ne me sens heureuse que lorsque je me fais eau. Dans cet état, pendant que je dors, je suis dispensée de rêver : l’eau n’a pas de passé. Pour le fleuve, onde qui va sans jamais cesser d’aller, tout est toujours aujourd’hui. "

p. 131 "Vous voulez dire que, pour vous, je ne suis pas un homme bon ?

- Tu n’es ni bon ni mauvais. Simplement, tu inexistes.

 - Comment ça, j’inexiste ? "

p. 171 "J’étais une malade sans maladie. Je souffrais de ces accès de fièvre que seul Dieu endure. Il s’est produit ceci : d’abord j’ai perdu le rire ; ensuite, les rêves ; pour finir, les mots. Tel est l’ordre de la tristesse, la façon dont le désespoir nous plonge dans un puits humide. "

p. 180 " L’écrit était sa seule parole. Elle s’enfermait dans sa chambre, enveloppée dans la pénombre. Le papier était sa seule fenêtre. "

 Ildefonso Falcones.  Les révoltés de Cordoue

Résume : En cette année 1568, tandis que l’Inquisition continue à soumettre de son talon de fer la vie politique, religieuse et culturelle des royaumes espagnols, dans les montagnes et les vallées des Alpujarras, au sud de la Péninsule, l’heure de la révolte a sonné. Ecœuré par les injustices, les expropriations et les humiliations, les musulmans se dressent contre l’oppresseur afin qu'on reconnaisse leurs droits civils et religieux. Parmi eux, Hernando, dit « le nazaréen », né d’une Mauresque violée par un prêtre, qui rêve d’unir sa vie à celle de l’incandescente Fatima, est entraîné dans un combat redoutable qu’il fera sien et qui le forgera. Après l’échec de l’insurrection, contraint de vivre avec sa famille une existence difficile, bravant le danger permanent, il va consacrer toutes ses forces et son intelligence à rendre à sa culture et à sa religion la dignité et le rôle qu’elles méritent. Dans cette saga riche en péripéties et rebondissements, Ildefonso Falcones, comme pour La Cathédrale de la mer, traite de thèmes dont l’écho se prolonge aujourd’hui encore : le droit à la différence, la tolérance religieuse et la dignité des peuples.

 Mon avis :  Ah oui.. inconditionnelle de ces grandes sagas. Je recommande ... On y apprend l'histoire, on suit des personnages .... Une grande fresque qui se lit facilement..

Gaudé Laurent "Ouragan"

 Résumé : A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ? Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence... Dans un saisissant décor d'apocalypse, Laurent Gaudé met en scène une dizaine de personnages qui se croisent ou se rencontrent. Leurs voix montent collectivement en un ample choral qui résonne comme le cri de la ville abandonnée à son sort. Roman ambitieux à l'écriture empathique et incantatoire, Ouragan mêle la gravité de la tragédie à la douceur bienfaisante de la fable pour exalter la fidélité, la fraternité, et l'émouvante beauté de ceux qui restent debout.

Mon Avis : Magistral.. Le souffle de l'écrivain n'a d'égal que le souffle de la tempête.. Tout est émouvant et nous entraine.. la description des événements, la vie des protagonistes, les implications, la gestion de la tempête, les relations entre les humains, et bien sûr l'écriture... A lire d'urgence si ce n'est pas déjà fait! 

 

Anna Gavalda « Billie »

Résumé : « Billie, ma Billie, cette petite princesse à l’enfance fracassée qui se fraye un chemin dans la vie avec un fusil de chasse dans une main et On ne badine pas avec l’amour dans l’autre est la plus jolie chose qui me soit arrivée depuis que j’écris. » Franck, il s’appelle Franck parce que sa mère et sa grand-mère adoraient Frank Alamo ( Biche, oh ma biche, Da doo ron ron, Maillot 38-37 et tout ça ) (si, si, ça existe…) et moi, je m’appelle Billie parce que ma mère était folle de Michael Jackson (Billie Jean is not my lover / She’s just a girl etc. ) . Autant dire qu’on ne partait pas avec les mêmes marraines dans la vie et qu’on n’était pas programmés pour se fréquenter un jour… »

 Mon avis : Alors si vous voyez le livre avec le petit âne en couverture... "Billie"de Anne Gavalda... Malheureusement... Passez votre chemin.. Je n'ai pas pour habitude de descendre en flèche un livre.. Mais là... C'est insupportable... Je me suis forcée à en lire cent pages... Et c'est une torture.. Pourtant j'ai toujours aimé ses romans. Là elle nous livre du jeunisme.. On dirait qu'elle est allée piocher dans une liste de mots et expressions pour ados branchés et elle nous les refourgue à la louche .. Il y en a certaines que je ne comprends pas. Je doute que les jeunes les emploient. Cela se veut jeune mais ce n’est pas bon. Tellement mal écrit et vulgaire que je suis restée tellement scotchée par la façon d’écrire que j’ai à peine compris de quoi parlait le livre.. Mais j’ose espérer que le prochain sera comme les précédents. Mais là.. une couverture enfantine et un style «  j’ai voulu faire comme les jeunes mais c’est pas moi et cela se voit.. » Alors de grâce, ôtez le déguisement et revenez à votre style et votre sensibilité..dans une liste de mots et expressions pour ados branchés et elle nous les refourgue à la louche... Il y en a certaines que je ne comprends pas.. Je doute que les jeunes les emploient... Cela se veut jeune mais c'est pas bon.. Tellement mal écrit et vulgaire que je suis restée tellement scotchée par la façon d'écrire que j'ai à peine compris de quoi parlait le livre.. Mais j'ose espérer que le prochain sera comme les précédents...
Mais là.. Entre la couverture enfantine et le style "j'ai voulu faire comme les jeunes mais c'est pas moi et cela se voit..." Alors de grâce, ôtez le déguisement et revenez à votre style et votre sensibilité...

 Sylvie Germain, « Petites scènes capitales » 

Résumé : « L’amour, ce mot ne finit pas de bégayer en elle, violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard. »

Tout en évocations lumineuses, habité par la grâce et la magie d’une écriture à la musicalité parfaite, Petites scènes capitales s’attache au parcours de Lili, née dans l’après-guerre, qui ne sait comment affronter les béances d’une enfance sans mère et les mystères de la disparition. Et si l’énigme de son existence ne cesse de s’approfondir, c’est en scènes aussi fugitives qu’essentielles qu’elle en recrée la trame, en instantanés où la conscience et l’émotion captent l’essence des choses, effroi et éblouissement mêlés.

Sylvie Germain, pour Petites scènes est en lice pour le prix Goncourt et le prix du Style 2013. 

Mon avis : La magie a encore frappé. Avec ses nuances, ses dégradés de couleurs, ses sentiments et ses êtres nimbés de couleurs et à l’unisson du ciel, de la terre. Avec sa prose et sa poésie. Avec des mots qui chantent. Avec les vies et les rêves, les espoirs et la réalité qui s’entremêlent, avec les drames de la vie et toujours une petite lueur d’espoir pour continuer à vivre.. Avec les traumatismes de l’enfance, avec la vie et son lot de solitude et de déshérence.. Avec des relations humaines toujours à vif..

Extraits :

« Elle voudrait interroger à nouveau la photographie de maternité, mais elle ne peut la voir que chez sa grand-mère où elle ne va que pendant les vacances. Alors elle ferme parfois les yeux très fort pour se la remémorer, des petites bulles lumineuses et des stries de couleur défilent sous ses paupières, puis cette ébullition se calme, l’obscurité s’installe, et elle s’applique à faire affleurer l’image de sa mère avec elle nouvelle-née sur ce fond noir.

Dans cette famille, chacun est censé se tenir à sa place, et agir et parler en conséquence. Mais les pensées, elles, dans leurs obscurs retranchements et leurs sauvages soliloques, ne respectent ni ordres ni limites. Les désirs et les inimitiés ne connaissent pas la bienséance.

L’Océan. Sa première rencontre avec l’immensité marine lui chavire tous les sens. Il y a un trio vocal : l’eau, le vent, les oiseaux. L’eau massive, convulsée, vert violâtre huileux ; son bruit brutal et mou comme un afflux de sang aux tempes. Le vent feulant, fouaillant cette masse visqueuse, en écharpant la peau qui se couvre d’écume ; son odeur violente qui se fait intime à l’instant même où elle la découvre.

Alors elles sont enfin au diapason, Lili et les jumelles, réunies dans une même écoute charmée, les mots tissent des fils qui les relient en légèreté, il n’y a plus de place pour les querelles, leur attention est requise ailleurs.

À nouveau elle pense à sa mère, disparue au large de la Méditerranée ; sa mère sans sépulture, sans nom ni dates. Peut-être son nom flotte-t-il sur l’eau à l’endroit où elle a sombré – Fanny Bérégance, née Herléon. Des lettres mouvantes, tracées par les reflets du soleil, des étoiles et de la lune, ondoyant du vert au bleu, de l’indigo au mauve, de l’argenté au violet. Fanny ma mère ondulant au creux des vagues, brasillant dans l’écume. Et elle imagine des oiseaux venant se poser un instant dans ces nids d’eau tapissés de lettres lumineuses, s’y laissant bercer avant de reprendre leur vol.

Il n’a jamais su attacher correctement les boutons de ses vêtements. Elle remarque que des gouttes tombent sur le bout de ses souliers. Quelques gouttes, à peine, qui ne font pas de bruit.

Il ne peut pas livrer à brûle-pourpoint ces paroles lentes et candides qui l’ont visité en songe dans un frisson de lumière, les divulguer négligemment ; elles risqueraient de paraître naïves, sinon mièvres, et de prêter à rire. Et puis, comment décrire le goût des mots-lumière qui l’ont traversé ? Il a senti leur saveur scintiller dans sa bouche, comme si chaque mot était un fruit odorant à la pulpe tendre, aigrelette, rafraîchissante, miellée, brûlante, ligneuse, acidulée, tiède, il est incapable de préciser. Ce qu’il a perçu avec netteté en rêve s’est brouillé à son réveil, les mots n’ont laissé en lui qu’une impression, puissante mais imprécise, et dans leur sillage il a éprouvé une sensation encore plus singulière, et poignante.

De cela non plus, il ne détaille rien, il ne décrit pas la vision, il parle autour, obliquement, il évoque un coup de vent déferlant en lui, comme levé depuis la plante de ses pieds et s’envolant d’un jet à travers tout son corps, et dans ce vif élan de vent, un enlacement et un éblouissement, corps et âme.

Et Paul dans son rêve s’est éveillé, il s’est levé au-dedans de lui-même, il a su qu’il rêvait et que ce rêve était une traversée en profondeur, qu’il était convoqué dans une trouée de sa conscience, aux confins de la lucidité et de l’extravagance, de l’onirisme et de la clairvoyance. Il a regardé couler la phrase scandée de virgules et de points comme autant d’herbes, de branches et de racines livrées au courant.

Le thé est amer, elle pose un morceau de sucre au creux d’une cuiller et lentement l’immerge, elle regarde le sucre s’imbiber, passer du blanc au jaune cuivre, au roux, au bistre, puis s’effondrer en un petit amas de cristaux micacés comme une congère grêlée par le soleil. Le goût du sucre à demi fondu, gorgé de chaleur, d’amertume et de vagues parfums de feuilles et d’écorce – juste cela, cette saveur dans la bouche, la fine brûlure dans la gorge, la sensation toute simple, très nue, très forte, d’être en vie. En vie.

Viviane a parfaitement entendu le diagnostic condamnatoire, elle n’espère aucun miracle, elle s’engage juste à offrir le maximum de joie, de douceur, à l’enfant disgraciée ; puisque ses jours sont comptés, que chacun d’entre eux, au moins, soit une petite éternité.

