Auteur Coup de Coeur : SYLVIE GERMAIN
L’AUTEUR :
Née en 1954 à Châteauroux (Indre), Sylvie Germain a suivi dans les années 1970 des études de philosophie à la Sorbonne avec, entre autres professeurs, Emmanuel Levinas. Elle a rédigé un mémoire de maîtrise sur la notion d’ascèse dans la mystique chrétienne (Saint-Jean de La Croix, Sainte Thérèse d’Avila) et a obtenu un Doctorat de philosophie à l’université de Paris X-Nanterre.
En 1981, elle entre au Ministère de la Culture (direction de l’audiovisuel). Elle écrit des contes et des nouvelles. En 1984, Le livre des nuits, son premier roman, est récompensé par plusieurs prix ( le prix du Lion’s Club International, le prix du Livre insolite, le prix Passion, le prix de la Ville du Mans, le prix Hermès, le prix Grévisse.)
En 1986, elle part vivre à Prague. Elle travaille comme documentaliste et professeur de philosophie à l’école française de Prague pendant sept ans.
DECOUVERTE !
Je l’ai découverte dès la sortie de son « Le livre des nuits »… et j’ai ensuite dégusté son œuvre ( Vermeer). .. Pour moi son incontournable reste le « livre des nuits » mais « la chanson des mal-aimants », » Tobie des Marais », « la pleurante des rues de Prague »… enfin tous.. J’apprécie tout particulièrement le rôle des couleurs dans son œuvre. Il y a la violence des mots et des situations, en accord avec la couleur des ciels et de la terre, la lueur d’espoir avec encore des références à la lueur et la lumière..
Souvent à la frontière du roman, de la réalité et du conte fantastique, une écriture envoûtante, forte, et fluide à la fois. Un bijou
La revue de presse de Radio France
« Sylvie Germain ne s’embarrasse d’aucune métaphysique absconse. Son histoire se lit comme un conte, mélange de merveilleux concret et de sacré … En acceptant de plonger avec Tobie, en faisant confiance à l’auteur, à son affabulation mystique, on traverse un grand questionnement foisonnant. C’est cosmique et tenté par la grâce, ni plus ni moins ! (Patrick Grainville, Le Figaro, 11/06/1998)
Du passé au présent, Sylvie Germain soulève le poids qui pèse sur toute vie et en appelle aux anges pour l’aider. Suivant un sentier parallèle au livre de Tobie, elle prend sa liberté d’écrivain … Son génie, c’est l’image, la puissance évocatrice du trait qui en appelle à la peinture et fait que certaines scènes nous poursuivent longtemps après la lecture, continuent à vivre d’une vie propre, hors du roman. Sans doute est-ce là la marque d’un vrai romancier. Et le charme lourd de ce livre étrange. (Laurence Liban, Lire, 01/06/1998)
Avec son « Tobie des Marais », Sylvie Germain se livre à un exercice dont on connaît les difficultés dans la mesure où il a été souvent pratiqué. Du « Livre de Tobie », elle tire un roman. A la rugosité du texte biblique, ce que certains préféreront sans doute, elle substitue une grande envolée lyrique, un remarquable travail d’écriture … En refermant le livre, autant et davantage peut-être que la fable biblique ou l’éternelle histoire de l’innocent persécuté, ce qui demeure, c’est que l’imagination rencontre parfois des êtres rayonnants, nommés Déborah, Sarra, Tobie ou Raphaël. On se souviendra également qu’il est une région de France que Sylvie Germain porte dans son coeur : un bout du Marais Poitevin, de la côte vendéenne, avec l’océan qui s’y brise. Elle fait de ce lieu une sorte de ‘wonder land’ qui gratifie ses personnages d’une relation privilégiée avec les éléments, dont la raison raisonnante est impuissante à rendre compte. (Agnès Vaquin, La Quinzaine Littéraire, 01/06/1998)
Ne pas se tromper : ce « Tobie des marais », librement inspiré de la Bible, n’est pas un essai métaphysique mais d’abord un roman à lire d’un trait, simplement porté par les histoires qu’il enchaîne. Sylvie Germain, la conteuse des nuits, la guetteuse de grâce et d’immensités, sait aussi mener son monde. Cela dit, mieux que bien d’autres, elle parle du bien, du mal, du combat de l’homme et de son cheminement vers lui-même. Enfin, son univers poétique fait sourdre des ruisseaux d’eau claire. Et quand elle organise, dans un crépuscule doré, une cérémonie d’adieux entre une grand-mère et son petit-fils, elle touche au sublime. (Dominique Mobailly, La Vie, 14/05/1998)
Dès son premier roman, « Le Livre des nuits », Sylvie Germain avait exprimé la volonté de faire rompre ses digues à la réalité, afin d’opposer une symbolique et dérisoire barricade de mots à la démence d’un siècle où la barbarie, quelle que soit sa parure idéologique ou guerrière, a su trouver ses aises. Aujourd’hui, dans « Tobie des marais », un récit librement inspiré du livre de Tobie de l’Ancien Testament, la violence enrobée de douceur de cette romancière imprime son souffle à des personnages qui, pour la plupart, sont comme cernés par la mort. (Pierre Drachline, Le Monde, 08/05/1998)
Les personnages de « Tobie des marais » portent en eux la mort des autres … Deborah est juive polonaise. Après avoir perdu ses parents et son frère, elle s’installe au cœur du marais poitevin avec son mari, ses filles et ses petits-enfants. Mais la Première puis la Deuxième Guerre mondiales éclatent. Emportant son mari et ses deux filles. Et – pour beaucoup d’entre nous – Dieu … Deborah a quatre-vingt-treize ans quand le malheur frappe à nouveau les siens. A la suite d’une chute de cheval, Anna est retrouvée morte décapitée. Son mari Théodore, tétanisé par la douleur, est victime d’une attaque cérébrale. Deborah quitte sa maison pour s’occuper de son petit-fils Théodore et de son arrière-petit-fils Tobie … « Tobie des marais » est un roman enluminé par la grâce et la lumière. D’une écriture glacée dans sa beauté, Sylvie Germain raconte la marche d’un être et l’ébranlement d’une vie. Est-ce son plus beau roman ? Ses phrases semblent moins longues et plus pleines, moins recherchées et plus naturelles. Pour ce livre rempli de fulgurances et d’errances, elle s’est inspirée du récit biblique « Le livre de Tobie ». Il y a des visions envoûtantes et des personnages inoubliables. (Marie-Laure Delorme, Le Magazine Littéraire, 01/05/1998)
