Chevalier, Tracy «La dernière fugitive» (2013)

Chevalier, Tracy «La dernière fugitive» (2013)

L’Auteur : Tracy Chevalier est un écrivain américain habitant Londres depuis 1984 avec son mari et son fils. Elle s’est spécialisée dans les romans historiques.
Tracy Chevalier est née et élevée à Washington, DC, et son père est photographe pour le The Washington Post. Elle étudie à la Bethesda-Chevy Chase High School de Bethesda, dans le Maryland. Après avoir reçu son B.A. en anglais à l’Oberlin College, elle déménage en Angleterre en 1984.

Sa carrière d’écrivaine débute en 1997 avec La Vierge en bleu, mais elle connaît le succès avec La Jeune Fille à la perle, un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer.  Suivront Le Récital des Anges, La dame à la licorne, L’innocence, Prodigieuses Créatures, La Dernière Fugitive , A l’orée du verger (2016), Le Nouveau ( 2019) et la Brodeuse de Winchester (2020) 

Résumé : Quand Honor Bright se décide à franchir l’Atlantique pour accompagner, au cœur de l’Ohio, sa sœur promise à un Anglais fraîchement émigré, elle pense pouvoir recréer auprès d’une nouvelle communauté le calme de son existence de jeune quaker : broderie, prière, silence. Mais l’Amérique de 1850 est aussi périlleuse qu’enchanteresse ; rien dans cette terre ne résonne pour elle d’un écho familier. Sa sœur emportée par la fièvre jaune à peine le pied posé sur le sol américain, Honor se retrouve seule sur les routes accidentées du Nouveau Monde. Très vite, elle fait la connaissance de personnages hauts en couleur. Parmi eux, Donovan, « chasseur d’esclaves », homme brutal et sans scrupules qui, pourtant, ébranle les plus profonds de ses sentiments. Mais Honor se méfie des voies divergentes. En épousant un jeune fermier quaker, elle croit avoir fait un choix raisonnable. Jusqu’au jour où elle découvre l’existence d’un « chemin de fer clandestin », réseau de routes secrètes tracées par les esclaves pour rejoindre les terres libres du Canada.

Portrait intime de l’éclosion d’une jeune femme, témoignage précieux sur les habitudes de deux communautés méconnues – les quakers et les esclaves en fuite –, La Dernière Fugitive confirme la maîtrise romanesque de l’auteur du best-seller La Jeune Fille à la perle.

Mon avis : Elle fait partie des auteurs faciles à lire, qui rendent les personnages attachants, décrivent bien les époques et les mœurs. Ces livres sont bien documentés, j’aime sa manière d’entrer dans le sujet, que ce soit chez les peintres et dans la vie quotidienne des gens. Nous voici transportés dans l’Amérique du XIXème siècle. Le contexte du roman est l’abolitionnisme, la façon de permettre aux esclaves de s’échapper, les réseaux d’aide, le « chemin de fer clandestin ». Découverte aussi du monde des quakers et de leur religion rigoriste, des quilteuses et des différentes formes de broderie, des modistes. Une fois encore, comme dans les autres romans de Tracy Chevalier, la femme est à l’honneur ; la femme qui relève la tête, qui agit en fonction de ses convictions, qui se bat pour ses convictions intimes. J’ai beaucoup aimé aussi la façon dont la jeune fille se construit et s’affirme au fil des pages. Intéressante aussi la façon dont une jeune anglaise appréhende les Etats-Unis. Quand l’humanité, la solidarité et la conscience dépassent les frontières, la couleur de peau, la famille, la loi, la foi, et même la vie…

Extraits :

« Sacré bon Dieu, je suis contente de pas être quaker. Pas de whisky, pas de couleurs, pas de plumes, pas de mensonges… Alors qu’est-ce qui reste ?
— Pas de jurons non plus »,

On est moins distrait dans le silence, expliqua-t-elle. Le silence prolongé permet de vraiment écouter ce qu’il y a au fond de soi.

Une fois l’esprit libéré, on se retire en soi-même et on plonge dans une profonde quiétude. On éprouve alors une sensation de paix, et de puissante communion avec ce que nous appelons l’Esprit intérieur, ou la Lumière intérieure

Il y a différentes sortes de silence. Certains silences sont plus profonds et plus féconds que d’autres.

j’ai toujours adoré les arbres, mais ici ils foisonnent tellement qu’ils paraissent plus menaçants qu’attrayants.

Il y a tellement de mots et d’expressions que je ne comprends pas : je me demande quelquefois si l’anglais américain n’est pas une langue aussi étrangère que le français.

Les gants et le chapeau juraient avec sa maigre charpente et sa large carrure, tellement différentes de ces courbes dodues et de ces épaules charnues qui étaient à la mode. Si, par leurs rondeurs, les femmes aujourd’hui étaient censées ressembler à des cailles, Belle ressemblait à une buse…

Les compliments en Amérique peuvent prendre une forme presque agressive, comme si la complimenteuse pensait devoir justifier ses propres insuffisances plutôt que de se réjouir simplement du talent d’une autre.

Ce qui le rendait le plus attirant, c’était qu’il soit attiré par elle : l’intérêt d’autrui peut se révéler un puissant stimulant.

Les abolitionnistes ont plein de théories, mais moi je vis avec des réalités. Pourquoi je voudrais aller en Afrique ? Je suis née en Virginie. Pareil pour mes parents, mes grands-parents et leurs parents. Je suis américaine. Je raffole pas de l’idée qu’on nous expédie tous dans un pays que, pour la plupart, on connaît même pas. Si les Blancs espèrent juste se débarrasser de nous, nous flanquer sur des bateaux pour pouvoir être bien tranquilles, eh ben, moi je suis ici. C’est mon pays, et j’irai nulle part. »

l’air se trouve aussi peu renouvelé que notre conversation.

Ces petits détails quotidiens, voilà ce qui donnait leur consistance aux individus.

Quand un principe abstrait se trouvait impliqué dans la vie de tous les jours, il perdait de sa clarté et de son intransigeance et il s’affaiblissait.

l’Amérique est un pays jeune. Nous regardons en avant, pas en arrière. Au lieu de nous attarder sur les malheurs, nous préférons passer à autre chose…

C’est ça l’esclavage… vu qu’on te fait travailler, on peut pas te garder enfermé tout le temps. Un peu de patience, et tu trouves toujours l’occasion de t’enfuir.

il lui semblait contempler le rivage lointain d’une terre qu’elle avait aimée jadis mais qu’elle n’était plus aussi désireuse de rejoindre.

il y avait une case dans laquelle ma vie était censée se loger. Mais cette case m’a été confisquée et j’ai eu l’impression qu’il n’y avait plus de place pour moi. J’ai pensé qu’il valait mieux que je parte pour essayer de recommencer ailleurs. C’est ce que je me disais, du moins.

— Une notion très américaine, ça, de laisser ses problèmes derrière soi et de passer à autre chose…

Je suis en train d’apprendre la différence entre fuir quelque chose et fuir vers quelque chose.

 

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