Garcia-Roza, Luiz Alfredo « Nuit d’orage à Copacabana » (2015) 245 pages

Garcia-Roza, Luiz Alfredo « Nuit d’orage à Copacabana » (2015) 245 pages

L’auteur : Luiz Alfredo Garcia-Roza est né à Rio en 1936 et, à l’instar d’un Camilleri, est venu au roman policier très tardivement. Philosophe et psychologue, il a enseigné la théorie psychanalytique pendant trente-cinq ans à l’université fédérale de Rio. Il est mort le 16 avril 2020 dans la même ville.

Actes Sud a publié les enquêtes du désormais célèbre commissaire Espinosa : Le Silence de la pluie (2004), Objets trouvés (2005), Bon anniversaire, Gabriel ! (2006), Une fenêtre à Copacabana (2008), L’étrange cas du docteur Nesse (2010) et Nuit d’orage à Copacabana (2015).

Actes Sud- Actes noirs – 04.02.2015 / 245 pages  – traduit par Sebastien Roy (Titre original : Espinosa Sem Saída 2006)

Résumé : Par une nuit d’orage, un indigent déguenillé gît dans une impasse, une balle en pleine poitrine. L’homicide d’un “sans-grade” est d’une banalité telle sous ces latitudes que la raison voudrait que l’affaire fût classée rapidement. C’est compter sans l’opiniâtreté du commissaire Espinosa qui s’emploie à élucider le mystère de ce meurtre sans arme, sans témoin, sans indice et sans mobile. Quelques jours plus tard, dans un immeuble huppé d’Ipanema, une jeune psychothérapeute est retrouvée morte sur son divan, entièrement dévêtue. Entre ces deux affaires, qu’«a priori» tout sépare, une toile de mystères alliant phobies, perversions sexuelles, schizophrénie, troubles psychotiques. C’est une simple sensation de vulnérabilité, ténue et inexplicable, qui met Espinosa sur la piste. Le commissaire-philosophe sait mieux que quiconque que dans la scène de crime se joue toujours une scène de l’enfance, avec son cortège d’expériences traumatiques.

Mon avis: Tout comme dans le tome L’étrange cas du docteur Nesse  tout est fondé sur le doute et l’intuition…
Le meurtre d’un vieux mendiant au fin fond d’une impasse. Le Commissaire Espinosa voit remonter ses souvenirs d’enfance, lui qui jouait avec ses amis dans ce quartier.
Bien vite deux personnes sont identifiées comme de potentiels témoins bien que rien ne les relie à la personne assassinée. Mais Espinosa fonctionne à l’intuition et quelque chose le pousse à ne pas classer l’affaire. Bientôt une autre personne va être retrouvée morte, qui se trouve être la femme de l’un des deux témoins… Il soupçonne un lien entre les deux affaires …
J’ai retrouvé avec plaisir Espinosa, ce commissaire atypique, amoureux des livres, tendre, humaniste et ce genre de polar doux que j’affectionne tout particulièrement, sans violence, sans grossièreté. Sa manière d’enquêter de manière informelle, en rendant visite aux protagonistes à l’improviste, en tissant des relations avec eux.  Et il démontre l’importance de la psychologie et de la psychiatrie pour résoudre les enquêtes de police. 

Extraits:

Le problème, c’est qu’ils posent des questions, mais suggèrent toujours d’une manière voilée que tu es coupable de quelque chose.
— Et ce n’est pas faux. Nous sommes tous coupables… Ou du moins, nous nous sentons tous coupables. De ce point de vue, ils ne sont pas très différents des psychanalystes et des prêtres. La différence entre être coupable et se sentir coupable peut être très subtile. 

l’oubli se transforme en fantôme qui nous hante.

Le trajet ne fut pas assez long pour qu’il pût développer comme il l’aurait voulu le raisonnement en cours, même s’il avait coutume de dire qu’il raisonnait rarement, mais laissait plutôt ses idées s’associer librement. 

Avant la rénovation qui avait fait des commissariats de police des commissariats réglementaires, les anciens totems – les armes à feu – avaient été échangés contre le nouvel objet totem – l’ordinateur – devant lequel tous rendaient hommage à la nouvelle divinité : l’Internet. Espinosa n’avait jamais été très doué pour les totems et avait toujours éprouvé une profonde indifférence envers les divinités de toutes sortes.

Les trous de mémoire introduisaient la dimension de la terreur : c’était une absence qui pouvait à tout moment devenir présence, surgissant de son for intérieur.

Quand la coïncidence est grande, méfie-toi de la coïncidence. 

Le soir était venu, et Espinosa laissait son imagination courir librement. De temps à autre, il en arrêtait le cours pour se pencher sur un aspect du dossier. Dans ces moments-là, il ne se souciait guère de la rigueur logique de ses pensées, doutant d’ailleurs sérieusement que ses pensées aient jamais obéi à la moindre rigueur logique ; ce qu’il faisait consistait à ouvrir la trappe qui donnait accès à la folie et à laisser les monstres venir au jour. Il renvoyait certains de ces monstres, connus de lui déjà et qu’il croyait avoir domptés, et en examinait d’autres avec plus d’attention. Et dans ce genre de situations, recourir à la folie pouvait être tout aussi efficace que recourir à la raison.

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