Il y a un orage au début du texte, qui balaye tout et donne à un conducteur fugitif « I’impression de rouler sur une terre tout à fait inconnue, irréelle presque », mais qu’il est obligé d’accepter puisque la pluie torrentielle ne lui demande pas son avis. Le lecteur ne sait pas encore qu’il est semblable à ce voyageur et qu’il adhérera sans réserve au cauchemar fantastique que la fée Sylvie Germain rend réel. Il y a une boule jaune sur la route, « comme si le soleil avait été précipité sur la terre », mais ce soleil est une roue de tricycle rouge, et un tout petit bonhomme de 4 ans pédale de toutes ses forces. Ce petit garçon, c’est Tobie, qui donne son nom au livre. Il recherche sa maman, « un mot magique, merveilleux… » … A présent, le mot ne fait plus rien apparaître. Le corps mort de sa mère, Anna, est assis sur le Voltaire du salon et son père, Théodore, a dit que la jeune femme était partie « au diable » … Ce n’est que le début du livre, dans le Marais poitevin peuplé d’oiseaux, et Sylvie Germain réussit à rendre tangible l’émotion de l’enfant et de son père. Elle relate l’histoire de Théodore et d’Anna, que vingt ans séparent sans que la différence d’âge ne soit un obstacle, et qui se sont rencontrés par l’intermédiaire d’une cabine téléphonique. Car le roman est réaliste, sinon il ne nous effrayerait pas. (Anne Diatkine, Libération, 30/04/1998)
Avec « Tobie des marais », Sylvie Germain livre son roman à la fois le plus mystique et le plus violent. Ce n’est pas une mince gageure que de déraper vers le surnaturel tout en restant pleinement, fortement romancière. Le titre, en référence à la Bible, prévient que l’histoire qu’elle entreprend de raconter a ses racines dans le ciel. Mais aussi ses pieds sur la terre, et comment ! englués dans la glaise, dans la boue des marais poitevins. Tobie pour la signification symbolique de l’intrigue, les marais pour la pâte dont celle-ci est pétrie … Une aïeule juive dont toute la famille a été massacrée, et les morts dissous ou abandonnés sans sépulture ; un accident de cheval qui décapite la cavalière ; une jeune fille marquée d’un sceau fatal, puisque les garçons qui s’en éprennent périssent l’un après l’autre dans des circonstances inexplicables : à cet amoncellement de crimes et de désastres fait à peine contrepoids l’apparition de Raphaël, plus ange qu’éphèbe, comme son nom l’indique. Il emmènera Tobie, arrière-petit-fils et rescapé de la famille juive, à la rencontre de Sarra/Sarah, la belle maudite, et par l’union amoureuse des deux jeunes gens adviendra la rédemption de cet univers de damnés. Mais encore une fois rien de facile, rien de mièvre dans ce parcours initiatique. (Dominique Fernandez, Le Nouvel Observateur, 23/04/1998)
Un soir de demi-brume à Nantes, Théodore a rencontré Anna. La jeune femme, de vingt ans sa cadette, « lui avait évoqué une longue flamme enclose dans la lanterne d’un phare ». En réalité, c’est dans une cabine de téléphone vivement éclairée que se tenait Anna. Fasciné, foudroyé, Théodore réussira à attirer l’attention de la jeune femme, à la faire rire : ils ne se quitteront plus. Jusqu’à la mort atroce d’Anna, l’amour nourrira de son inlassable invention la flamme fragile et quotidienne de leur échange. Sylvie Germain excelle à nous faire partager l’émotion des rencontres amoureuses. Dans « Tobie des marais », son écriture de ces moments privilégiés atteint quasiment à la perfection. Avant celle de Théodore et Anna, il y a dans ce roman aux saveurs étranges – âcres tantôt, tantôt douces-amères – d’autres belles retrouvailles … Sylvie Germain a choisi de faire travailler la pâte de son récit par le levain signifiant – proférant et proliférant – du Livre de Tobie de l’Ancien Testament. Ainsi, ce qui était écrit adviendra. Ainsi, Tobie rencontrera Sarra et la délivrera du destin mortifère qui la tient en esclavage. La référence délibérée au grand code narratif de la Bible donne au roman de Sylvie Germain une densité et une profondeur mystérieuses. Mais les pages les plus admirables sont celles où elle est parvenue à transcender ledit code, à le transgresser, en octroyant à ses personnages la liberté d’une éternelle actualité. D’une terrible modernité. (Jorge Semprun, Le Journal du Dimanche, 19/04/1998)
Sylvie Germain : Tobie des marais – (Folio 3336) Sous l’orage, un petit garçon file sur son tricycle. Il « va au diable », chassé par un père fou de douleur. Deux automobilistes l’aperçoivent et décodent progressivement cette apparition. Le ciel menace au-dessus : « La muraille tonna, comme un gong de désastre. Alors le schiste vira au violet-noir, puis il se lacéra. Une pluie torrentielle assaillit la terre. La visibilité tomba à zéro. » Plus loin dans le marais, Théodore, le père de Tobie, cherche désespérément la tête de sa femme Anna : « Le père pendant ce temps courait à travers champs, arpentait les chemins et fouillait les fossés, les buissons. Il ne prenait garde ni aux ronces ni aux fils barbelés qui déchiraient sa veste et lui griffaient les mains. »
Le livre s’ouvre comme une plaie, jure avec le paysage singulier du marais poitevin, lieu où « l’alliance entre les quatre éléments s’opérait en une si subtile et profonde harmonie. » Ces pages contiennent en germe la violence du chemin de l’enfant, qu’on suivra jusqu’au dénouement. Car Tobie des Marais est avant tout la relation d’un parcours, de l’enfance à l’âge adulte, de l’obscurité à la lumière des corps.