Lili rentre du lycée et traverse un pont enjambant une ancienne voie ferrée. Le soleil a disparu de l’horizon qui s’assombrit par degrés et tire vers l’indigo. La lumière semble s’être tassée au ras de la terre en une masse ignée qui tout à la fois fonce le bleu du ciel et attise sa brillance. Au loin, des coulées de cette lumière en reflux s’attardent sur les rails qui prennent à cet endroit un éclat d’or blanc. Elle s’accoude au parapet. Le bleu se fait toujours plus dense et sombre, et la traînée de soleil sur les rails plus lumineuse, comme le sillage laiteux d’un navire sur l’eau.

Mais l’autre ne parle pas des rails, c’est le ciel qu’elle considère, ce grand pan de bleu foncé à présent souligné d’un rai vert jade. « À ton avis, demande-t-elle sans bouger de position, c’est un lever ou un tomber de rideau ? Je me pose chaque soir la question. Qu’est-ce qui se passe derrière ce bleu qui vire au noir, qu’est-ce qui s’y joue ? Nos rêves ? La vraie vie ? » Ce qui s’y joue ? Rien, rien que des remous de ténèbres et de feux, des collisions et des explosions d’étoiles au loin, tout comme ici sur la terre, dans les têtes et les cœurs, mais en beaucoup plus grand, follement plus puissant, voilà ce que pense Lili.

Autant la mort accidentelle de Christine les avait tous pris au dépourvu et atterrés, autant celle de Sophie s’est annoncée lentement. Mais qu’il surgisse sans crier gare, ou qu’il s’en vienne à pas menus, tout deuil ouvre des failles qui n’en finissent pas de serpenter sous la peau, d’interrompre les pensées soudain saisies de bouffées d’idiotie.

Sitôt parvenue à la fin du mouvement, elle attaque le prélude de la Suite no 6. Certaines phrases musicales évoquent le dialogue qu’une voix unique tenterait d’instaurer à l’intérieur d’elle-même, avec le plus profond d’elle-même ; une voix polyphonique se parlant sur divers tons, graves, rugueux, se déparlant pour mieux renouer avec les échos qu’elle sème à mesure de son avancée en spirale tremblée. Une voix brassant des temporalités et des espaces différents et cependant intimes, entretissant le lointain et le proche, l’éphémère et l’éternel.

Viviane a tant maigri qu’elle semble se réduire à une esquisse de la femme qu’elle était, et les couleurs tranchées qui signaient sa beauté se sont fanées – ses cheveux sont gris, son teint s’est plombé, brouillé de jaune, elle ne se maquille plus, sa bouche est pâle, ses yeux, plus enfoncés dans les orbites ocreuses. Cette grisaille qui décolore son visage, l’excave et le frotte d’ombres blêmes, ne ruine pas sa beauté, elle la décale, l’évide, elle la déporte vers une lisière où le visible conflue avec le silence.

Sa voix est faible plus encore que rauque, à la limite de l’audible. Dans son regard affleure un étonnement qui s’évase tantôt en lents cercles soyeux, tantôt confine à l’effarement. Elle semble ne plus voir qu’à travers une vitre, et la vitre s’embue à mesure que la vie se retire, s’essouffle dans son corps.

Elle semble ne plus voir qu’à travers une vitre, et la vitre s’embue à mesure que la vie se retire, s’essouffle dans son corps. Quand elle sourit, une légère contraction persiste à la commissure de ses lèvres longtemps après qu’elle a cessé de sourire, et cette ridule qui s’attarde à l’angle de sa bouche fait l’effet d’un très discret adieu adressé à tous, à personne. Elle prend congé par des signes infimes dont elle n’a pas l’initiative, pas même conscience.

Barbara en reçoit le récit comme une pierre en plein front et sa mémoire entre en crue, des images jaillissent en elle, s’agitent, se distordent.

Elle pourrait continuer, certainement progresser, mais elle sent qu’elle n’ira jamais loin, jamais jusqu’où elle aimerait aller – faute de savoir précisément où. La force lui manque ; et à présent, l’envie.

Elle vient de rompre avec la peinture. Elle n’a jamais mené à terme ses histoires d’amour ; ou peut-être que si, elle a simplement su chaque fois les arrêter à temps.

Les façades des immeubles, à la nuit tombée, ressemblaient à des pages de livres illustrés, dont les images étaient mouvantes. Des livres qui chuchotaient des bribes d’existences dont elle ignorait le début et la fin, dont elle ignorait tout en vérité, mais dont les personnages, aussi réduits à de succinctes et fugaces esquisses aient-ils été, vivaient bel et bien. Non des vies fantômes, mais des vies autres, indépendantes, qui, dans leur totale indifférence à son égard, n’en ébauchaient pas moins avec elle des liens de sympathie. Des liens fluides entre vivants qui partageaient un commun ici et maintenant, et qui, dans leur flottement, s’incurvaient en points d’interrogation. Tant de gens en train de vivre tout autour d’elle, si près, inaccessibles, tant de corps en mouvement, tant de gestes déployés, tant de paroles et de regards échangés, hors d’elle, tant de pensées. Tant de destins – peut-être médiocres pour la plupart, mais magnifiés par le soyeux et la clarté d’or fondu des cadres où ils se laissaient apercevoir.

Tant de destins – peut-être médiocres pour la plupart, mais magnifiés par le soyeux et la clarté d’or fondu des cadres où ils se laissaient apercevoir.

L’éclairage a changé, il est rare qu’il diffuse ces tons de jaune paille, ambré ou orangé, qui autrefois coloraient les fenêtres la nuit. Des lueurs d’un bleu blême et qui varie d’intensité par soubresauts horripilants se sont introduites dans les salons, les chambres, ce ne sont plus les lampes, mais les téléviseurs qui répandent leur faux jour.

De cette scène, un rai de lumière n’en finit pas de fluer, dru et pur, qui lentement condense et consume en Barbara le fatras de sentiments agglutinés en elle, et il dépouille le mot « amour » de tous les miroitements de pacotille dont elle l’avait laissé s’encrasser. L’amour n’a pas à se parer de grandes déclarations, de gestes et de postures emphatiques, il n’a à s’encombrer de rien, il a juste à être, et à agir là et quand il le faut, sans se soucier si on le voit à l’œuvre.

Mais, après un temps d’oisiveté qu’elle a subi comme une ascèse, elle est revenue à la peinture par une voie nouvelle, détournée, elle s’est mise autrement à son service en se formant au métier de restauratrice de tableaux. La patience et l’extrême minutie requises par ce travail lui plaisent, car elles la soumettent à un exercice assidu de contention d’esprit, de délicatesse de gestes et d’oubli de soi qui l’apaisent.

Elle n’est plus dans l’urgence, elle s’est posée dans le flux du temps, elle apprend à goûter la saveur de la lenteur, et celle de l’effacement de soi se déployant en évasement de son regard et de ses pensées dans la vision singulière d’un artiste dont parfois elle ignore tout, ou presque.

Gabriel ne prétend pas que le chien jouait avec lui, ni qu’il avait saisi les règles du jeu, mais il en suivait la lente évolution avec attention et beaucoup de patience, comme s’il comprenait que l’occupation à laquelle se livrait son compagnon humain était d’un grand sérieux, qu’il ne fallait pas le déranger, pas le distraire, mais au contraire le soutenir dans son effort de concentration. Les chiens savent respecter bien des choses qui leur restent énigmatiques, mais dont ils sentent l’importance, la gravité, pour leur maître, ce que la plupart des humains sont incapables de faire les uns vis-à-vis des autres, trop vite agacés, ou orgueilleux et ombrageux pour supporter de rester à l’écart d’une activité ou d’une pensée dont la logique, la pertinence et la saveur leur échappent.

Il perd progressivement le goût des mots, il tisse autour de lui une chrysalide de silence où il entre en semi-dormance. Il s’enveloppe dans la vieillesse, il s’y dissout.

Il est un passager immobile en retard croissant sur la marche du train, c’est le temps qui bouge en lui, il se meut dans sa chair, dans son esprit, ainsi qu’un vent ténu, d’une douceur érosive, il y tourne en lentes spires, disloquant les strates du passé, brisant l’écorce du présent, et la pulvérisant. Ses aujourd’huis béent sur du vide, en leur fond luisent ses hiers.

À force de tourner en spirales dans son corps toujours plus alenti, le temps progressivement s’échappe de sa chair, il fuit par les pores de sa peau, il s’épuise dans son souffle, et un jour il le quitte.

De l’éphémère amour de jeunesse de sa mère avec un homme dont elle est la progéniture accidentelle, elle ne sait rien, ou si peu, cependant elle n’a eu de cesse pendant des années d’enquêter par la seule voie qui était à sa disposition, celle de l’imagination et de l’intuition, et elle s’est construite en partie sur les résultats, tout fantasques aient-ils été, de ce questionnement.

Elle le sustente, car ce n’est pas tant l’imaginaire qui s’alimente de fables et de rêves, que la réalité qui se nourrit de fictions, de songes, de désir.

Elle est assise sur un banc, face à un lac. L’après-midi touche à sa fin, le soleil descend vers les montagnes qui bordent l’horizon, il se rapproche d’elles à un rythme constant, comme aimanté par leurs masses arrondies, et à mesure il se dédore, il passe d’un jaune vif, soufré, à un blond pâle.

Tout a disparu, s’est effacé à son insu. Elle n’a pas vu passer le temps, en elle demeurent l’enfant qu’elle fut, intacte dans ses questions, ses joies, ses effrois et ses rêves, l’adolescente meurtrie par un deuil consumé de jalousie et d’espoir, la jeune femme en errance et celle en grand enjouement amoureux, la marginale au scepticisme irréductible et l’artiste éprise d’empreintes et de couleurs. Elles sont toutes là, debout, yeux grands ouverts dans un passé toujours présent tant il est incorporé, silencieux et vivace. Chair du passé, peau du présent. Elles sont toutes là, celles qu’elle a été jour après jour, comme perdurent au fond du lac la trace du lit de La Seuze, les ruines des maisons, des villages submergés, les vestiges des lieux et de leurs noms, les ombres de celles et ceux qui y sont nés, y ont vécu, y sont morts, ou, comme elle et sa famille, y ont séjourné.

Elles sont toutes là, ces stances d’elle-même, qui la regardent telle qu’elle est en cet instant, ne sera plus demain, et autour d’elles passent en clair-obscur les personnes qu’elle a connues, qu’elle a aimées, bien ou mal peu importe, mais celles-ci ne la regardent pas, ne semblent même pas la voir. Elle aimerait tellement, pourtant, en cette heure, croiser le regard de son père, avoir accès au beau mystère de son visage. Ce n’est que maintenant, alors qu’il s’est retiré à jamais de ce monde, qu’elle entrevoit ce qu’elle n’a pas su voir du temps où il se tenait dans la clarté du visible – dans la fausse évidence du visible.

Elle n’a pas vu passer le temps, mais ce soir elle le sent, amoncelé en elle, à la fois lourd et souple, dense et brumeux. Il n’est pas figé, il respire tout bas, il coule dans son sang, il bat dans son cœur, il irrigue sa chair, ses sens, son cerveau ; il nidifie en elle. Un jour il s’échappera, ainsi qu’il s’est retiré de ses proches, en douce hors de Nati, précipitamment hors de Christine, par à-coups hors de Viviane, dans la discrétion hors de Sophie, avec violence hors de Jef, en grande lenteur hors de son père ; ainsi qu’il se retire à chaque seconde, en cette seconde même, de millions de personnes à travers le monde.

