Willocks Tim «Les douze enfants de Paris» (05/2014)

Willocks Tim «Les douze enfants de Paris» (05/2014)

Deuxième opus de la trilogie Mattias Tannhäuser ( le premier tome est « la Religion » )

Résumé : 23 août 1572. De retour d’Afrique du Nord, Mattias Tannhauser, chevalier de Malte, arrive à Paris. Il doit y retrouver sa femme, la comtesse Carla de La Pénautier, qui, enceinte, est venue assister au mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. À son arrivée, Mattias trouve un Paris en proie au fanatisme, à la violence et à la paranoïa. La tentative d’assassinat contre l’amiral de Coligny, chef des réformistes, a exacerbé les tensions entre catholiques et protestants. Introduit au Louvre par le cardinal de Retz, Mattias se retrouve bientôt au cœur des intrigues de la Cour et comprend très vite que le sang va couler dans les rues de Paris. Dans une capitale déchaînée, où toutes les haines se cristallisent, Carla est impliquée au même moment dans une terrible conspiration. Plongé dans un océan d’intrigues et de violences, Mattias n’aura que quelques heures pour tenter de la retrouver et la sauver d’un funeste destin. Tim Willocks est sans aucun doute l’un des plus grands conteurs de notre temps.

Mon avis : Que fait-on quand on arrive à Paris et que votre femme sur le point d’accoucher, disparait au cours plus grand massacre de l’histoire de l’Europe ? Et que fait-on des enfants qui vont croiser votre vie pendant les 2 jours que dure la recherche de votre femme ? Un roman à deux voix ; celles de Carla et Mattias ; le contraste entre les attitudes masculine et féminismes (des voix de plusieurs femmes de tous les âges) La violence des massacres est une attitude masculine et politique. Le pouvoir, la haine. La façon de gérer cette période, de concevoir la vie et la survie ; le prix de la survie est différent que l’on soit homme ou femme, que sommes-nous prêts à défendre, à sacrifier de nous-même pour survivre ? Le thème de l’enfermement et de la nécessité d’affronter ses limites est un thème récurrent dans l’œuvre de l’auteur. La prison représentée par Paris est un élément important de l’histoire ; on ne peut pas en sortir, les portes de la ville sont fermées … comme on ne pouvait pas sortir de Malte dans le roman précédent. Paris est un personnage à part entière dans le livre. Ici c’est une description dure et difficile de la ville, de ses quartiers, de la vie de l’époque. La structure sociale de l’époque est extrêmement bien rendue.

Sanglant mais pas « gore » En même temps, la nuit de la Saint-Barthélemy, ils n’avaient pas fait dans la dentelle ! C’est un des épisodes les plus violents de l’histoire de France et je dois dire que le souffle de l’histoire m’a emporté au travers des 1000 pages qui sont passées à la vitesse de la rapière… J’ai l’impression de replonger dans les Alexandre Dumas, de mettre mes pas dans ceux du bandit Cartouche (quelques années auparavant, je reconnais) et là c’est Cocagne. J’aime la façon dont Willocks décrit l’Histoire ; sous pression, en « huis clos », avec un grand souffle épique… . C’est bien documenté, pas de temps mort, des personnages touchants et charismatiques, les personnages de « la religion » que j’ai eu plaisir à retrouver. Sa connaissance des lieux, des événements est impressionnante et les complots sous-jacents m’ont bien plu. Alors oui, ce n’est pas à l’eau de rose, mais assez étonnamment cela ne m’a pas dérangé outre mesure car je savais que le massacre de la St Barthelemy était monstrueux. Mais il exagère quand même un peu dans les descriptions de la folie meurtrière dans le dernier quart du livre – beaucoup de sang qui n’apporte pas vraiment grand-chose.

Mais une très nette préférence pour « La Religion » car c’est nettement moins violent et l’histoire nettement plus intéressante.