Sylvie Germain a suivi la trame biblique, adaptant librement Le Livre de Tobie. Le personnage reste un fantôme dans la Bible, une enveloppe en attente de contenu. L’écrivain parvient ici à lui modeler un nouveau souffle. Elle y insère cette pâte humaine qui colle aux parois internes et donne de l’épaisseur. Les épisodes du récit biblique sont respectés mais revisités. Tout est affaire de regard. Il est indispensable aussi, pour rendre proche, de ramener ces figures vers notre présent, de les ancrer dans l’histoire. Au fil du récit, on suit les pérégrinations de plusieurs générations, de la vague d’immigration polonaise vers les États-Unis à la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d’Algérie à mai 68. Ce mouvement de vies et de morts, d’inscription dans le temps, rythme chaque livre de Sylvie Germain, et son dernier roman ne fait pas exception à la règle.
L’écrivain s’attache à un être, en frôle un autre, puis tisse les liens progressivement entre eux. La structure romanesque suit les destinées, une à une. Les chapitres portent souvent le nom d’un seul. Sylvie Germain se révèle alors une fabuleuse portraitiste. On suivra par exemple Déborah, arrière-grand-mère de Tobie, femme qui « avait toujours tenu lieu de mémoire auprès des siens, vivants et défunts.. » dont le « séjour sur la terre semblait n’avoir ni commencement ni fin. ».
La douleur est là aussi, dans cette solitude qui peine à trouver un terme, dans la marche incessante des êtres qui ne finissent jamais de se déchirer. Car Ils son constamment tiraillés. En bas, il y a la terre, la famille qui retient, d’où l’on ne s’échappe pas sans mal. Plus loin, il y a la tentative de l’autre qui nécessite l’errance. Les personnages de Tobie des Marais sont tous en marche. Il n’est pas surprenant alors de les voir renoncer à la raison. Ils perdent la tête, confrontés à des situations extrêmes. L’image de la décapitation revient sans cesse chez Sylvie Germain. En 1997, elle avait consacré un ouvrage entier au sujet : Céphalophores (Gallimard).
Mais ce qui rend la voix incomparable, ce sont aussi les images puissantes charriées par l’univers de l’écrivain. Au fil des pages, Sylvie Germain met en place une réalité de rêve et révèle l’infini de l’humain. Dans la seconde partie du roman, l’ange Raphaël guide Tobie vers la fin de la douleur qui empoisonne sa famille, malédiction qui court depuis tant d’années, provoquant des morts atroces. Sylvie Germain montre alors comment l’homme peut parvenir à maîtriser le réel, à l’élargir aussi. Elle tient la bride d’un fantastique surgi d’une étonnante acuité du regard. Comme elle l’écrit dans un essai paru récemment sur un poète tchèque (Bohuslav Reynek à Petrkov, Christian Pirot), « Il faut regarder, regarder intensément et rêveusement le visible, pour voir vraiment, pour tout à la fois déployer et affûter sa vue et l’éblouir alors de visions, non pas de fantasmagories, d’hallucinations, mais d’images bien concrètes saturées de matière, de couleurs, de présence, et par là même infusées d’invisible, poreuses et résonnantes; ainsi le familier se révèle-t-il soudain puissamment insolite. »
A la lecture, on se laisse porter par une langue pulsée et envoûtante. Loin d’être transparente, l’écriture de Sylvie Germain se situe du côté de l’oral et du conte : « Mais un jour, il fut envoyé creuser la terre en un tout autre lieu où les éléments étaient hostiles aux hommes et les hommes ennemis entre eux, où il n’y avait ni vendredi ni dimanche, où la semaine était informe, le temps pulvérisé et les jours et les nuits indistincts. La boue des tranchées ne rougissait que du sang des hommes. »
Malgré tout, la seconde partie de Tobie des Marais reste moins convaincante que la première. On bascule dans le genre éprouvé du roman d’initiation. Tobie suivra un chemin sans surprise, ponctué de rencontres formatrices. C’est peut-être pour cela qu’une fois le livre refermé, on reste sur sa faim. C’est sans doute aussi parce que Sylvie Germain approfondit toujours le même livre. Elle tisse une oeuvre profondément humaine, incarnée et magique, dont Tobie des Marais n’est qu’une pièce.© Le Matricule des Anges, ses rédacteurs et LeLibraire.com
Liste de ses livres – avec les résumes :