 Goby Valentine " Kinderzimmer" 2013

 Résumé : “Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
Mila se retourne :
– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?
– La même chose que toi. Une raison de vivre.”
 En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

 Avis : Ravensbrück ..Un endroit dont elles n'avaient jamais entendu parler.. un point de chute pour ces femmes de tous pays déportées en Allemagne. Elles arrivent par wagon dans un lieu dont elles ignorent tout, pour survivre dans un lieu et des conditions qu'on ne peut pas même imaginer.  Un livre poignant, qui vous prend aux tripes.  Un voyage au bout de la résistance, dans l'horreur des camps de concentration. Un voyage aussi au bout de l'espoir. Une leçon de vie..  L'humain dans l'inhumain.. Des portraits de femmes qui se battent, s'aident, montrent que la volonté de croire en la vie peut être plus forte que tout. Une solidarité au-dessus des races, des langues, des nationalités pour que la grossesse, synonyme de mort dans les camps se transforme en victoire de la vie sur le destin de mort . En face, la monstruosité, mais quelques lueurs d'humanité, à peine dévoilées et bien occultées pour pouvoir s'exercer malgré tout...  Un livre aussi tout en pudeur au milieu du putride. Un livre qui marque, incontestablement. Un livre dur mais empreint de douceur malgré tout, pour tenter de survivre ou de faire survivre. L'inimaginable, l'impensable, l'indescriptible est décrit. Un témoignage implacable et un message d'espoir. A lire absolument mais en sachant qu'on en sort pas indemne.. 

- Jonas Jonasson «L'Analphabète qui savait compter »

Résumé de l'éditeur : Née à Soweto pendant l’apartheid, Nombeko Mayeki commence à travailler à cinq ans, devient orpheline à dix et est renversée par une voiture à quinze. Tout semble la vouer à mener une existence de dur labeur et à mourir dans l’indifférence générale. Mais c’est sous-estimer le destin... et le fait qu’elle est une analphabète qui sait compter – deux facteurs qui la conduisent loin de l’Afrique du Sud et la font naviguer dans les hautes sphères de la politique internationale. Durant son périple, elle rencontre des personnages hauts en couleur, dont deux frères physiquement identiques et pourtant très différents. Nombeko réussit à se mettre à dos les services secrets les plus redoutés au monde et se retrouve enfermée dans un camion de pommes de terre. C’est à ce moment-là que l’humanité est menacée. Après l’immense succès de son premier roman, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, Jonas Jonasson s’attaque avec humour aux préjugés et au fondamentalisme sous toutes ses formes. Il démolit une bonne fois pour toutes le mythe selon lequel les rois ne tordent pas le cou des poules.

Mon avis : Après un début prometteur, j’ai trouvé que cela commençait à s’enliser et j’ai ramé pour arriver au bout. Trop d’invraisemblances tuent le déjanté. Mais faire une petite incursion à Soweto m’a permis de rendre un petit hommage à Madiba au moment où tout le monde  se trouvait là-bas. Il reprend les recettes du premier, la brochette de personnage est tout aussi improbable que dans le premier opus. Mais je n’ai pas retrouvé la fluidité du récit, j’ai mis longtemps à le lire, comme embourbée en Suède une fois que j’ai décollé d’Afrique du Sud… Totalement « abracadabrantesque » comme le précédent, l’auteur dénonce avec ironie les incapables au pouvoir, l'apartheid, le racisme, les partis politiques extrémistes, évoque les droits de l’homme, les aventures se succèdent à un rythme trépidant.. mais il a manqué un petit quelque chose pour que je rentre dans l’histoire…

KINSELLA, Sophie  (Madeleine Wickham) Confessions d'une accro du shopping, Belfond, 2002)

Résumé de l'éditeur : Votre job vous ennuie à mourir ? Vos amours laissent à désirer ? Rien de tel qu’un peu de shopping pour se remonter le moral.… C’est en tout cas la devise de Becky Bloomwood, une jolie Londonienne de vingt-cinq ans. Armée de ses cartes de crédit, la vie lui semble tout simplement magique ! Chaussures, accessoires, maquillage ou fringues sublimes, rien ne peut contenir sa fièvre acheteuse, pas même son effrayant découvert. Un comble, pour une journaliste financière qui conseille ses lecteurs en matière de budget ! Jusqu’au jour où, décidée à séduire Luke Brandon, un jeune et brillant businessman, Becky s’efforce de s’amender, un peu aidée, il est vrai, par son banquier, qui vient de bloquer ses comptes.… Mais pourra-t-elle résister longtemps au vertige de l’achat et à l’appel vibrant des soldes ?

Mon avis :  Alors au début c'est sympa, ensuite cela devient répétitif et longuet.... heureusement la fin est sympa.. Enfin pas emballée ...

  

Camilla LÄCKBERG « Le Gardien de phare »

Résume : Par une nuit d’été, une femme se jette dans sa voiture. Les mains qu’elle pose sur le volant sont couvertes de sang. Avec son petit garçon sur le siège arrière, Annie s’enfuit vers le seul endroit où elle se sent en sécurité : la maison de vacances familiale, l’ancienne résidence du gardien de phare, sur l’île de Gråskär, dans l’archipel de Fjällbacka. Quelques jours plus tard, un homme est assassiné dans son appartement à Fjällbacka.
Mats Sverin venait de regagner sa ville natale, après avoir travaillé plusieurs années à Göteborg dans une association d’aide aux femmes maltraitées. Il était apprécié de tous, et pourtant, quand la police de Tanumshede commence à fouiller dans son passé, elle se heurte à un mur de secrets. Bientôt, il s’avère qu’avant de mourir Mats est allé rendre une visite nocturne à Annie, son amour de jeunesse, sur l’île de Gråskär – appelée par les gens du cru “l’île aux Esprits”, car les morts, dit-on, ne la quittent jamais et parlent aux vivants…
Erica, quant à elle, est plus que jamais sur tous les fronts. Tout en s’occupant de ses bébés jumeaux, elle enquête sur la mort de Mats, qu’elle connaissait depuis le lycée, comme Annie. Elle s’efforce aussi de soutenir sa soeur Anna, victime, à la fin de La Sirène, d’un terrible accident de voiture aux conséquences dramatiques… Avec Le Gardien de phare, Camilla Läckberg poursuit la série policière la plus attachante du moment.

Mon avis : Ce n'est pas mon préféré. J'ai trouvé un peu fouillis, trop de passage d'une histoire à l'autre, trop de personnages.. Mais je vais continuer à lire les aventures d'Erica & Cie...

 

Le Callet Blandine « la ballade de Lila K »

Résume de l’éditeur : Une jeune femme, Lila K., fragile et volontaire, raconte son histoire. Un jour, des hommes en noir l'ont brutalement arrachée à sa mère, et conduite dans un Centre, mi-pensionnat mi-prison, où on l'a prise en charge. Surdouée, asociale, Lila a tout oublié de sa vie antérieure. Son obsession : retrouver sa mère, recouvrer sa mémoire perdue. Commence alors pour elle un chaotique apprentissage, au sein d'un univers étrangement décalé, aseptisé, où les livres n'ont plus droit de cité…

Plus qu’un récit d’apprentissage aux allures orwelliennes, un roman émouvant sur la force du lien et du pardon. Christine Rousseau, Le Monde des livres.

Ce roman, qui mêle histoire d’amour et critique d’une politique sécuritaire à tout prix, se voit drôlement rattrapé par l’actualité. Pascale Frey, Elle.

Mon avis : Certains lui reprochent de s’inspirer fortement de Lisbeth Salander de la trilogie « Millenium ; Bien sûr il y a des ressemblances, mais cela ne m’a pas frappé. Et dans ce cas, ce serait plus proche de « Globalia » de Jean-Christophe Rufin. J’ai été touchée par le roman, je me suis passionnée par la recherche identitaire de Lila. J’ai aimé la description des deux mondes parallèles, les humains et les robots, ceux qui pensent et font bien, ce formatage nécessaire pour vivre, la négation de la différence qui fait peur et rend indésirable. Le côté futuriste ? certes.. Mais aussi la scission de la société : les « bien comme il faut » et les autres (la zone) … Et les efforts à faire pour pouvoir passer « le mur »… la marginalisation… Il y a des pays où le contrôle des naissances existe.. ou il est interdit d’avoir plusieurs enfants.. alors futuriste ? faut voir… Le passage du Mur avec le check-point … futuriste ? Pas sûr! et les personnes qui souhaitent vivre « libres », et pas sous le regard des caméras de surveillance, comme les chats … La dangerosité des livres.. pas futuriste non plus… Le contrôle de la presse, la dissimulation d’infos. moi j’ai l’impression qu’on est en plein dedans..  Et cette manière qu’à l’héroïne de se raccrocher au bon des souvenirs…en occultant le mauvais. Je l’ai pris un peu comme un coup de poing dans la figure et je le recommande.

au fait.. si vous me suivez dans l'aventure... le début est peu accrocheur... alors accrochez vous un peu.. cela vaut la peine ensuite!

Extraits

p. 11 « Dans la vie, il y a toujours un avant, un après, vous avez remarqué ? Avec entre les deux une cassure franche et nette, heureuse ou malheureuse -c'est une question de chance. Elle ne peut pas sourire à tout le monde, évidemment. je suis sûre que personne n'y échappe. »

p. 54 « J'ai soudain vu le livre s'ouvrir entre ses mains, éclater en feuillets, minces, souples et mobiles. C'était comme une fleur brutalement éclose, un oiseau qui déploie ses ailes. »

p. 54 «  - Laisse-moi t'expliquer: tu vois, avec un grammabook, on n'a qu'un écran vierge sur lequel vient s'inscrire le texte de ton choix. Un livre, lui, est composé de pages imprimés. Une fois que le texte est là, on ne peut plus rien changer. Les mots sont incrustés à la surface. Tiens, touche.
J'ai posé la main sur la feuille. J'ai palpé, puis j'ai gratté les lettres, légèrement, de l'index. M.Kauffmann disait vrai: elles étaient comme prise dans la matière.
- ça ne peut pas s'effacer?
- Non, c'est inamovible. Indélébile. Là réside tout l'intérêt: avec le livre, tu possèdes le texte. Tu le possèdes vraiment. Il reste avec toi, sans que personne ne puisse le modifier à ton insu. Par les temps qui courent, ce n'est pas un mince avantage, crois-moi, a-t-il ajouté à voix basse. Ex-libris veritas, fillette. La vérité sort des livres. Souviens-toi de ça: ex-libris veritas. »

p. 185 « J'aime bien les points communs. Ca rapproche les gens, et par les temps qui courent, ça n'est pas si courant, que les gens se rapprochent. Vous pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir ! »

p. 199 « J'aime le noir : l'espace qui s'annule, les objets qui s'effacent, et cette douceur qui tombe sur les yeux, les apaise, les nettoie des scories de lumière que le jour y dépose. »

p. 238 : « On passe sa vie à construire des barrières au-delà desquelles on s'interdit d'aller: derrière, il y a tous les monstres que l'on s'est créés. On les croit terribles, invincibles mais ce n'est pas vrai. Dès qu'on trouve le courage de les affronter, ils se révèlent bien plus faibles qu'on ne l'imaginait. Ils perdent consistance, s'évaporent peu à peu. Au point qu'on se demande, pour finir, s'ils existaient vraiment. »

p. 239 : « Le plus difficile pour moi, au bout du compte, a été de m'abandonner. Accepter l'errance, la surprise, l'inattendu. Me laisser aller. Jamais mon existence n'avait laissé de place à l'improvisation, et je me rendais compte que cette liberté était plus compliquée, plus angoissante aussi, que toutes les contraintes au milieu desquelles j'avais vécu jusqu'ici. »

p. 261 « C'était comme si le monde s'était brusquement arrêté, vidé de sa substance au seuil du cimetière. Il n'y avait plus ni matière, ni couleur, ni sens. Que des ombres mêlées à du silence, les lignes des allées tordues entre les ifs, et le ciel qui bavait sur les tombes. Ma douleur avait tout envahi. »

p. 343 « Le rapport du légiste précise: cœur 376 g (...). C'est étrange qu'ils se soient intéressés au poids de ses organes. Lorsqu'elle était en vie, jamais ils ne s'étaient souciés de savoir si elle avait le cœur lourd. »

p. 348 « C’est cela, sans doute, faire son deuil : accepter que le monde continue, inchangé, alors même qu’un être essentiel à sa marche en a été chassé. Accepter que les lignes restent droites et les couleurs intenses. Accepter l’évidence de sa propre survie »

p. 350 « Je ne dis pas qu’elle n’a eu aucun tort ; je dis qu’elle a fait ce qu’elle a pu. Il n’y a que cela qui compte »

p. « Cela faisait si longtemps que rien n'avait bougé dans sa vie; forcement, il ne supportait pas qu'il se passe quelque chose dans celle des autres. »

p. « Mon arbre généalogique ne ressemble pas à grand-chose, il faut bien le reconnaître. Deux rameaux coupés courts. Le destin a eu la main lourde, côté sécateur. »

p. « La culpabilité, il n'y a que ça de vrai. Arrangez-vous pour que les autres se sentent toujours un peu coupables à votre égard, et vous obtiendrez tout ce que vous voulez. »

p. « Parfois c'est le hasard qui décide pour nous .Ensuite, selon les conséquences, on appelle ça la chance, ou le mauvais sort. Ou les deux à la fois. »

p. « Le mal, c'est toujours ce qui reste, vous avez remarqué ? Même quand ça n'est pas vrai, c'est ce qu'on retient le mieux. »

