Garcia-Roza, Luiz Alfredo « L’étrange cas du Dr Nesse » (2014)
L’auteur : Luiz Alfredo Garcia-Roza est né à Rio en 1936 et, à l’instar d’un Camilleri, est venu au roman policier très tardivement. Philosophe et psychologue, il a enseigné la théorie psychanalytique pendant trente-cinq ans à l’université fédérale de Rio. Il est mort le dans la même ville.
Actes Sud a publié les enquêtes du désormais célèbre commissaire Espinosa : Le Silence de la pluie (2004), Objets trouvés (2005), Bon anniversaire, Gabriel ! (2006), Une fenêtre à Copacabana (2008), L’étrange cas du docteur Nesse (2010) et Nuit d’orage à Copacabana (2015).
Résumé : Dans son commissariat de Copacabana, Espinosa est confronté à l’une des plus troublantes affaires de sa carrière. Doit-il protéger un médecin poursuivi par un dangereux malade mental ? Ou un patient persécuté par un médecin paranoïaque ? Une chose est sûre : la mort ne saurait être un simple trouble psychique.
Mon avis : j’ai été entrainée dans cette histoire étrange… avec un sentiment de ne pas savoir ou je mettais les pieds… J’en suis ressortie tout aussi perdue… Machination ? Persécution ? Imagination ? En tous cas, le suspense est réel… mais que dire des personnages ? Un médecin psychiatre, un jeune homme, les deux filles du médecin, sa femme… Qui est normal, qui ne l’est pas ? un doute qui persiste tout au long de cette étrange histoire… que j’ai beaucoup aimée..
Extraits :
Et le temps n’a pas d’importance, quand on connaît déjà la fin de l’histoire.
De tous les handicapés, les malades mentaux étaient ceux qui le perturbaient le plus. Certains lui paraissaient comme des sortes de modèles défectueux, d’autres lui semblaient en revanche dotés de qualités exceptionnelles, comme si chez eux le défaut s’était transformé en excellence, une excellence pour le mal, soit, mais une excellence tout de même.
Le discours d’un dément est une fiction par laquelle il prétend exorciser le monde qui le menace. Cette fiction, en soi, peut être parfaitement logique, la seule chose qui lui manque, c’est une correspondance avec la réalité.
De temps à autre, il avait la nostalgie du matraquage des anciennes machines à écrire, remplacé par le son presque inaudible des claviers d’ordinateurs.
« Chaque fois qu’on me parle de mariage, je m’imagine un corset : j’ignore si c’est parce que c’est vieux, ou parce que c’est étouffant »
On aurait dit les employés d’un zoo moderne, ils regardaient les patients internés avec la même distance que les employés d’un zoo regardent des animaux.
Quand un fou dit qu’il est persécuté, son persécuteur peut être imaginaire, mais le sentiment de persécution est réel.
Région paisible, rue paisible, la maison de ses parents était pour lui un havre de paix. Paix, et non pas bonheur ni joie. Une paix triste, vide, morte. Là, la vie s’était mise en retraite.
S’il roulait doucement, ce n’était pas à cause de la circulation extérieure, moins intense à cette heure-là, mais de la circulation de ses idées qui, elle, était intense et confuse, et justement à cause de l’heure.
il croyait en une raison travaillant en silence, à son insu, il croyait que les lacunes et les ombres de la raison n’étaient pas des défauts, mais au contraire des qualités que le penseur ne reconnaissait pas toujours comme telles.
Il pensa que c’était lui, peut-être, qui était inhabité, et non pas l’appartement.
Elle n’avait pas perdu sa beauté, mais elle avait perdu son charme et son pouvoir de charmer, elle était devenue une femme diet, à ne recommander qu’aux malades
Il s’était toujours senti profondément envahi par le regard du malade mental, comme si ce dernier avait pu voir le médecin en dedans, parcourir l’intérieur de son corps, examiner chaque organe, chaque recoin de son intériorité corporelle ; d’autres fois, ce regard semblait le dépasser et voir au-delà, comme si, devant ce regard, le corps du médecin s’était dématérialisé et réduit à une brume transparente.
Tout partait en fumée… devenait comme lui. Léger.
Chaque masque levé ne révélait pas un visage plus authentique, mais un autre masque.