- Le Livre des nuits (Gallimard, 1984), Prix du Lions Club International 1984, Prix du livre insolite 1984, Prix de Passion 1984, Prix de la Villew du Mans, 1984, Prix Hermès 1984 et Prix Grévisse 1984
- Nuit d’Ambre (Gallimard, 1987)
- Jours de colère (Gallimard, 1989) – Prix Femina 1989
- Opéra muet (Maren Sell, 1989)
- La Pleurante des rues de Prague (Gallimard, 1991)
- L’Enfant Méduse (Gallimard, 1992)
- Immensités (Gallimard, 1993)
- Éclats de sel (Gallimard, 1996)
- Tobie des marais (Gallimard, 1998)
- Chanson des mal-aimants (Gallimard, 2002), Grand Prix Thyde Monnier 2002 et Prix des auditeurs de la RTBF 2003
- Couleurs de l’invisible (Al Manar, 2002)
- Les Personnages (Gallimard, 2004)
- Magnus (Albin Michel, 2005) Prix Goncourt des Lycéens 2005
- L’inaperçu (Albin Michel, 2008)
- Hors champ (Albin Michel, 2009)
- Le monde sans vous (Albin Michel, 2011)- Prix Jean Monnet de Littérature européenne 2011
- Rendez-vous nomades (Albin Michel, 2012)
- Petites scènes capitales (Albin Michel, 2013)
- À la table des hommes (Albin Michel, 2015)
- Le vent reprend ses tours – (Albin-Michel, 2019)
- Brèves de solitude (Albin-Michel, 2021)
- La puissance des ombres (Albin-Michel) 2022
Essais littéraires:
- Les Échos du silence (Desclée de Brouwer, 1996), Prix de littérature religieuse 1997, rééd. Albin Michel 2006 puis 2021
- Céphalophores (Gallimard, 1997)
- Vermeer- Patience et Songe de lumière (Flohic, 1993)
- Bohuslav Reynek à Petrkov (Christian Pirot, 1998)
- L’Encre du poulpe (Gallimard Jeunesse, 1999)
- Etty Hillesum (Pygmalion Gérard Watelet, 1999, 2006)
- Cracovie à vol d’oiseaux (du Rocher, 2000)
- Mourir un peu (Desclée de Brouwer, 2000)
- Grande Nuit de Toussaint (Le temps qu’il fait éditions 2000)
- Célébration de la paternité (Albin Michel, 2001)
- Le vent ne peut être mis en cage (Alice, 2002),
- Songes du temps (Desclée de Brouwer, 2003)
- Préface à Gesualdo de Jean-Marc Turine(Benoît Jacob 2003)
- Ateliers de lumière (Desclée de Brouwer, 2004)
- Patinir, Paysage avec Saint Christoph (Éditions Invenit, 2010)
- Quatre actes de présence (Desclée de Brouwer, 2011)
- Chemin de croix (Bayard Centurion, 2011)
Le livre des nuits
Dans la collection Folio sous le n°1806 édité par Gallimard
Parti des confins de la terre et de l’eau, Victor-Flandrin Péniel, portant au cou les larmes de son père dont le visage fut sabré en 1870 par un uhlan, et toujours accompagné d’une mystérieuse ombre blonde, viendra s’établir dans un hameau perdu au bout du territoire et encerclé de forêts où rôdent encore les loups. C’est dans ces terres frontalières, par où la guerre sans cesse refait son entrée au pays, et dans la vie et la mémoire des hommes, que Victor-Flandrin, dit Nuit-d’Or-Gueule-de-Loup, prendra femme, par quatre fois, et engendrera une nombreuse descendance, toute marquée par la gémellité et la violence de la passion.
Bien des romans d’aujourd’hui s’emploient à nous montrer les hommes et les femmes broyés par l’histoire. Mais, avec ce récit, cette terrible réalité se transfigure aux dimensions du légendaire, du conte fantastique.
Nuit d’ambre ( suite du livre des nuits)
Dans la collection Folio sous le n°2073 édité par Gallimard
Le premier mort de l’après-guerre est un enfant, Petit-Tambour, tué dans la forêt aux cours d’un accident de chasse. Et cette enfance qui a perdu son corps se fera don, — un don obscur de douleur et d’espoir, aux vivants et aux morts à venir, ainsi qu’aux arbres. Un grand if se met en marche pour prendre racine sur sa tombe ; le tourbillon de .-baies que sèmeront ses branches emportera Pauline, là mère, et le père, Baptiste, s’effacera doucement au fil des larmes sans fin versées par son corps qui sans elle ne peut vivre. Alors le second fils, Charles-Victor, dit Nuit-d’Ambre, livré à l’abandon, se voudra habité par la colère et la haine. Le roman est l’histoire de son voyage au bout du mal jusqu’à ce que, comme Jacob dans la Bible, il soit enfin terrassé par l’Ange.
Après Le Livre des Nuits, Sylvie Germain nous offre ici une œuvre foisonnant d’épisodes étranges, dont chaque page semble traversée par un souffle d’Apocalypse et où, comme le dit Schelling, « la vérité redevient fable et là fable vérité ».