 Gilles Legardinier « Complètement cramé »

 Quatrième de couverture : Arrivé à un âge où presque tous ceux qu’il aimait sont loin ou disparus, Andrew Blake n’a même plus le cœur à orchestrer ses blagues légendaires avec son vieux complice, Richard. Sur un coup de tête, il décide de quitter la direction de sa petite entreprise anglaise pour se faire engager comme majordome en France, pays où il avait rencontré sa femme. Là-bas, personne ne sait qui il est vraiment, et cela lui va très bien.
Mais en débarquant au domaine de Beauvillier, rien ne se passe comme prévu… Entre Nathalie, sa patronne veuve aux étranges emplois du temps ; Odile, la cuisinière et son caractère aussi explosif que ses petits secrets ; Manon, jeune femme de ménage perdue ; Philippe, le régisseur bien frappé qui vit au fond du parc, et même l’impressionnant Méphisto, Andrew ne va plus avoir le choix. Lui qui croyait sa vie derrière lui va être obligé de tout recommencer…

Mon avis : J’AI ADORE. Un pur concentré de tendresse, de sourires, un brin de folie… A lire sans modération.  Humour, un tantinet british… humain… des vrais problèmes de tous les jours abordés. Une main tendue, la pudeur des sentiments… Et une bonne goulée d’optimisme… sous couvert de la nostalgie… et des réflexions sur les rapports entre les êtres, la difficulté de communiquer avec ceux qui nous sont chers..

 Extraits :

Chapitre 2 : Depuis déjà longtemps, il était sensible à ces choses que l’on fait pour la dernière fois, souvent sans même s’en rendre compte.

Chapitre 2 : Un événement précis lui en avait donné la conscience : son dernier dîner avec son père, un simple repas à la fin duquel sa mère les avait pressés de finir leurs assiettes en riant, parce qu’elle ne voulait pas manquer son film à la télé. De quoi avaient-ils parlé ? De tout, de rien. Ils avaient bavardé avec l’insouciance de ceux qui croient qu’ils pourront toujours s’en dire plus le lendemain.

La liste était interminable et s’allongeait tous les jours. Toutes ces choses, essentielles ou anodines, qui passent avant que l’on en ait vraiment apprécié la valeur, jusqu’à les trouver accumulées sur le plateau de la balance qui, du coup, penche du mauvais côté.

Chapitre 27 : Il faut du temps pour l’apprendre. Quand on est jeune, on a peur de ce qui commence. On ne sait pas. Quand on est vieux, on a peur de ce qui risque de finir. On sait bien assez de choses mais on n’a plus l’occasion de s’en servir.

Chapitre 31 : Contrairement aux grands cimetières ou aux églises qui réussissent toujours à vous éloigner du monde, ce minuscule enclos ne parvenait pas à prendre l’ascendant sur son environnement. La mort n’arrête pas le vent, aucune grille ne retient les feuilles, la peine et les souvenirs n’interrompent pas le cours de la vie.

Chapitre 38 : — Les dernières fois… Tu es trop jeune pour voir la vie ainsi. Ne t’attache qu’aux premières fois.

Chapitre 41 : Blake découvrit alors une des lois qui gouvernent la vie des hommes : c’est quand les femmes passent brutalement de la rage la plus noire à une voix de nounou qu’elles font le plus peur.

Chapitre 42 : — J’ai besoin de temps pour réfléchir. — C’est la phrase que nous, les hommes, sortons en général pour justement ne pas avoir à réfléchir.

Chapitre 45 : Un mail avait suffi pour sécher ses larmes, effacer ses cernes et lui redonner goût à la vie. Andrew songea que les femmes se contentent de peu et que les hommes ont pourtant beaucoup de mal à le leur donner.

Chapitre 59 : — « La femme fatale, chic, vêtue d’un déshabillé à la mode, prit un amuse-bouche en regardant le menu d’un air blasé. Elle laissa carte blanche à son chevalier servant qui, bien qu’un peu louche, lui avait donné rendez-vous pour lui parler de son pied-à-terre à Paris. Avec panache, ce bourgeois était prêt à tout pour sa protégée, dont il appréciait ce je-ne-sais-quoi. Pour elle, noblesse oblige, il irait même jusqu’au crime passionnel… » Ensuite, il était question de tour de force, de bijou, de nom de plume, mais je ne me souviens plus de tout.

Chapitre 59 : — Elle disait que, sans les Anglais, les Français ne pourraient pas parler de parking, de week-end, ni de W-C, ni de club, ni de sandwich d’ailleurs ! Plus de dockers, ni de déodorants. Les froggies ne seraient ni désappointés, ni fair-play, privés de pull-overs, de freezers, de hit-parades et de milk-shakes ! — Je ne sais pas si les kidnappings, les dealers et les fast-foods nous manqueraient, mais pour les gentlemen et les sex-symbols, votre apport est incontestable.

Chapitre 66 : J’adorais particulièrement qu’elle me laisse la regarder au fond des yeux. On dit souvent que les yeux sont les fenêtres de l’âme. Les gens se caressent, se touchent, mais il faut beaucoup de confiance pour que quelqu’un vous laisse l’observer droit dans les yeux aussi longtemps que vous en avez envie. À ce moment-là, vous n’entendez pas seulement ce qu’il veut bien vous dire, vous voyez ce qu’il est vraiment.

Chapitre 82 : — Il faut bien que quelqu’un fasse le père Noël pour que les autres y croient…

Chapitre 84 : — Vous savez, mon père disait qu’il existe des personnes qui apparaissent dans votre vie comme des rayons de lumière et que d’autres sont comme des nuages. Pour notre petite famille, vous êtes un soleil. — Votre père avait raison, mais je crois que nous sommes tous, tour à tour, nuage et rayon de lumière. Ce que vous me dites m’honore et je vous en remercie. Mais quelle que soit la petite éclaircie que je représente pour Yanis, n’oubliez pas que pour lui, à jamais, vous êtes le ciel tout entier.

 Et pour finir…    : Ce jour-là, elle et son petit vase ont à jamais changé ma vision de mes aînés. Alice m’a fait cadeau d’une des clés de ce monde : elle m’a appris que les « vieux » ont aussi été des enfants. J’avais tout juste sept ans.

Au-delà du temps, nous vivions ensemble. À leur contact, j’ai découvert que parcourir cette vie revient à traverser un grand fleuve. Tout jeunes, nous sommes sur la rive et nous avons peur de nous jeter à l’eau. Puis nous passons notre existence à nager, parfois chahutés par le courant, en direction de l’autre rive. Une seule règle : on ne peut pas revenir en arrière. Certains nous jettent des bouées, d’autres tentent de nous couler.

 Haenel Yannick : "les renards pâles" (2013)

Résumé : A Paris, rencontre entre un homme qui a choisi de vivre dans sa voiture et un groupe de sans-papiers masqués. Se faisant appeler les renards pâles, du nom du dieu anarchiste des Dogon du Mali, ils défient la France. Comme l'homme solitaire, ils attendent la révolution. Un homme choisit de vivre dans sa voiture. À travers d'étranges inscriptions qui apparaissent sur les murs de Paris, il pressent l'annonce d'une révolution. Le Renard pâle est le dieu anarchiste des Dogon du Mali ; un groupe de sans-papiers masqués porte son nom et défie la France. Qui est ce solitaire en attente d'un bouleversement politique ? Qui sont les Renards pâles ? Leur rencontre est l'objet de ce livre ; elle a lieu aujourd'hui.

Mon avis : Assez mitigée.. Alors oui, sans contexte l’écriture est belle et poétique. La première partie du roman : une belle analyse sur la solitude du chômeur, sur la solitude tout court. L’homme élit domicile dans son break, garé dans une rue ou le stationnement est illimité et il nous raconte comment il occupe ses jours et ses nuits… Dans cette première partie du roman, de très belles phrases qui permettent de s’évader par la beauté des mots et des lieux.. Jusqu’à « la rencontre » avec un dessin sur un mur.. Et la deuxième partie … le combat des sans-papiers, la vie des exclus, l’exploitation des noirs par les blancs, la justification des voitures brûlées ... Le combat politique et social… La liberté qu’il nous reste est de ne pas être fichés par la société… pour y arriver, il faut bruler ses papiers, se cacher derrière un masque, cesser d’exister dans la société. C’est à cette condition qu’on sera libre d’exister et de vivre libre…  Tous les exclus du système, unissez-vous… par-delà la couleur et la race… Ceux qui n’ont plus rien à perdre sont unis par la solidarité et cette force silencieuse et invisible fera la révolution… Que valent les biens et la société face à l’exclusion humaine…

« Les Dogons croient en un dieu unique, Amma. Il créa la terre et en fit son épouse qui lui donna un fils, Yurugu ou le « Renard pâle »[]. C’était un être imparfait qui ne connaissait que la première parole, la langue secrète sigi so. » (Wikipedia)

 L’un des intérêts de ce roman est de nous donner envie d’en connaitre davantage sur les Dogons et leur culture, sur l’importance des masques, sur leur conception de la responsabilité des humains sur les désordres du monde.. Certes le roman est dérangeant et porte sur un sujet de société très actuel. Mais je n’ai pas été convaincue. La politique prime sur l’histoire et ce qui aurait dû être un roman est plus ressenti par moi comme une dénonciation de la société…

Extraits

Partie I

1 - L’intervalle

… « l’angle du mur, cela me suffisait. Ce coin n’avait rien de particulier, mais une lumière y venait vers 17 heures, une lumière spéciale qui me rendait heureux, une sorte de halo rouge, orange, jaune qui avançait au fil des heures le long du mur jusqu’à ma tête, qu’il finissait par couronner. »

1 - L’intervalle

… »j’étais soulagé d’en avoir fini avec cette période. J’aime bien les nouveaux chapitres : la fraîcheur vient avec la vie nouvelle, on dirait qu’elle vous aide. »

1 - L’intervalle

… « la fraîcheur vient avec la vie nouvelle, on dirait qu’elle vous aide. Même si j’ignorais ce que j’allais faire, ma vie se dégageait, elle s’ouvrait de mieux en mieux — c’était ça l’important. « 

2 - Papyrus

…  « le pare-brise de la voiture m’a réveillé. Chaque fois que le soleil se couche, je ne désire qu’une chose : mettre fin au monde sensé. Je veux glisser vers ce fond d’étoiles qui rient dans le ciel et s’enivrent des épaisseurs du crépuscule. Je veux boire jusqu’au néant ces éclats rouges et noirs. Seule l’ivresse des étoiles m’arrache à la pesanteur du globe. « 

3 - XXe arrondissement

«  Lorsqu’on est soudain exposé à sa solitude, on découvre une géographie. La solitude est un pays qui brûle. Ses flammes vous ouvrent les yeux, avec une transparence qui fait miroiter les journées. »

3 - XXe arrondissement

«  Le désœuvrement vous fait entrevoir que rien n’est utile, et que sans doute l’utilité n’existe pas. »

4 - Les suicides

… « moi aussi, une fin d’après-midi, j’ai ouvert une fenêtre et je me suis jeté. Mais, en sautant, je ne suis pas tombé : j’ai glissé à l’intérieur d’un vide — dans cet étrange intervalle d’où je vous parle. »