Je conseille de lire l’article sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_la_Saint-Barth%C3%A9lemy

et vous comprendrez que si on souhaite coller au contexte, le coté fleur bleue serait déplacé…

 

Extraits

…il y avait un profond épuisement en elle, mais aussi les tisons d’une force naturelle qui devait avoir été formidable, jadis

Le temps est un conte de fées

Pourtant, les saisons tournent. – Ah, elles tournent ! Comme le font les étoiles, comme une roue sans s’arrêter. Elles ne connaissent ni mois, ni année, ni commencement, ni fin, parce qu’il n’y a pas de fin. Il n’y a que ce qui vient après. Combien de temps dure un rêve ? Ou un souvenir ? Ou une étreinte ? Et si on ne peut pas répondre à ça, comment pourrons-nous dire combien de temps dure une vie ? Sans parler de la Vie Elle-même ?

Vous disiez que le temps était un conte de fées, mais le temps n’est-il pas une condition de notre existence de mortels ?

la barbarie et la corruption ne sont que les deux côtés de la médaille du royaume de l’homme.

Des notes à l’abandon volaient avec elle, provenant d’elle ne savait où. Elles soufflaient à travers son être en bouffées tournoyantes, comme des océans gaspillés, comme des bourgeons tombant, de la grêle, des colombes effrayées ; comme des coups de tonnerre

Mais tuer est un pont qu’on franchit dans une seule direction. Il n’y a pas moyen de revenir de l’autre côté, pas seulement dans cette vie, mais dans toute l’éternité. Mon conseil est de ne pas souiller ton âme avec un meurtre. Tu le regretterais probablement plus que l’inverse.

– Ce qui arrivera n’est pas important – car ce qui arrivera est la Vie Elle-même, et elle ne danse que sur ses propres airs. Ce qui importe, c’est comment nous prenons part à ce qui arrive, la manière dont nous en faisons un futur plutôt qu’un autre. Si nous écoutons ce que nous avons été et ce que nous sommes aujourd’hui, notre âme peut nous montrer ce que nous pouvons être et mieux nous préparer à ce qui adviendra – ou pas – dans le futur. »

…fabriquer un livre mensonger est un acte plus honteux que le meurtre. Je n’imprimerais jamais quelque chose qui ne soit pas vrai

Il sentit une vague monter dans sa poitrine, une lame venue du fond de l’océan trouble du sentiment, dont les cartes n’ont jamais été tracées et sur lequel il naviguait rarement. Il avait perdu trop de ceux qu’il avait aimés. Il avait perdu trop du meilleur de lui-même

Il vit son besoin. Son besoin n’était pas de vivre ; elle se souciait comme d’une guigne de seulement vivre ; et en cela il la suivait complètement. Son besoin était d’appartenir

La justice était une illusion ; la vengeance n’était pas un élixir, mais un poison. Traquer et punir ses assassins ne réconforterait que lui, et encore, brièvement. Pouvait-il vivre sans ce réconfort

Ce que nous voyons du dehors est la floraison de la maladie dans l’arbre, dans le bois qui grandit, dans la sève

Seul un idiot se serait encombré de ces notions de bien et de mal ; il fallait être bercé d’illusions pour vivre selon ces principes. Mère Nature ne tenait compte ni de l’un, ni de l’autre. Dans son grand livre intemporel, bien et mal comptaient moins que les pluies et les vents qui les faisaient naître. Pour lui, comme pour la pluie et le vent, aujourd’hui seul comptait.

3 Replies to “Willocks Tim «Les douze enfants de Paris» (05/2014)”

  1. Pour moi ,  » la religion » est un de mes livres préférés parmi les dix que j’emménerai sur une île déserte ( à propos quels 10 livres emmeneriez -vous avec vous sur une île déserte ?)et pourtant je n’aime pas du tout sang et violence à tour de bras!mais je trouve que le tome 2 de la trilogie ne lui arrive pas à la cheville! Bien aimé le commentaire de Catherine !

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