Jours de colère
Dans la collection Folio sous le n°2316 édité par Gallimard
Dans les forêts du Morvan, loin du monde, vivent bûcherons, flotteurs de bois, bouviers, des hommes que les forêts ont faits à leur image, à leur puissance, à leur solitude, à leur dureté. Même l’amour, en eux, prend des accents de colère – c’est ainsi par excès d’amour que Corvol, le riche propriétaire, a égorgé sa belle et sensuelle épouse, Catherine, au bord de l’eau – et la folie rôde : douce, chez Edmée Verselay qui vit dans l’adoration de la Vierge Marie ; ou sous l’espèce d’une faim insatiable, chez Reinette-la-Grasse ; ou d’une extrême violence, chez Ambroise Mauperthuis qui se prend de passion pour Catherine, qu’il n’a vue que morte, et qui s’empare de son corps, puis des biens de Corvol, enfin des enfants de Corvol. Il finira par perdre sa petite-fille Camille, le seul être qu’il ait jamais aimé, par excès d’amour, encore. ( Prix Femina 1989)
Opéra muet
Dans la collection Folio sous le n°2248 édité par Gallimard
Gabriel trouve la trace de ses désirs, de ses colères, de ses humeurs sur la façade du mur en vis-à-vis : une immense fresque représentant le Docteur Pierre. Il avait vu l’usure du temps œuvrer sur cette face. Auprès de ce visage, il avait appris la patience. La plus extrême des patiences : celle qui n’attend plus rien. Un jour on commence à démolir le mur. Son paysage mental alors se gangrène, puis se décompose. La pause éternelle s’annonce.
La pleurante des rues de Prague
Dans la collection Folio sous le n°2590 édité par Gallimard
« Cette inconnue, qui donc est-elle ? Une vision, elle-même porteuse, semeuse de visions. Une vision avare de ses apparitions. Elle ne s’est montrée que peu de fois, et toujours très brièvement. Mais chaque fois sa présence fut extrême. Une vision liée à un lieu, émanée des pierres d’une ville. Sa ville. – Prague. Jamais elle n’a paru ailleurs, bien que certainement elle en ait le pouvoir. Cette femme n’a ni nom, ni âge ni visage. Peut-être en a-t-elle, mais elle les tient cachés. Son corps est majestueux, et inquiétant. Elle est immense, une géante. Et elle boite fortement. »
L’enfant Méduse
Dans la collection Folio sous le n°2510 édité par Gallimard
Dans un village du Berry, une petite fille vit une enfance paisible au milieu des marais peuplés d’oiseaux, de crapauds et de fées invisibles, jusqu’à ce qu’un ogre survienne pour lui ravir son innocence, sa joie de vivre et sa bonté.
Immensités
Dans la collection Folio sous le n°2766 édité par Gallimard
Autour de Prokop Poupa, professeur de littérature réduit à l’état de balayeur dans les rues de Prague, évoluent quelques hommes et femmes marginalisés par la dissidence. Chacun, par dérision, imagine qu’un dieu Lare veille sur lui. L’un le situe dans sa cuisine, un autre sur le balcon, au grenier ou à la cave ; Prokop, lui, place son dieu Lare dans les cabinets qui deviennent un haut lieu de lecture, de méditation et de doutes. Arrive la révolution. Certains de ses amis retrouvent une place, voire de l’importance, dans la nouvelle société ; pour d’autres, il est trop tard. Prokop, lui, dérive hors de ce clivage entre l’ancien et le nouveau, il erre en solitaire dans les immensités du songe, de la folie humaine, et du silence de Dieu, jusqu’à s’échouer parfois dans des rêveries hallucinées sur la douleur de ceux qui ont été déchus du bonheur d’aimer, et plus encore sur le malheur de ceux qui ont été traîtres à l’amour. Toujours déambulant dans les rues de sa ville, entre le vides et l’espérance, Prokop ne sait plus rien sinon qu’il n’est rien, et ce constat est consentement ; il « offre ce rien dans les ténèbres », au fond desquelles peut-être gît l’inespéré.
Tobie des marais
Dans la collection Folio sous le n°3336 édité par Gallimard
Un petit garçon en ciré jaune roule sur son tricycle sous l’orage. On dirait un soleil miniature. On lui a crié « Va au diable ! » et il y file, chassé par le vent du malheur. Ce dernier a une longue histoire dans la famille de Tobie où tant de morts sont restés sans sépulture, jusqu’à sa mère qui, victime d’un accident, vient de perdre la tête, au sens propre du terme. Sur l’enfant à demi orphelin veille son arrière-grand-mère Déborah qui a traversé l’histoire du siècle et l’Europe, de sa Pologne natale jusqu’au marais poitevin. Elle est une passeuse à la fois de mémoire et d’espérance. Puis un autre ange gardien accompagnera Tobie devenu jeune homme, Raphaël le nomade, qui lui révélera la force de l’amitié, et aussi celle de l’amour, en lui faisant rencontrer Sarra qui porte sa beauté comme une malédiction. Mais Tobie parviendra à briser tous les sortilèges qui pesaient sur les siens. Pour raconter cette histoire de délivrance riche en merveilleux et en émotions, Sylvie Germain s’est librement inspirée du célèbre récit biblique, le Livre de Tobie.
Eclats de sel
Dans la collection Folio sous le n°3016 édité par Gallimard
Ludvik revient à Prague après onze années d’exil. A force d’être absent à lui-même et écoeuré de tout, il s’est perdu de vue et se sent fissuré de toutes parts. Lui qui était parti pour un exil sans héroïsme ni romantisme, juste par souci d’hygiène mentale, est revenu pour fuir une femme infidèle. Entretemps, il vivote. Il survit. Il fait des rencontres étranges … et tous lui tiennent des discours étonnants, tous lui parlent de sel, ce sel de la vie, des larmes et du sang … L’écriture est belle, les réflexions fortes.