10 - Ecce homo cadaver

« Je l’ai dit : l’absence, chez moi, est une seconde nature. J’ai passé ma vie à m’absenter. Au cœur de l’absence rayonne une vérité que la vie quotidienne récuse, parce qu’elle est cruelle. » 

19 - Père-Lachaise

… « encore possible de se sentir vivant ; le bonheur trouve sa perfection dans une simplicité qui chasse l’angoisse. »

20 - Le Griot

« Le Griot me parla du Renard pâle. C’était un dieu qui n’était pas tendre avec les humains ; il habitait au cœur de la destruction, ce qui lui donnait un savoir sur celle qui ravage aujourd’hui notre monde. »

 

Partie II

… « soyez convaincus : Il suffit que l’invivable affecte quelques-uns pour que le vivable n’existe plus pour personne. »

 «  Les larmes aussi sont une parole, la plus vivante sans doute, parce qu’elles arrosent nos corps asséchés comme si elles leur prodiguaient la fertilité. » 

« Faire le deuil est un combat où se rejouent les conquêtes et les hantises d’une vie ; certains d’entre nous portent vissés sous leur aisselle un tambour en forme de sablier sur lequel ils frappent en cadence afin que nos pas se changent en trépignements. »

« Il a raison : seule la clarté est insaisissable. »

«  Chacun est libre d’être là ou de ne pas être là. D’aimer ou de ne pas aimer. D’affirmer ou de se taire. De trouver des raisons de vivre ou de vivre sans raison. »

 « Notre solitude n’a jamais été aussi belle que cette nuit. À travers la multiplicité, elle s’ouvre à toutes les solitudes : celle de la chance qui salue leurs croisements, du jeu qui les unit un instant, de l’étrangeté qui les sépare et rend possible leur entente. »

 Sophie Loubière « Black Coffee »

Résumé : Un jeu de piste à la recherche d'un mari disparu et d'un tueur en série sur la mythique route 66, à travers les Etats américains et sur plus de 40 ans.

Quatrième de couverture : Narcissa, Oklahoma, juillet 1966. Un jour de grand beau temps, un homme fut pris d'un coup de folie. Il égorgea une femme enceinte dans une maison et poignarda une petite fille dans le jardin. Il blessa grièvement une mère de famille et son fils, puis il repartit en boitant, couvert de sang, au volant d'une Ford Mustang jaune. C'était un dimanche après-midi.
Et personne n'a rien vu.
Quarante-cinq ans plus tard, une Française au comportement étrange va bientôt réveiller les démons du passé. Lola Lombard voyage seule avec ses deux enfants et cherche son mari volatilisé trois ans plus tôt sur la Route 66. Sa seule piste est un cahier que son homme lui aurait envoyé et qui pourrait bien être la preuve de l'existence d'un des plus ahurissants criminels que les États-Unis aient connu... et dont le chemin sanglant traversait déjà la petite ville de Narcissa en Oklahoma à l'été 1966.

Mon avis : la mythique route 66…

Je viens de terminer ce road movie.. Suspense et dépaysement total. Je recommande vivement. Lors de vacances en famille, le mari disparait.. Puis il donne signe de vie à sa femme.. qui décide de revenir aux States pour tenter de retrouver la trace son mari.. Elle prendra donc des vacances avec ses eux enfants et se lancera à sa poursuite .. sur la "66"... Mais elle sera non seulement sur les traces de son mari mais d'un  tueur en série ... Excellente découverte! Plein de rebondissements , des personnages attachants, une belle route 66, avec son atmosphère si particulière, ses motels, ses filles fantômes, ses bikers, ses cafés...

Blog de l’auteur : http://blackcoffee66.blogspot.fr/

 

Mathias Malzieu :  Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi  (2005)
Résumé :
« Mathias, une trentaine d’années mais une âme d’enfant, vient de perdre sa mère. Sans le géant qu’il rencontre sur le parking de l’hôpital, que serait-il devenu ? Giant Jack, 4.50 mètres, « docteur en ombrologie », soigne les gens atteints de deuil. Il donne à son protégé une ombre, des livres, la capacité de vivre encore et de rêver malgré la douleur… Il le fera grandir.

Mathias Malzieu nous entraîne dans un monde onirique, intimiste et poignant, dans la lignée d’un Lewis Carroll ou d’un Tim Burton ».

Mon avis : petit livre fantastique,  plein de poésie, d’amour, et qui permet de trouver un peu de lumière au milieu de la nuit... « Aime les choses ! Tu es vivant ! Et si tu es triste à mourir, c'est normal, assume-le. Mais ne te laisse pas aller va...Revendique-moi un peu ce cœur-là ! » Un petit livre qui fait pleurer, rire, sourire, qui aide à se sentir moins seul.. Il nous prend par le cœur et nous tire vers le haut… Enfin je parle pour moi.. J’aime l’univers de Malzieu, sa sensibilité, sa poésie, sa tendresse, sa folie… 

Extraits et citations :

Il y a bien les souvenirs, mais quelqu’un les a électrifiés et connectés à nos cils, dès qu’on y pense on a les yeux qui brûlent.

-          "On fait semblant de marcher, on imite ce que nous étions avant, quand tu étais encore là.

"""Alors on avait peur et mal. Mais c’était rien à côté du vide qui nous a explosé silencieusement à la gueule avec le petit « c’est fini » de l’infirmière. Tout le monde avait peur. Peur que tu partes. Et maintenant que tu es partie, on a encore plus peur.

"On garde tous nos cœurs plantés dans le ventre et dans la gorge. Sans bruit. On ne veut pas que tu entendes. C’est  effroyable le bruit d’un cœur qui se casse.

"Le vide, c’est grand. À la sortie de l’hôpital, il nous attend. Il me fait peur pour toujours.

"Je suis mécaniquement vivant, puisque mes doigts bougent et que mes yeux clignent. Mais je suis rempli de vide.

 S"Se battre contre la mort ne veut pas dire aller la voir de près. La seule manière de tuer la mort, c’est de rester en vie. Reste tourné vers la vie."

"J"J’aime les livres qu’on peut mettre dans les poches, trimballer, aimer, prêter, corner, donner, racheter pour relire ses passages préférés. C’est un acte important pour moi d’échanger un livre qu’on aime…

"Le vide et son orchestre à silence se sont emparés de la maison. Je traîne un peu dans le couloir. Je sens les ombres de toute la maison. Chaque recoin est habité. Je préfère encore me promener parmi ces fantômes qu’aller me coucher. Je ne te reverrai plus jamais, et toi tu ne verras plus jamais rien. Mon corps refuse, ça cogne contre les parois.

"L’effet de l’assomnifère n’est pas radical, je glisse dans mon ombre jusqu’aux yeux, pour y voir bien noir même avec les yeux ouverts. Je crois que la mécanique de mes paupières est cassée, je ne peux plus les fermer. Les souvenirs surgissent, en boule.

-          "Les invités de l’enterrement avancent, penchés comme des fantômes d’arbres morts. Des gens qu’on aime sont là, ils ont l’air gêné, avec leur sac d’amour dans les bras. Ils veulent nous le donner sans nous encombrer. On sait pas quoi en foutre de tout cet amour dans les yeux des gens, des fleurs et des bondieuseries à la pelle

-         " On dirait un morceau de nuit perdu en plein jour. Il sent l’hiver. Pourtant sa présence réchauffe mon cœur. Il a l’air de pouvoir être encore plus triste que moi. Plus seul aussi, plus tout.

-         "Et qu’est-ce qui est arrivé à la fille cachée dans ton cœur ? — Elle n’est jamais revenue, alors je l’ai reconstituée à partir des merveilleux souvenirs qu’elle m’a laissés et des graines de rêves qu’elle a semées un peu partout en moi avant son départ.

-          "Le vide est de retour. Il ne nous avait jamais vraiment quittés. Mais maintenant que toute la logistique de la mort a pris fin, le revoilà pile en face de nos gueules.

-         " J’ai encore du mal à convoquer les beaux souvenirs, les autres me tombent dessus sans crier gare.

" Les jours passent, la nuit reste. Maintenant, tu me manques. Des fois c’est tes bras, des fois c’est tes pas dont je crois reconnaître le bruit. La plupart du temps, c’est toi en entier, avec ta voix et tes petites façons d’être ma mère.

"Oh, qu’est-ce que je donnerais pour te serrer dans mes bras et embrasser ton front, arracher la nuit, te brancher sur mon dos. Je t’emmènerai loin, je te soufflerai partout sur la peau, tu le sentiras, tu te sentiras exactement comme avant.

.."et ses ombres que je connais bien. Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, que cette fois c’est sûr, que nous avons fixé une dalle marbrée pour entreposer larmes, souvenirs et fleurs, je réalise. Je n’accepte rien, mais je réalise.

"Elle va revenir, je l’attends avec des étoiles et des gâteaux, elle en a marre des fleurs, elle en a marre d’être morte, c’est trop long…

" Les larmes coulent et les nuages s’éclaircissent, laissant apparaître des rayons du soleil. Et vas-y que tout le monde pleure au soleil ! Le son des sanglots monte, rythmé par des hoquets interminables. Des arc-en-ciel se forment dans les paupières des gens et chacun se promène avec ses morceaux d’arcs-en-ciel entre les cils.

-" Les ombres sont les portes du pays des morts. Pas toutes bien sûr, et elles ne sont pas ouvertes tout le temps, mais c’est par là que tout communique.

 

Agnès Martin-Lugand « Les gens heureux lisent et boivent du café »

Résume de l’éditeur : «Ils étaient partis en chahutant dans l'escalier. [...] J'avais appris qu'ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux.» Diane a perdu brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, tout se fige en elle, à l'exception de son cœur, qui continue de battre. Obstinément. Douloureusement. Inutilement. Égarée dans les limbes du souvenir, elle ne retrouve plus le chemin de l'existence. C'est peut-être en foulant la terre d'Irlande, où elle s'exile, qu'elle apercevra la lumière au bout du tunnel. L'histoire de Diane nous fait passer par toutes les émotions. Impossible de rester insensible au parcours tantôt dramatique, tantôt drôle de cette jeune femme à qui la vie a tout donné puis tout repris, et qui n'a d'autre choix que de faire avec.

Mon avis : J’ai lu d’une traite ce petit roman et j’ai bien aimé. Pourtant au début je me suis dit … aie aie aie, comme l’amie qui me l’a recommandé… et puis, j’ai continué.  Pas de pathos, pas de pleurnicherie... L’écriture est fluide, Diane attachante. L’Irlande est conforme à l’idée qu’on se fait d’elle... froide dehors et chaleureuse dedans. Et les autres personnages idem.  Des personnages bien campés, atypiques, qui ont chacun leur histoire, leurs passions. Juste une envie de se laisser couler, puis la volonté de s’en sortir…  Une descente suite à un drame, plus envie de rien… puis une reconstruction… mais aussi un livre sur la valeur et l’honnêteté des sentiments, la peur de l’amour et de la souffrance qui en découle, sur l’amitié,  sur la lueur au bout du tunnel. Petit roman de vacances sans prétention mais bien sympa… suggéré par une nana qui lit et boit du café… Un peu dans l’esprit des livres de Claudie Gallay (« Seule Venise », « les déferlantes »)

  

Peter MAY « le braconnier du lac perdu »  (Trilogie écossaise – tome 3)

Résume de l’éditeur : Depuis qu'il a quitté la police, Fin Macleod vit sur son île natale des Hébrides, à l'ouest de l'Écosse. Engagé pour pourchasser les braconniers qui pillent les eaux sauvages des domaines de pêche, il retrouve Whistler, son ami de jeunesse. Le plus brillant des enfants de Lewis. Le plus loyal aussi qui, par deux fois, lui a sauvé la vie. Promis au plus bel avenir, il a pourtant refusé de quitter l'île où il vit aujourd'hui comme un vagabond ; sauvage, asocial, privé de la garde de sa fille unique. Et d'entre tous, il est le plus redoutable des braconniers. Quand Fin se voit contraint de le traquer, Whistler, de nouveau, l'arrache à la mort et le conduit jusqu'à un lac qui abrite depuis dix-sept années l'épave d'un avion. L'appareil, que tous croyaient abîmé en mer, recèle le corps d'un homme, assassiné. Dans sa quête pour résoudre l'énigme, Fin opère un retour vers le passé qui le confronte aux trois femmes qui ont marqué sa vie : Marsaili qui a hanté toute son existence, Mairead à la voix pure qui a envoûté ses premières années d'homme, Mona dont l'a séparé pour toujours la mort tragique de leur fils. Opus final de la trilogie de Lewis, Le Braconnier du lac perdu en est aussi le plus apocalyptique. Alors que ressurgissent les démons enfouis et que les insulaires affrontent une nature dévastatrice, l'heure des comptes a sonné et les damnés viennent réclamer leur lot de victimes. Né en 1951 à Glasgow, Peter May fut journaliste, puis brillant et prolifique scénariste de la télévision écossaise. Il vit depuis une dizaine d'années dans le Lot où il se consacre à l'écriture. Passionné par la Chine, il est l'auteur d'une série chinoise de six romans policiers et thrillers traduits au Rouergue. L'Île des chasseurs d'oiseaux, paru en 2010 (Babel noir n°51), a inauguré la trilogie de Lewis et reçu plusieurs distinctions, dont le prix Cezam Inter-CE 2010. Il a été suivi de L'Homme de Lewis, paru en 2011.

