Slocombe Romain «Avis à mon exécuteur» (2014)

Slocombe Romain «Avis à mon exécuteur» (2014)

L’auteur : Écrivain, photographe, cinéaste, peintre, illustrateur et traducteur, Romain Slocombe réconcilie depuis plus de trente-cinq ans le roman noir, l’avant-garde artistique et l’univers underground de la contre-culture américaine ou japonaise. Armé de son humour british, il aborde des sujets graves au fil d’intrigues minutieusement documentées. En 2011, son art romanesque est unanimement encensé et Monsieur le Commandant (« Les Affranchis », NiL) rencontre un grand succès critique et populaire : dans une impitoyable exploration de la noirceur de l’âme humaine, ce roman épistolaire fait revivre le Paris littéraire de l’Occupation sous la plume d’un vieil écrivain pétainiste, un antisémite tombé follement amoureux de sa belle-fille juive. Auteur de polars accompli (Mortelle résidence, Première station avant l’abattoir) et spécialiste incontesté de l’imagerie japonaise, Romain Slocombe occupe une place singulière dans le panorama littéraire français, loin du conformisme, dans une parfaite indépendance.

 

Résumé : Parce que la réalité dépasse toujours la fiction, il a fallu attendre Avis à mon exécuteur pour qu’un roman révèle enfin les plus extraordinaires secrets des renseignements soviétiques.

Lundi 10 février 1941, Washington, hôtel Bellevue. Un homme arrivé la veille est retrouvé mort d’une balle dans la tête, une arme près de lui. La police conclut au suicide. Nul ne sait encore que l’inconnu a été l’un des plus importants agents secrets des services de renseignements soviétiques, le témoin des pires conflits politiques du XXe siècle. Un suicide, vraiment ?…

En 1936, Victor rêve encore de la révolution mondiale quand il découvre l’emprise stalinienne sur la révolution en Catalogne – prisons secrètes dignes de l’Inquisition, assassinats de militants soupçonnés de trotskysme, trafics d’œuvres d’art. Malgré lui, il participe à l’élimination d’un transfuge soviétique, mais il est trop tard pour quitter les rangs ; l’époque est à la suspicion et aux purges. Tandis qu’à Moscou, les fonctionnaires du NKVD se défenestrent pour échapper à l’arrestation et aux tortures, Victor doit gagner Paris et honorer une mission : la traque de son meilleur ami et l’assassinat de la femme de celui-ci. En dépit des menaces qui pèsent sur sa propre famille, il refuse de commettre ce dernier crime. Désormais condamné à une exécution officieuse, le chasseur Krebnitsky devient gibier, ne pouvant plus compter que sur sa ruse et son talent de caméléon. Il reste un moment à Paris auprès du fils de Trotsky, sous la protection du gouvernement de Léon Blum, dans l’ombre des nombreux intellectuels français qui chantent les prodiges du socialisme russe. Puis il fuit aux États-Unis, une arme explosive en poche : le document secret prouvant la trahison et le « grand mensonge » de Staline. S’en servir signifie la mort. Pourtant, c’est la seule chance qu’il lui reste de sauver son épouse et son fils…

Vaste fresque au parfum de roman d’espionnage à travers l’Europe de l’Ouest et l’Amérique de la fin des années 1930, inspiré d’événements réels, comme l’affaire Ignace Reiss, Avis à mon exécuteur dénonce les ravages de l’infiltration, la lâcheté des gouvernements occidentaux de l’époque et l’embrigadement des plus grands esprits du XXe siècle : Louis Aragon, Elsa Triolet, Henri Barbusse, Romain Rolland, les Américains Dashiell Hammett et Lillian Hellman et l’Allemand Bertolt Brecht…

Mon avis : Le héros a vraiment existé. De son vrai nom Walter Krivitski (un juif des renseignements de l’armée rouge qui appartient à un groupe de communistes « moraux »). L’auteur a voulu parler des rapports entre un transfuge et son exécuteur. L’homme retrouvé mort est le point de départ véridique ; il est mort avec sa part de mystère car on ne sait pas si il a effectivement traqué son ami ou pas . C’est peut-être ce mystère qui permet de faire de ce témoignage un roman.

C’est une fiction qui raconte la vie et la mort de cet homme et de ses compagnons soviétiques.

La guerre d’Espagne coïncide avec le premier grand procès de Moscou. En 1936, le grands dirigeants bolcheviques sont traduits en justice et racontent. Cela ébranle les convictions et les certitudes des communistes, et surtout les communistes espagnols au moment ou la guerre d’Espagne commencent et on se rend compte que des atrocités se commettent en Espagne comme en Russie.