Chanson des mal-aimants
Dans la collection Folio sous le n°4004 édité par Gallimard
La narratrice, abandonnée à sa naissance à la porte d’un couvent, vagabondera au fil des ans d’une place à l’autre, à travers la France. C’est comme si elle n’avait pas de vie propre, mais elle participe intensément à celle des autres et aux drames dont elle est le témoin, sondant toujours plus profondément les mystères du cœur et du corps humains en lesquels rôde si souvent la folie. Elle grandit dans les Pyrénées, chez la veuve d’un fusillé, parmi des enfants qui attendent en vain le retour de leurs parents chassés par la guerre, puis dans une auberge où l’on pratique un culte étrange et truculent de l’ours, ensuite dans un manoir où pèse un secret en forme de cruelle mascarade. Devenue adulte, elle est servante dans divers hôtels, dans un bordel champêtre, dans un bistrot de gare, puis à Paris où elle côtoie des gens insolites, parfois inquiétants, et où elle finit chanteuse de rue, attelée à un orgue de Barbarie. Dans la splendide sauvagerie des montagnes et dans celle, bien plus féroce, de la ville, elle ne cessera de creuser et de fortifier sa solitude, ainsi que son don de compassion. La façon dont l’auteur donne la parole à cette paria surprend par la beauté des images, la fulgurance des visions, la violence de certaines scènes, et l’on retrouve la magie de l’écriture et de l’imagination du Livre des Nuits et de Jours de colère.
Magnus
Dans la collection Folio sous le n°45444 édité par Gallimard
L’année de ses cinq ans, Franz-Georg est tombé gravement malade et la fièvre a consumé en lui tous les mots, toutes les connaissances fraîchement acquises. Il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est vide. Enfant oublieux et mutique, il doit tout réapprendre. Sa mère lui restitue son passé perdu en lui racontant l’épopée familiale par épisodes, comme un feuilleton aux multiples figures héroïques dont il est le personnage central. Ce faisant, elle le remet au monde une deuxième fois par la seule magie de la parole. Aussi séduisant que soit le récit des siens, il souffre pourtant aux yeux de l’enfant d’un défaut peu admissible : sa mère n’accorde aucune place à Magnus, son inséparable ourson au pelage râpé dont il émane une discrète et singulière odeur de roussi. Cette épopée est-elle véritablement la sienne ? Franz-Georg y réintroduit clandestinement l’oublié. D’un fragment l’autre, il reconstruit son histoire : il appartient à un peuple grandiose dont le pays est en guerre, son père exerce la profession de médecin au sein d’un grand établissement dont les patients accourent de toute l’Europe…
L’enfant, qui flotte dans un leurre magistral entretenu par sa mère, ne comprend rien aux événements qui l’entourent et vit candidement en marge du réel. Les adultes le déconcertent. Il ne comprend ni leurs préoccupations ni leurs joies, et encore moins les propos bizarres qu’il leur arrive de tenir. Pourquoi son père abandonne-t-il son uniforme et rase-t-il les murs ? Qu’est-ce qui les pousse à changer de nom, à quitter leur maison et leur cercle de connaissances ? Pour quelles obscures raisons son père s’enfuit-il un beau jour au Mexique ? Pourquoi lui, Franz-Georg Dunketal devenu Franz Keller, est-il envoyé en Angleterre auprès d’un oncle dont il n’a jamais entendu parler ? Pourquoi doit-il désormais s’appeler Adam Schmalker ? Jusqu’alors maintenu dans l’ignorance de presque tout, il découvre auprès de son nouveau tuteur la face cachée de ce Reich que célébrait sa mère et que son père avait servi avec une abjection zélée. L’âge des fables est révolu : la réalité le rattrape au collet. Incapable de se défaire du passé de son pays, il n’aura de cesse de reconstituer le puzzle familial et de percer le mystère des cinq premières années de sa vie. Si la violence de sa désillusion le confronte au mensonge, elle l’amène à l’intelligence critique et à la lucidité courageuse.
«D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire?»
Franz-Georg, le héros de Magnus, est né avant la guerre en Allemagne. De son enfance, «il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est aussi vide qu’au jour de sa naissance». Il lui faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu’on lui inventé et dont le seul témoin est un ours en peluche à l’oreille roussie : Magnus.
Les personnages
Dans la collection Folio (essai)
Un jour, ils sont là. Un jour, sans aucun souci de l’heure. On ne sait pas d’où ils viennent, ni pourquoi ni comment ils sont entrés. Ils entrent toujours ainsi, à l’improviste et par effraction. Et cela sans faire de bruit, sans dégâts apparents. Ils ont une stupéfiante discrétion de passe-muraille. Ils : les personnages. On ignore tout d’eux, mais d’emblée on sent qu’ils vont durablement imposer leur présence. Et on aura beau feindre n’avoir rien remarqué, tenter de les décourager en les négligeant, voire en se moquant deux, ils resteront là. Là, en nous, derrière l’os du front, ainsi qu’une peinture rupestre au fond d’une grotte, nimbée d’obscurité. Une peinture en grisaille, mais bientôt obsédante. Là, à la frontière entre le rêve et la veille, au seuil de la conscience. Et ils brouillent cette mince frontière, la traversent continuellement avec l’agilité d’un contrebandier, la déplaçant, la distordant. Là, plantés sur ce seuil mouvant avec la violence immobile et mutique d’un mendiant qui a jeté sur vous son dévolu et qui ne partira pas avant d’avoir obtenu ce qu’il veut
L’inaperçu (Albin Michel, 2008)
Les Bérynx : une famille ordinaire, avec son patriarche autoritaire, ses mères affairées, ses enfants fragiles, ses secrets non partagés et son lot de drames. Et il y a Pierre, qui vient de se greffer sur cette famille comme une sorte d’ange gardien dont on ignore presque tout, homme à tout faire, mais aussi à tout défaire. Jusqu’au jour où il disparaît sans laisser d’autres traces que les brèches qu’il a ouvertes en chacun.