 Mon avis : Quel dommage qu'il n'y ait que trois livres dans une trilogie ! Toujours la même ambiance, tous les souvenirs de jeunesse remontent... Notre ex-flic toujours enquêteur oscille entre passé et présent, entre boulot de flic et fidélité à l'amitié. Les sentiments sont là mais pas de sentimentalisme ni de mièvrerie. Alors une superbe trilogie "polar" mais avec un tel souffle et une telle aptitude à nous faire nous sentir chez nous dans cette Ecosse magnifique et si particulière que c'est aussi de magnifiques romans... Si vous aimez les endroits sauvages et les caractères en adéquation avec les éléments : la trilogie vous tend les bras..

 Extraits .  

Il n’y a rien de plus fort que de se retrouver responsable d’une autre vie. Tu commences à faire attention à la tienne.

 

May Peter « le mort aux quatre tombeaux » La série Assassins sans visages de Peter May

Résume de l’éditeur : MacLeod, ancien légiste écossais établi en France, entreprend une enquête autour de la mystérieuse disparition au mois d'août 1996 d'un ancien conseiller du Premier ministre devenu star de la télévision. Un pari lors d'une soirée trop alcoolisée amène Enzo MacLeod, ancien légiste de la police écossaise établi en France, à entreprendre une enquête autour de la disparition inexpliquée de Jacques Gaillard, conseiller du Premier ministre devenu star de la télévision et dont on n'a plus aucune trace depuis le mois d'août 1996. Cette affaire énigmatique a mis en échec la fine fleur de la police française. Arrogance déplacée ? En quelques jours, à la surprise générale, MacLeod remonte le fil jusqu'à une malle fortuitement découverte dans les catacombes de Paris. Une malle qui contenait, outre un crâne humain, une fort étrange collection d'objets : une coquille Saint-Jacques, un stéthoscope, un pendentif avec une abeille, une médaille de l'ordre de la Libération.
Et si, pour élucider le mystère, il fallait se plonger dans l'histoire de France ? MacLeod comprend que le ou les assassins ont jeté un défi aux enquêteurs en assemblant les pièces d'un inextricable puzzle. Il décide de relever le gant. Sans imaginer que le tueur puisse s'en prendre à lui.

Mon avis : Très différent de la trilogie écossaise qui m’avait beaucoup plu et qui m’avait charmée par l’ambiance écossaise.  Ici l’important c’est la résolution de l’énigme, l’auteur qui nous promène dans toute la France, à la poursuite des indices. C’est l’action et l’intelligence qui occupent le centre du roman ;  une fois de plus, les personnages sont attachants. J’ai eu un peu l’impression de me retrouver dans une enquête  type « Da Vinci Code ». Une nouvelle facette de Peter May, un thriller, du suspense ; il va à l’essentiel, sans s’encombrer de descriptions. Le livre est court mais le suspense total.

 

Puértolas Romain - L’extraordinaire voyage du fakir qui était restée coincé dans une armoire Ikea

Quatrième de couverture : Un voyage low-cost … dans une armoire Ikea ! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l’Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d’amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d’une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.

Mon avis : Jubilatoire. j'ai bien ri.. enlevé, drôle, personnage attachant... déjanté.. mais en même temps très humain... Un peu dépassé par les événements.. Mais en toile de fond l'existence misérable des sans-papiers, de ceux qui tentent tout pour quitter leur pays et avoir une vie meilleure et qui se font expulser.... Petit moment très sympa.. De là à être retenu dans la dernière sélection du Renaudot ..

 

 

Haruki MURAKAMI « 1Q84 » livre 3

Résume de l’éditeur : Sous le double scintillement de 1Q84, le temps s'accélère et les vérités se confondent. La voix du détective Ushikawa s'invite, oscillant entre révélation et menace, sur la trace d'Aomamé et Tengo. D'un reflet à l'autre, dans la clairvoyance hypnotique de ce troisième volet, le passé s'apprête à livrer son chaos au seuil d'un nouveau rêve...
«Pour traverser les miroirs et aller gamberger dans le Grand Ailleurs, le mot de passe tient en quatre syllabes : Murakami. Ce Japonais volant n'a pas son pareil, en effet, pour distiller les nectars d'une œuvre délicieusement somnambulique, de bout en bout hypnotique.» André Clavel - L'Express. 

Mon avis :  Et voilà.. Une autre trilogie de finie. Celle de Murakami 1Q84. Un nouveau personnage sort de l'ombre, Ushikawa, fin limier sur la trace de nos héros. Le troisième tome est nettement plus policier, plus "rapide".. les personnages se dévoilent, les liens se dévoilent. J'ai beaucoup aimé. Le passé conditionne le présent, les souvenirs de l'enfance dirigent la vie, l'amour est le moteur de l'existence, le réel et le rêve se mêlent. Le style est fluide. Mélange de vérité, le fable, de légende, de roman, de policier.. Mais finalement le livre se termine sur une nouvelle vie. Alors tout est ouvert, tout est possible. et je me demande si une suite n'est pas envisageable.

 Olmi Véronique «La nuit en vérité »

Résume de l’éditeur : « Et se regarder nu, face au miroir, jamais il ne le ferait, jamais il ne serait ce garçon qui en lui faisant face lui ferait honte. Enzo ne voulait pas être son ennemi. Il voulait aimer le jour, la nuit, la peur, Liouba, et lui-même si c’était possible. »
À travers la relation forte et fragile entre une mère trop jeune et un fils au seuil de l’adolescence qui vivent chacun à leur façon l’expérience de l’exclusion et de la détresse intérieure, Véronique Olmi renoue avec la tension narrative de Bord de mer, cette amplitude romanesque où la retenue, l’émotion et la brutalité forment une ronde parfaite.

 Mon avis: Premier livre que je lis de Véronique Olmi. Il est certain que je vais en lire d’autres. J’aime beaucoup sa façon d’écrire. Il est incontestable que je me suis attaché à ces deux êtres marginalisés par la société. Deux solitudes fusionnelles qui évoluent côte à côte, et qui pour ne pas se blesser se cachent leur vérité. Pour faire bien, sa maman, femme de ménage qui se refuse à accepter d’où elle vient (mais d’où vient-elle ?) fait en sorte que son fils puisse fréquenter un collège prestigieux pour les gens bien. Quelle erreur… ce petit gros deviendra la tête de turc du collège. Il fera tout pour le cacher à sa mère. Elle, mère très jeune, veut continuer à être jeune… Et sa façon de s’habiller fait honte à son fils. Un livre sur les non-dits, sur la différence, sur la difficulté d’intégration. Un livre aussi sur la force de reconstruction de ce jeune de 12 ans, qui ne se laissera pas détruire intérieurement. Un livre tout en pudeur. Le jeune garçon va s’identifier à un soldat dans les tranchées pour mener son combat, pour sortir debout de son cauchemar. Il recherchera ses racines, et ne pliera pas devant ceux qui veulent le voir ramper. Un livre ou les étoiles brillent la nuit et qui finit sur une note d’espoir…

 

Extraits: 

« Leurs rires devant ses pieds frétillants et dansotants étaient déjà anciens, et disparus, ne perdurant dans aucune mémoire, même le film sur le téléphone portable n’avait ni réalité ni consistance. Leur vie était en retard. Comme la lumière d’une étoile. On la reçoit quand c’est déjà fini. Over. Terminé. Mort. »

« Et si Enzo lui-même parvenait à oublier cet instant, sa honte, sa douleur, les crampes dans ses pieds virevoltants, si Enzo parvenait à oublier son envie de pleurer et sa lassitude du collège, du groupe, de la gymnastique, s’il parvenait à effacer cela de sa mémoire, alors ce serait réellement fini. » 

« Encore une fois, on pouvait faire bien des choses avec cette foutue réalité, on pouvait l’embellir, comme dans les romans, et le pire était qu’elle se laissait faire à un point étonnant. »

« Les rafales venaient taper contre la vitre, elles tenaient leur mug des deux mains, c’était bon de n’avoir rien de plus important en tête que le temps qu’il faisait, et qui était le même pour tous, sans injustice. »

« Elle le regardait non pas comme s’ils avaient été à quelques centimètres l’un de l’autre, sur la petite table en bois usé de l’immense cuisine, non, elle le regardait comme un objet qu’elle aurait posé sur une étagère, un tableau qu’elle aurait cloué au mur et dont elle évaluerait l’effet esthétique. Elle était dissociée de lui. C’était la première fois. »

Oui, il fallait qu’Enzo pense à ce qu’il aimait pour s’endormir, y pense avec acharnement, comme agrippé au rebord de la nuit. Est-ce que tout le monde faisait ça ? Est-ce que la nuit était la même pour tous ?

« La nuit, Enzo avait un corps flottant, trop sensible, un esprit décuplé… Comment expliquer ça ? La nuit murmurait des choses invisibles à l’enfant, c’était comme un souffle, il le ressentait, présent et mouvant, cela avait la forme d’un petit nuage. À qui aurait-il pu dire cela : la nuit, ça souffle et ça fait peur. »

« Liouba ne lui avait jamais parlé de son père. Pas une remarque, une allusion, et ce n’était pas une absence, c’était un blanc. »

« Tous les matins on franchit des grilles, des portes, des tourniquets, tous les matins on va quelque part, mais qui en a envie ? Les élèves du collège semblaient en avoir envie. »

« … il disait qu’il avait « besoin de ce bordel, vous savez Lila, enfin non vous ne savez pas, mais une maison, un appartement, c’est un peu notre cerveau, si, si, eh bien moi, j’ai besoin de mon petit coin de bordel… On pourrait appeler ça mon inconscient, vous n’aimeriez pas nettoyer mon inconscient, Lila, n’est-ce pas ? »

« Les titres des romans faisaient rêver : Le Vagabond des étoiles, Souvenirs de la maison des morts, Illusions perdues, London, Dostoïevski, Balzac… Une bibliothèque est bien plus cosmopolite qu’un salon, se disait Enzo, elle est aussi plus difficile à ranger, et la nuit, bien plus mystérieuse qu’un tapis afghan. »

« Les plus grands héros de la littérature endormis les uns contre les autres, leur souffle dans les livres fermés, les heures, les mois et les années d’écriture des auteurs qui s’étaient assis comme des élèves, chaque matin, le crayon à la main, le cahier raturé, les pages déchirées, le soin de Maupassant à décrire la tristesse d’une femme, la concentration de Dostoïevski pour se rappeler l’odeur exacte des bains des forçats, tous ces livres debout derrière des vitres que sa mère n’avait pas le droit de toucher, et pourtant l’enfant le savait : Liouba était digne de Balzac, de Flaubert, de Tolstoï et de Maupassant, il ne les avait pas tous lus, mais de toute façon il avait rendez-vous avec eux, et cette promesse lui gonflait le cœur, il aimait savoir qu’il était ignorant de récits qui allaient bouleverser sa vie, la changer peut-être. « 

« Il aimait les toucher, les regarder, tout comme il aimait dans Paris imaginer le mélange d’une foule de Parisiens morts, vivants, et pas encore nés. Brouiller les cartes du temps et de l’espace était grisant et pas plus fou que de ranger les générations dans l’ordre, de penser qu’on se suivait tous à la queue leu leu avec résignation, comment croire ça alors que l’univers était engagé dans un chaos commencé depuis des milliards d’années et que lui seul menait la danse ? »

La nuit eut pitié de lui et retint les mauvais rêves, elle posa sur l’enfant une main si légère et pourtant si tendre que les heures qui le menèrent au jour furent liées entre elles sans heurt ni interruption, un joli bouquet d’insouciance.

