Lapaque, Sébastien «Théorie de la carte postale» (02.2014)
Résumé : Qui sinon Sébastien Lapaque pour exalter l’usage de la carte postale comme geste poétique autant que comme art de vivre et d’être au monde ! Sa Théorie offre une brillante et irrésistible promenade sensible dans l’esprit, l’histoire et la pratique de correspondances électives dont le charme agit toujours sur notre ère électro-numérique.
Mon Avis : Une petite merveille. Et qui me correspond tellement. En effet à l’ère du numérique, un mail ou un texto ont remplacé la merveilleuse carte postale. Et je le regrette tellement. Sébastien Lapaque redonne toute sa poésie à la carte postale. Ces petits mots du quotidien, ces avis de tempête et de météo, ce clin d’œil au passé, aux couleurs, aux citations. Comme je regrette de ne pas voir plus souvent ce petit rectangle avec une écriture amie en relevant le courrier. Un clin d’œil du bout du monde ou du coin de la rue, qui dit « j’ai pensé à toi : j’ai choisi une carte, j’ai écrit un mot, j’ai cherché un timbre et une boite aux lettres ». J’aime les anciennes cartes postales, leur pouvoir d’évocation. J’aime regarder les cartes que j’ai envoyé à ma Maman et celles que j’ai reçues.. Tout le pouvoir d’évocation de l’image, les mots en plus.. Et un grand merci à la critique de mon amie virtuelle suizo-belge, qui m’a permis de ne pas passer à coté de ce petit opus d’une centaine de pages qui allie charme et tendresse.
Extraits :
… l’image de son livre était encore un peu floue. Il en possédait la mélodie, mais en cherchait l’harmonie
Il voulait les évoquer à l’imparfait, ce temps dont l’avant-hier est profond et l’avenir dure longtemps, un temps inachevé et ouvert – j’aimais les cartes postales, j’en écrivais, j’en recevais.
Avec ses cartes postales reproduisant des paysages choisis et ses mots écrits au recto, il voulait réinventer un présent plein de lendemains
…on n’écrivait pas des cartes postales avec des idées mais avec des mots, de jolis mots de tous les jours.
Lâcher les mots trois par trois pour commencer, comme des fusées multicolores dans le ciel de juillet. Rêve. Joie. Lumière. Joie. Soleil. Souvenir.
les mots avec lesquels on écrit des cartes postales sont des mots d’allégresse et de féerie, des mots bleus, des mots légers, des mots qui montent vers le ciel comme des bulles de savon et s’en vont taquiner les nuages.
Une correspondance à découvert… Ces mots avaient naturellement frappé son imagination. Et l’avaient obligé à en convenir : qu’on exprime l’amour ou la haine, son orgueil ou son dépit, sa révolte, son anxiété, sa sérénité, son agacement, son admiration, sa confusion, sa curiosité, son éblouissement, son euphorie ou sa délivrance, lorsqu’on le fait sur une carte postale, on le fait de manière publique et assurée. C’est l’essence même de la chose.
Certains jours, songeait-il en faisant tourner son crayon entre ses doigts, écrire une carte postale consistait simplement à poétiser le calendrier et la météo. “Août, soleil rouge”, “Février, lune froide”, “Avril, grand vert”, “Octobre, mystère bleu”.
Il n’avait pas envie de vivre le présent comme un souvenir.
On cherche le bonheur dans les affaires du monde et on le trouve dans une chaise longue
Un coup de soleil n’est souvent qu’un excès de gourmandise
Et il y avait le timbre, le timbre collé avec de la salive, dépositaire du souffle de l’expéditeur. Comme un baiser
Il aimait donc les cartes écrites avec la main par des gens ordinaires dont on avait tout oublié, des hommes et des femmes dont les os avaient blanchi dans leur cercueil, dont la tombe elle-même avait disparu sous la poussière, mais dont restaient les cartes postales – mieux qu’un souvenir, une aura
Écartelé entre le sommeil et la veille, il ne savait plus s’il devait vivre pour continuer à songer ou songer pour continuer à vivre
One Reply to “Lapaque, Sébastien «Théorie de la carte postale» (02.2014)”
C’est vrai qu’il y a de moins en moins de cartes postales… j’en envoie toujours quand je pars en vacances à l’étranger l’été, mais beaucoup moins qu’autrefois. Quand j’étais plus jeune, j’en envoyais parfois plus d’une dizaine à la fois ! Le temps que ça prenait ! 😉 Mais c’était charmant d’en recevoir en retour.