Roman des origines autant que de la construction de soi, « L’Inaperçu » , comme « Magnus » , fait coexister le plus sombre de l’Histoire et des tragédies individuelles avec l’imprévisible, la puissance de l’imaginaire, les rêves les plus fous, tout ce qui échappe à l’emprise du temps et permet d’inventer son destin.
Critique sur le site de Télérama: 30 août 2008
Un homme, des femmes. L’auteur entrelace petits riens et grands destins.
ça pourrait n’être qu’une énième – mais passionnante, mais haute en coups de théâtre – saga de provinciale famille française de 1945 à aujourd’hui ; sauf que s’y mêle une fois encore la magie « Germain ». Cet art d’ensorcelante conteuse habile à conduire son intrigue en rusé Petit Poucet, caillou après caillou, et à y mêler, en prêtresse inspirée, sa pincée de doutes, de métaphysique, de fantastique, de folie. Sylvie Germain n’aime pas le mot « mystique » – «si souvent galvaudé », écrit-elle dans L’Inaperçu. Pourtant, chacun de ses romans reste tissé du mystère de l’absolu comme du néant, du plein et du vide, de l’éternité et de l’instant, hanté d’une soif inextinguible. Ici, c’est un homme à tout faire apparemment venu de nulle part, le taciturne Pierre, qui conduit toute une bourgeoise lignée à sortir d’elle-même, à flirter avec le rien, et se réinventer jusqu’à l’illumination, incarnée par la référence constante au peintre abstrait américain Mark Rothko (1903-1970).
Du grand artiste abstrait rongé par la quête de la vérité, Sylvie Germain a préservé la matière même : son récit est construit de grand à-plats narratifs de couleurs vives d’abord, puis de plus en plus sombres, et aux frontières de plus en plus imprécises. Jusqu’à la paradoxale lumière finale, l’inattendue espérance cardinale. Car la romancière se plaît à mêler les genres, la petite comme la grande Histoire, l’intime et le public, le grotesque et le tragique. De l’odyssée dramatique d’un billet de loterie gagnant à une saisissante mort par fou-rire, de la gamine qui se prend pour un arbre à la vieille fille qui vient caresser pendant leur sommeil les jeunes garçons, L’Inaperçu multiplie dans un jaillissant flot d’écriture scènes étranges et paraboles. Y dominent surtout de vénéneuses et magnifiques portraits de femmes : Sabine, veuve volontaire, chef de famille et d’entreprise trop courageuse pour être vraiment lisse, Marie, sa fille estropiée et imprévisible, Edith, sa belle-soeur solitaire, Céleste, la femme autrefois tondue pour avoir aimé du mauvais côté. Toutes ont aimé, souffert, en sont mortes ou ressuscitées. Et toutes ont tenté à leur manière d’arracher à l’oubli des destins qui auraient dû passer sans laisser de traces. Des gardiennes d’« inaperçu », ces trésors cachés de toute vie que Sylvie Germain avec émerveillement et tendresse fait admirablement observer, écouter. Respecter.
Mon avis : Une fois encore Sylvie Germain me charme. Toujours cette ecriture qui joue avec les lumières, les couleurs et les sons… On passe des couleurs chatoyantes aux tons de la grisaille… toujours les thèmes de l’enfance, de la recherche de son passé, de la recherche de son passé. des douleurs et des souffrances de l’enfance bafouée et enfouie…
Et le thème de l’arbre est merveilleusement présent.. il en devient par moments un vrai personnage.. les racines de l’être…
Hors champ (Albin Michel, 2009)
En l’espace d’une semaine, Aurélien, un homme ordinaire, va progressivement disparaître. Il est de plus en plus hors champ, perdant jusqu’à sa voix, son odeur et son ombre. Au fur et à mesure de cette genèse à rebours, il sort aussi de la pensée et de la mémoire des autres, même de ses proches. Cet effacement intensif s’opère au grand jour, dans l’agitation de la ville, à l’aune de tous ces naufragés qu’on ne regarde plus et qui ne comptent pour personne.
Mon avis : Alors si vous n’avez pas le moral, ce n’est pas le moment de le lire.. mais il est magnifique. et d’une telle écriture…
Un être devient de plus en plus invisible et de plus en plus seul….. Le regard des autres lui passe au travers, il n’est plus personne… il devient transparent.. Et pourtant , il existe.. mais existe-t-il ?
Le monde sans vous (Albin Michel, 2011) – Prix Jean Monnet de Littérature européenne 2011 : voir article complet
« Chacun recèle dans son imaginaire un atlas amoureux qu’il compulse selon sa fantaisie. Un atlas amoureux est forcément extravagant, illustré de cartes et de planches qui ne respectent pas toujours la bonne échelle. C’est un imprécis de géographie passionnelle. »Que le voyage soit dans l’espace, la Sibérie en transsibérien jusqu’à Vladivostok, ou dans le temps, le souvenir des êtres chers et disparus, Sylvie Germain, par la puissance et la beauté des images qu’elle évoque, nous en fait partager l’émotion, la force des sentiments, l’aura des légendes qui le nimbe et la fragilité de toute existence.