Il avait déplacé des objets, changé les draps, ouvert la fenêtre, et après ? Il avait regardé des gens irréels à la télé et appris qu’il ne venait de nulle part, que sa mère avait une mémoire aussi vide qu’un iPod tout neuf.

Et il continuerait à porter des survêtements noirs, il continuerait à être gros, et dans deux jours on serait lundi matin. Est-ce que c’était possible ? Que la terre tourne autour du soleil, que le printemps soit là et que lui ne puisse rien faire bouger d’autre qu’un vieux lit à barreaux ? Le big bang retentissait encore et lui se déplaçait seulement d’une chambre trop petite à un débarras glacé ?

Mais qu’est-ce qu’il faisait là, le fils de personne ? Pourquoi venait-il s’enfermer dans cette chambre placard, fouillis, bordel, pleine d’affaires qui appartenaient à d’autres, racontaient les histoires des autres, comme les livres qu’il lisait, les autres, toujours les autres, morts ou vivants, et après ?

Il ne faut pas que je pense à ça, sans quoi je vais vraiment devenir fou, déjà que je le suis un peu, je le sais. Le souffle de la nuit ne s’adresse pas aux gens sérieux, il vient visiter les crânes fracassés qui laissent passer les courants d’air.

Pourtant, Enzo le savait, le temps n’était pas cette ligne droite et inflexible, parfois il passait vite, parfois il n’en finissait pas, parfois on disait « J’ai pas vu passer l’heure », et alors ? Où était-elle cette heure ? Bien sûr elle avait été inscrite sur les montres, mais si on ne regardait pas sa montre, qu’est-ce qui se passait ? Si on la niait ? Si on la snobait ? Si, au contraire, on piochait ailleurs, dans les heures de la nuit, que beaucoup ignorent ? Si on perdait la notion du temps, qui s’en vengerait ? Une heure perdue était irrattrapable, alors, pourquoi ne pas tenter de perdre celle qui ouvrait la semaine au collège ? Parce que tu es un idiot, se disait Enzo, elle s’en fout cette heure-là, le lundi a d’autres heures en réserve, qui vont suivre, te poursuivre et t’assommer, et en cinquième, en quatrième et en troisième, il y aura encore une ribambelle de lundis matin 8 heures.

« Son cœur ressemblait à une grenade non dégoupillée, alors que lui voulait exploser et vivre vite et fort, unir son énergie à la lumière et ramener des bulletins qui feraient rougir sa mère de plaisir, la petite Liouba Popov qui depuis douze ans suivait un stage de « bonne mère », une formation à domicile de jour comme de nuit. « 

« Où étaient donc passées les étoiles ? Soi-disant qu’elles brillent aussi en plein jour, mais moi je ne les vois pas, c’est la nuit que tout s’éclaire, c’est la nuit que je voudrais vivre, pensa Enzo, la nuit je comprends tout. » 

« Il existait toujours. Il regarda le ciel posé au-dessus de la cour, mais il était haut, indifférent, sans nuages ni sillons d’avions, un ciel pâle qui s’était détaché de la terre, un ciel qui les avait abandonnés. » 

« Il mit ses bras sur le dessin pour le lui cacher. Elle avait raison : demain elle ne serait pas exactement la même. Lui non plus. Ils vieillissaient de seconde en seconde. Ils apprenaient des choses et en oubliaient d’autres. Le présent devenait le passé, le futur mourait à peine atteint, et c’est comme cela qu’on se retrouvait chaque matin aux portes des collèges. La vie vous prenait dans un courant si violent que parfois on oubliait de la regarder, on ne résistait pas à la vitesse du temps. »

« La nuit était silencieuse mais ils étaient nombreux à ne pas dormir et à se sentir posés injustement dans un monde parallèle dont ils ne savaient trop quoi faire. Comment se rendormir ? Comment, surtout, ne pas se mettre à réfléchir, et se concentrer sur le « je ne pense à rien », sans que cette pensée, justement, vous tienne éveillé ? Alors commençait la nuit blanche, qui n’avait rien de lumineux. »

« Il ferma les yeux. Maintenant qu’il était l’heure de se lever, il se sentait prêt à glisser dans le sommeil comme sur une pente douce, des bras immenses, oh c’était bon, il tombait dans ces bras-là, la fatigue s’échappait de lui, il respirait sur un nuage. »

« Mais à la façon dont elle décida de décrocher les rideaux, alors qu’elle avait fini sa journée depuis longtemps, il sut que toute tentative de rapprochement était inutile. Il n’osa même pas lui faire remarquer que non seulement les rideaux étaient propres, mais aussi qu’à force de les passer en machine, leur couleur avait disparu. Cet appartement n’était pas lavé. Il était délavé. Elle n’en prenait pas soin, elle l’assassinait. Et pour la première fois il se dit que peut-être elle avait conscience de tout ça, que peut-être elle le faisait exprès. »

« – On croit que les choses sont loin, quand elles sont dans les livres… Enfin, je parle pour moi évidemment, toi… je te dirais que Victor Hugo te demande au téléphone, tu le croirais. Mais moi sitôt qu’une chose est dans un livre, j’ai l’impression qu’elle est loin. – Je comprends. – Tu comprends quoi ? – Dans un livre c’est comme si elle était déjà finie, cette chose. – Non. C’est pas ça, tu comprends pas. C’est comme si elle était enfermée. Voilà. – C’est bien pour ça qu’on les ouvre les livres, m’man. – Fais pas ton philosophe. »

« Ce qu’il lui transmettait. On fait comment, la nuit d’avant ? demanda Enzo. Nul ne lui répondit et il comprit que la nuit d’avant était celle de la solitude. Demain matin ne s’adresse qu’à vous, la peur c’est la vôtre. La nuit s’avance pour mieux laisser place au jour, le grand jour qui se lève, clair et transparent comme la trahison. »

« Il décida de ne pas se soustraire au combat. Il fit les gestes rituels, toilette et petit déjeuner, odeur de savon, fenêtre ouverte et danse de la poussière dans les rayons du soleil, danse des oiseaux dans les arbres, danse du lait versé dans le bol, danse des grands draps secoués, paupières qui se lèvent, portes qui s’ouvrent, poulies d’ascenseur, fracas des rideaux de fer. »

« Il y avait dans cette latence un respect solennel, on aurait dit que la vie, par égard pour le martyre d’Enzo, retenait son souffle. Les heures passèrent différemment. Car cela n’avait plus d’importance. Car cela eût été ridicule : se demander l’heure qu’il était, le jour, le mois, l’année. C’était le temps de la souffrance. Celle qui habite et recouvre le monde avec constance, sans jamais dévier. »

« Il n’essuyait pas le lait qui lui coulait sur le menton, la confiture qui collait à ses doigts. Dehors un soleil métallique avait envahi le ciel noir, les nuages passaient en convois, et l’alternance de la chaleur et du froid donnait au jour une couleur incertaine. »

Il n’y avait plus personne là-dedans, à part les patrons, ce qui n’était vraiment pas grand-chose, ce qui n’était rien à la vérité, étrange comme certains êtres ont peu de poids alors que d’autres semblent contenir la vie tout entière.

« Enzo tira un peu sur le joint, s’allongea et dit qu’il avait pas mal de sortilèges à briser, puis il rit de cette façon qu’il avait de parler maintenant, comme un mec lucide, un peu blasé, il rit tellement que les étoiles à travers ses larmes semblaient des perles prêtes à tomber. »

 Puértolas Romain : « L’extraordinaire voyage du fakir qui était restée coincé dans une armoire Ikea »

Résume de l’éditeur : Un voyage low-cost … dans une armoire Ikea ! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l’Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d’amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d’une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.

Mon avis :  Jubilatoire. j'ai bien ri.. enlevé, drôle, personnage attachant... déjanté.. mais en même temps très humain... Un peu dépassé par les événements.. Mais en toile de fond l'existence misérable des sans-papiers, de ceux qui tentent tout pour quitter leur pays et avoir une vie meilleure et qui se font expulser.... Petit moment très sympa.. De là à être dans la dernière sélection du Renaudot.. je trouve un peu exagéré...

Laurent Seksik : Le cas Eduard Einstein (Editions Flammarion 2013)

L’auteur : Médecin lui-même, il se partage entre médecine et littérature et a publié cinq romans dont Les derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2010).

Résume de l’éditeur : Le fils d'Einstein a fini Parmi les fous, délaissé de tous, jardinier de l'hôpital psychiatrique de Zurich. Sa mère qui l'a élève seule après son divorce, le conduit à la clinique Burghölzli à l'âge de vingt ans. La voix du fils oublié résonne dans ce roman où s'entremêlent le drame d'une mère, les faiblesses d'un génie, le journal d'un dément.

Une question hante ce texte: Eduard a t-il été abandonné par son père à son terrible sort ? Laurent Seksik dévoile ce drame de l'intime, sur fond de tragédie du siècle et d'épopée d'un géant.

Mon avis :   Je viens de terminer ce livre. La face cachée des génies.. La difficulté d'affronter. J'ai été à la fois révoltée, émue, dégoutée, pleine de compassion et de haine... Tous les sentiments y sont passés.. Comment abandonner son fils en hôpital psychiatrique ? et en même temps .. Combien de personnes - génies ou pas - sont démunis devant la maladie, folie ou pas.. Fuir, toujours fuir... pour sa vie ( à cause de la situation politique) pour sa tranquillité d'esprit ( mais fuir n'efface pas les problèmes).. Un livre sensible, qui pose un regard mais ne juge pas. Un livre qui donne la parole à tous les protagonistes, qui expose tous les points de vue. Einstein, sa femme, ses deux fils.. On apprend aussi beaucoup sur le début des traitements de la schizophrénie et des troubles du comportement. Les scènes de "démence" sont magnifiquement décrites, en pudeur et en subtilité. Le contexte historique est partie prenante de l'histoire. Alors oui, je recommande ce livre.. et pas seulement pour en savoir davantage sur la vie cachée d'un grand génie qui a su se battre contre tout sauf contre sa filiation et ses sentiments envers ce fils pas comme les autres.. 

Extraits: "Tant de temps a passé depuis cette année 1899. Elle peine à croire que ce long défilé de semaines et de mois aura été sa vie."

 "C'est, à vrai dire, sa cousine au second degré. Je ne comprends rien à cette histoire de degré. Zéro degré, il neige. Tout n'est pas à prendre au premier degré. Mais cousine au second degré ?"

 "Ce n'est pas parce que des siècles de catholicisme ont parlé de testament, que testament, il y a. Ce n'est pas parce qu'on assène quelque chose, que cela devient une vérité."

 "La longue expérience de sa vie le lui a enseigné. En quelque endroit du monde, on prend racine. La terre importe peu. Seule compte ce que dicte notre conduite, ce que célèbrent nos mémoires. Nous répétons le passé de nos pères, de la même manière qu'enfant nous entonnions leurs prières. Nulle part on ne reste. Ceux qui croient à la pérennité des lieux se leurrent. Nous vivons l'éternel recommencement."