Le héros travaille dans les services secrets. La terreur règne car les arrestations sont totalement arbitraires. La peur est l’ambiance généralisée dans la vie, la police, l’administration…

Le héros est dans un hôtel et il pense toujours que les pas vont s’arrêter devant sa porte pour l’arrêter. Il y a des charniers à Moscou, des fosses d’exécutés. C’est la vie dans l’angoisse plus que dans la violence.

Alors oui l’auteur écrit un livre puissant, glaçant, documenté. On a l’impression de réel. Mais pour moi c’est plus un document sur l’espionnage et sur un espion en particulier qu’un « roman » d’espionnage ou autre. Ce n’est en aucun cas un polar pour moi mais un livre d’espionnage (ou même sur l’espionnage) ; j’ai eu l’impression de personnages réels et non pas de héros inventés. J’ai lu un remarquable documentaire, sans jamais avoir l’impression de lire un roman ou de l’attacher à un personnage. Il est effectivement parti d’un fait réel mais on n’a pas l’impression qu’il décolle du fait réel. C’est un livre d’ambiance plus que d’action pour moi. Les personnes sont véridiques, peu sympathiques. Et la masse de détails et d’information noie le côté roman pour en faire un livre historique sur la période.

L’interaction Russie/Espagne était déjà présente dans le magnifique roman de Victor del Arbol « toutes les vagues de l’océan » : là j’ai lu un roman avec références historiques mais un VRAI roman. J’ai lu également le livre de Montefiore « Sashenka» avec une héroïne attachante et en toile de fond la période des purges staliniennes. Dans les deux cas j’ai lu des ROMANS et non des documents sur une période de l’histoire. Alors magnifique pour la connaissance mais « inexistant » pour le côté roman…

J’ai eu du mal à le finir… le Stalinisme de surface tel que miroir aux alouettes pour l’Intelligencia européenne décrite dans toute sa cruauté, la description de la machine qui broie tous ses rouages, une immersion dans la NKVD ; l’ancien officier bourreau devient la victime, un récit fondé sur sa vraie vie: insoutenable par moments, la plongée dans l’Histoire, mais pour moi pas une «histoire» mais un documentaire. Et moi, j’ai besoin de ressentir quelque chose pour les personnages.. de l’amour, de l’amitié, de la haine.. là je n’ai rencontré personne…  J’ai parcouru  des références, des noms, des lieux…

 Extraits :

« Si on me trouve suicidé, c’ est que j’ aurai été assassiné. »

« Les cafés étaient fermés, les marchands de fleurs avaient plié bagage et les tramways ne roulaient plus. Je distinguai des silhouettes louches, ombres furtives se glissant le long des immeubles. Les volets fermés respiraient la peur. »

« Après des semaines de ce traitement, l’absence de sommeil émousse les sens, la volonté s’effrite, on ne sait plus distinguer la fiction du réel, et l’interrogé signera n’importe quelle confession afin que tout cela s’arrête et qu’on le laisse tranquille. »

« Au bout d’un certain temps, je remarquai ce qui ressemblait à une vieille enveloppe, sous mon fauteuil.

Elle paraissait chiffonnée et portait la trace de semelles de chaussures. Je me souvins de la nouvelle de Poe, La Lettre volée. Un message vital qui échappe aux perquisitions parce que, au lieu de le cacher, on l’a laissé en évidence, se contentant d’en modifier l’aspect pour lui donner celui d’un bout de papier sans intérêt. »

« J’observais ces militaires de carrière, que je savais de loyaux serviteurs de la révolution et du gouvernement. Ils étaient de toute évidence conscients de leur destin tragique. C’était la raison pour laquelle ils négligeaient de se saluer entre eux. Chacun se savait un prisonnier en puissance, voué à la mort et bénéficiant d’un mince sursis par la grâce du despote qu’ils avaient échoué à renverser. Les chefs de l’Armée rouge jouissaient ce matin-là d’un rayon de soleil et de liberté que la foule des spectateurs, des invités et délégués étrangers prenaient à tort pour la liberté véritable. »

« En moyenne, j’abats entre dix et vingt espions fascistes par jour42. Sans vodka, ce serait plus difficile. Il y a aussi un récipient d’eau de Cologne dont on s’asperge avant de repartir : cela camoufle un peu l’odeur de la poudre et du sang. Mais chez des amis, l’autre soir, leur chien s’est mis à gronder en me regardant, il a fallu qu’ils le retiennent de me sauter dessus. Les bêtes sentent ces choses, n’est-ce pas…

Je frissonnai. Même parfumé à l’eau de Cologne, V. sentait effectivement le meurtre.»

« Personne ne peut arrêter le cours de l’Histoire avec un pistolet… »

 

image : Leszek-Bujnowski

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