Rendez-vous nomades (Albin Michel, 2012)
« Qu’en est-il de « Dieu » ? Est-ce une invention, et si oui, de quel type: une œuvre géniale créée par l’imagination humaine, une découverte insoupçonnée, inimaginable, opérée par voie de révélation, une pure fiction construite sur fond de peur et de désir, un mensonge phénoménal concocté pour les naïfs? On peut opter pour une signification unique et s’y tenir sa vie durant, ou migrer d’un sens à un autre au fil du temps. On peut aussi déambuler sans fin, en zigzag et en spirale, autour d’une seule signification qui s’impose plus troublante et magnétique que les autres, pour l’interroger, encore et encore. Et si celle-ci, aussi sapée, criblée de doutes, de points critiques et de pénombres soit-elle, coïncide avec les données de la religion reçue en héritage par voie du hasard de la naissance, alors ce hasard se transforme progressivement en aventure, et l’aventure en destin, à force d’être sans cesse relancée, poursuivie. »
Petites scènes capitales (Albin Michel, 2013) : voir article complet
«L’amour, ce mot ne finit pas de bégayer en elle, violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard.»
À la table des hommes (Albin Michel, 2015) : voir article complet
Son obscure naissance au cœur d’une forêt en pleine guerre civile a fait de lui un enfant sauvage qui ne connaît rien des conduites humaines. S’il découvre peu à peu leur complexité, à commencer par celle du langage, il garde toujours en lui un lien intime et pénétrant avec la nature et l’espèce animale, dont une corneille qui l’accompagne depuis l’origine. À la table des hommes tient autant du fabuleux que du réalisme le plus contemporain. Comme Magnus, c’est un roman hanté par la violence prédatrice des hommes, et illuminé par la présence bienveillante d’un être qui échappe à toute assignation, et de ce fait à toute soumission.
Le Prix mondial Cino Del Duca 2016 a été décerné, lundi 18 avril, à Sylvie Germain pour l’ensemble de son œuvre. Le Prix mondial Cino Del Duca, attribué chaque année à un auteur de langue française dont l’œuvre constitue, sous forme scientifique ou littéraire un message d’humanisme, est le deuxième prix littéraire le plus doté, derrière le prix Nobel de littérature.
Le vent reprend ses tours – (Albin-Michel 2019) :
C’est un avis de recherche collé sous un abribus qui va bouleverser la vie de Nathan. Gavril, le vieil homme disparu, a sauvé son enfance de l’ennui et de la solitude auprès d’une mère taciturne en l’entraînant dans les rues de Paris et en l’enchantant de poésie et de fantaisie. Trente ans plus tard, Nathan mène une vie fade et morose que ce soudain rappel à l’enfance et aux silences maternels fait éclater.
Lui qui n’a jamais voyagé se rend en Roumanie dont il ignorait que Gavril y avait vécu les drames de la guerre puis les grandes purges de l’après-guerre. Ce voyage vers l’ami saltimbanque rescapé de terribles épreuves mais qui avait su garder une magnifique ardeur à vivre, va l’ouvrir à une pleine liberté.
Brèves de solitude (Albin-Michel, 2021) :
Des passants se croisent dans un square, s’observent, se jaugent furtivement. Quelques jours plus tard, forcés à la réclusion, ils se trouvent confrontés à eux-mêmes, à leur vie intérieure et à la part d’inconnu, de vide ou de chaos qu’elle recèle.
Un soir de pleine lune qui transforme le ciel au-dessus de la ville confinée en un miroir étrange, l’ordinaire des êtres se renverse en extraordinaire et chacun sent sa vie vaciller.
C’est en remarquable observatrice de ses contemporains que Sylvie Germain nous convie à cette valse mélancolique, éphémère constellation de vivants, où le tragique se mêle à la tendresse et à la dérision, le vertige de l’esseulement à la force de l’amitié.
La Puissance des ombres (Albin-Michel, 2022) :
Pour fêter les vingt ans de leur rencontre au bas des marches du métro Saint-Paul, Daphné et Hadrien ont organisé une soirée à thème : chacun de leurs amis doit porter un déguisement évoquant une station de métro. Mais la fête tourne au drame. L’un des invités tombe mystérieusement du balcon et se tue. Et quelques mois plus tard, c’est au tour d’un autre convive de se rompre le cou en dégringolant des escaliers. Qui sera le suivant ?Quel est le lien entre la fête, les convives, les serveurs qui officiaient, et notre intense désir de réparation ?
Dans ce très beau livre, rythmé comme une partition, Sylvie Germain nous fait peu à peu pénétrer dans le cœur des ténèbres de l’homme. Elle nous rappelle ici plus intensément que jamais que le désespoir n’exclut ni l’espérance ni la consolation.
Il manque beaucoup d’articles car j’avais lu les livres avant la création du blog …
Site sur Sylvie Germain avec les résumés de ces œuvres : http://www.farum.unige.it/francesistica/pharotheque/sylviegermain/Resumes.htm
One Reply to “Auteur Coup de Coeur : SYLVIE GERMAIN”
Tu as fait un remarquable travail sur l’oeuvre de Sylvie Germain que j’aime beaucoup aussi .J’ai lu plusieurs de ses livres .
C’est bien qu’elle soit récompensée pour l’ensemble de ses écrits .