 "Nous vivons l'éternel recommencement. Nous connaissons le chaos après avoir fait l'apprentissage de la gloire. L'éphémère est notre état premier. Notre sillon se creuse dans la boue du temps. La terre devient hostile quand nous y prenons racine. Nous vivons dans l'illusion de la considération de nos semblables. Nous imaginons que nos semblables nous jugent pareils à eux. C'est vrai de quelques-uns. La plupart ne nous voient pas comme nous sommes. Nous sommes la projection d'infinis fantasmes. Chacun possède un avis sur qui nous sommes et qui nous devrions être. Nos vies s'inscrivent dans le regard des autres. L'Histoire nous arrache sans cesse aux destinées premières. Là, depuis la nuit des temps, réside notre force, nos joies sans bornes et nos pires malheurs. Cette glorieuse incertitude est notre Terre promise."

"Un à un, les êtres qu'il a aimés quittent ce monde. Les mois et les jours s'enchaînent, font de sa vie un grand désert empli de souvenirs et vidé de substance. Pourtant il ignore les grands accès mélancoliques. Il cède rarement à la tentation de puiser dans ses souvenirs un quelconque réconfort. Il n'est pas sensible à la saveur étrange que peuvent procurer les élans de nostalgie. De jour, il préfère flâner dans le parc boisé plutôt que de parcourir en pensées les vestiges de son existence. Dans le silence de la nuit, quand les absents se font entendre, il ne s'attarde pas à écouter le murmure du passé."

"Penché au-dessus de la balustrade, je pourrais rester des heures à contempler l'eau vive courir entre les pierres. Les jours de grand soleil, des étincelles de lumière éclatent sur les flots. Le bruissement de l'eau me murmure à l'oreille. J'écoute et je comprends. La nature me parle. J'entends de joyeux frémissements."

"Il se demande si le destin est écrit. Et s'il l'est parfois, imprimé dans les livres. Il songe que le destin s'amuse avec les hommes et qu'il se rit de lui."

« L'être animé protège sa propre existence en détruisant l'élément étranger. » Il se demande si c'est ainsi qu'il se protège, en laissant une telle distance avec Eduard."

"Déguster un Strudel aux pommes au café avec Héléna ne lui procure aucune joie. Elle ne pourrait plus dire depuis quand elle n'a pas ri. Des années peut-être. Elle ne se souvient plus. Peut-être perd-elle aussi la mémoire ? Comme ont fui les bons moments, les bons souvenirs s'échappent. Elle ignore où trouver une raison d'être heureuse. Tout est sec à jamais."

"Nulle autre ne vient briser le cercle de sa solitude. Au fil des semaines, elle se déprend de tout. Sa mémoire lentement lui fait faux bond. Sa vie lui échappe par bribes. Seuls les mauvais instants demeurent."

"Nous sommes des gens sans histoires, Eduard. Les Allemands brassent de la bière. Nous nous brassons de l'argent. Nos peuples peuvent s'entendre entre brasseurs. Nous nous entendrons aussi avec les Américains, qui sont de grands brasseurs de vent."

"Il appréhende cette réalité. Il connaît la vérité. Il sait ce qu'il va découvrir. Il ne veut pas de cette découverte."

"Mon père a dit : « L'essentiel dans l'existence d'un homme de mon espèce réside dans ce qu'il pense et comment il pense, non dans ce qu'il fait ou souffre".

"Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution. Les autres, ce n'est pas moi, mais la main de la mort qui les a résolus."

 Serres, Karin « Monde sans oiseaux » (Stock 2013)

 Résume de l’éditeur : « Petite Boîte d’Os » est la fille du pasteur d’une communauté vivant sur les bords d’un lac nordique. Elle grandit dans les senteurs d’algues et d’herbe séchée, et devient une adolescente romantique aux côtés de son amie Blanche. Elle découvre l’amour avec le vieux Joseph, revenu au pays après le « Déluge », enveloppé d’une légende troublante qui le fait passer pour cannibale. Dans ce monde à la beauté trompeuse, se profile le spectre d’un passé enfui où vivaient des oiseaux, une espèce aujourd’hui disparue.
Le lac, d’apparence si paisible, est le domaine où nagent les cochons fluorescents, et au fond duquel repose une forêt de cercueils, dernière demeure des habitants du village. Une histoire d’amour fou aussi poignante qu’envoûtante, un roman écrit comme un conte, terriblement actuel, qui voit la fin d’un monde, puisque l’eau monte inexorablement et que la mort rôde autour du lac…

Mon avis : Oh que je n'ai pas aimé.. Mauvaise ambiance, trop défaitiste. Un peu le même thème que "la lettre à Helga", à savoir la confrontation entre une île vivant comme dans le passé et la civilisation. Mais j'ai trouvé très glauque.. Quelques jolies phrases, mais heureusement qu'il n'est pas trop long car j'en suis sortie avec une impression de malaise collée à la peau. 

Extraits: 

La peau du lac frémit, frise, se creuse comme une tôle ondulée puis explose en une immense vague qui asperge toutes les maisons du village sous le cri de ma mère qui me surplombe, petit corps gluant qui vient de ramper hors de sa nuit rouge pour atterrir sur le plancher au bout du cordon qui bat.

Ma mère a des yeux bleu rivière gelée, de fins cheveux blonds sévèrement tirés et de hautes pommettes au sang à fleur.

Au printemps, la neige fond sur les collines, et la terre la boit. Le soleil est encore si pâle, comment croire que c’est lui qui fait fondre l’hiver ?

La douleur est peut-être un organisme vivant, invisible mais réel, qui habite à l’intérieur de notre corps. Parfois, il se réveille, s’agite violemment, mais le reste du temps il dort. Du bout de ses tentacules, soudain, il appuie sur nos gencives, nos tympans, nos seins adolescents ou notre utérus comme là, maintenant, aaargh ! Et c’est lui qui nous suce le sang, de l’intérieur, qui boit toute l’eau de notre peau d’enfant. Mais que devient-il, quand on meurt ?

La vie est ronde. On se regarde, face à face, tellement près. On se connaît par cœur, on se redécouvre sans arrêt.

Elle sort de la maison jaune qui paraît brune sous cette lumière, descend les rues de planches jusqu’à l’eau sombre qui miroite, jette sa chemise de nuit en l’air et danse, nue, en silence. Puis elle saute dans l’eau qui se brise en mille éclats et se recompose en cercles noirs autour de sa tête qui émerge.

En automne, je retourne travailler à la ville. Mes pieds avancent, régulièrement, de l’embarcadère au bureau, du bureau au bar, du bar au bureau, du bureau à l’embarcadère, mais ma tête reste à la traîne. Quand je marche dans les rues, je vois le nom des gens flotter à côté d’eux, à hauteur de leur torse ou de leur taille, en lettres brillantes, et j’entends leurs pensées chuchotantes. Ce scintillement me fascine et m’épuise. Parfois, je suis des inconnus, au risque de me perdre, tellement leur nom frémissant leur va bien, ou leurs pensées sont musicales, rythmées. Et le jour s’éteint, mauve.

Les premières années, les ronflements de Jeff m’énervaient. Je sifflais, je le secouais, je le faisais rouler sur le côté, je le réveillais même, parfois, hors de moi : « Tu ronfles ! – Désolé. Je fais pas exprès. Je vais essayer de… » Maintenant, je les attends, je ne peux plus m’endormir sans. Une fois couchés, dos à dos, je respire régulièrement, pour l’entraîner, par mimétisme, et dès qu’ils commencent à résonner, je m’installe dans leur rythme râpeux, caverneux, comme dans un hamac.

Je le regarde tous les jours, pourtant. Sa chair qui s’affine et se plisse, ses cheveux qui blanchissent, je les regarde, je les touche, je les connais, je les aime mais sans observer de changement net, sans comprendre ce que cela annonce, sans voir notre temps passer. Je n’ai pas vu sa mort arriver. Pas prévu. Jamais pensé. Fauchée, je suis, à genoux dans la terre de notre potager.

Je n’arrête pas d’en accompagner vers le lac, dans leur cercueil d’osier. On ne sait jamais, la dernière fois qu’on voit les gens qu’on aime, que ce sera la dernière fois.

  

Johnny Hallyday - Amanda Sthers « Dans mes yeux »

Résume de l’éditeur : «La première fois que je suis monté sur scène, je ne voulais plus en redescendre.
La première fois que j'ai fait l'amour, c'était dans le hall de l'immeuble, à la va-vite, avec ma voisine de palier. La première fois que j'ai dit "papa", c'était en parlant de moi. La première fois que j'ai dit "maman", j'avais cinquante ans. La première fois que je suis mort, je n'ai pas aimé ça, alors je suis revenu.»

Mon avis : Affligeant ! Insipide, pleurnichard… Alors oui il parle de ses soucis, il « balance » mais c’est triste… De blessures, certes, mais le « Tout le monde il est méchant avec moi et avec ma femme », tout le monde il m’a exploité, tous les autres ils sont jaloux … faut arrêter le concert de gémissements… C’est bon … on a compris... exploité, trahi, attaqué…  C’est la cible de tous les profiteurs et des jaloux... et c’est mal écrit, plat… Jamais je ne regarderais Johnny de la même manière... Derrière les paillettes, l’amertume…

  Qiu Xiaolong « Cyber-China »

Résumé : L'inspecteur Chen enquête sur le décès du directeur du bureau du développement immobilier de Shangai. Peu de temps avant, une photo de lui en possession d'un paquet de cigarettes de luxe, emblème de l'argent facile, avait enflammé la toile. Lianping, une jeune journaliste, aide Chen dans sa mission.

Quatrième de couverture Harmonie et probité : à en croire les médias officiels, le modèle chinois est une réussite. Mais sur Internet, la colère des cyber-citoyens se déchaîne. Zhou, un cadre de la municipalité de Shanghai, est la cible rêvée de cette chasse à la corruption d'un nouveau genre. Une photo de lui en possession d'un paquet de cigarettes de luxe, emblème des Gros-Sous sans scrupules, enflamme la toile. Deux semaines plus tard, on le retrouve pendu. Suicide ? Assassinat ? Sous l'oeil vigilant des dignitaires du Parti inquiets du formidable mouvement qui agite le réseau, l'inspecteur principal Chen, aidé d'une jeune journaliste, plonge dans l'univers des blogs clandestins. Là où la censure rouge se casse les dents.
Cette huitième enquête du célèbre policier-poète pointe l'exaspération d'une population déterminée à retrouver sa liberté de parole face aux dérives d'un système clanique.

Mon avis : C’est un plaisir de retrouver Chen pour la 8ème fois. Toujours tiraillé entre police et poésie, toujours flanqué de sa Maman et de ses amis qui rêvent de le voir marié, toujours en compagnie de jolies femmes mais toujours pas en train de franchir le pas… Chen grimpe dans l’organigramme du pouvoir, mais il dérange beaucoup aussi. Autour de lui des morts suspectes. Chen enquête. Il ne laisse pas tomber, il va farfouiller là où il ne devrait sans doute pas. Heureusement il a des amis qui lui veulent du bien. Une fois encore un suspense, une enquêté sans violence, qui avance sans précipitation. Avec Chen on a le temps de penser, de réfléchir, de vivre, de gouter aux plaisirs de la littérature, de la bonne chair et des promenades. On avance dans l’enquête mais on découvre aussi la vie en Chine, sans concessions. J’en redemande !

OPINIONS ET COMMENTAIRES

  Bienvenue à la bibliothèque / discothèque

  Mes auteurs Coup de coeur

 "quelques citations"

   lectures 2005 

  lectures 2004

  lectures 2007

   lectures 2006

   lectures 2009

   lectures 2008

  lectures 2011 

  lectures 2010

  lectures 2012 

 lectures 2013 1er semestre

 lectures 2013 2ème semestre

citations et extraits des livres lus  

mes lectures 2014

  "Musique maestro"

 

 

 

 

   retour à Centres d'intérêts