Auci, Stefania « Le triomphe des Lions » – La Saga des Florio (2022) tome 2 – 432 pages

Auci, Stefania « Le triomphe des Lions » – La Saga des Florio (2022) tome 2 – 432 pages

Autrice :
Née à Trapani mais Palermitaine de cœur, Stefania Auci est enseignante. Elle écrit depuis des années et a publié un roman historique en 2015, Florence, avant d’entreprendre la saga des Florio. Les Lions de Sicile est son premier roman traduit en français.

La saga des Florio : Les Lions de Sicile  (tome 1) – Le triomphe des Lions (tome 2) – Les Lions en hiver (tome 3)

Albin Michel – 02.05.2022 – 432 pages – traduit par Renaud Temperini

Résumé :

De la toute-puissance aux premiers tourments,  la saga passionnée d’une dynastie sicilienne.
La famille Florio règne désormais sur la Sicile. À Palerme, elle possède palais, usines, bateaux, soieries. On l’admire et on les craint.
Mais la gloire demande efforts et sacrifices. Si Ignazio, qui a succédé à son père, pousse ses ambitions au-delà de la Sicile, son fils et futur héritier sait que le sang des Florio ne lui suffira pas: il lui faut la force des bâtisseurs. Sera-t-il capable de prendre les rênes de l’empire dont il porte le nom?
Tandis que père et fils s’affrontent, leurs épouses, dans l’ombre, sentent que la fortune peut se briser sous les coups du destin, et que les hommes, eux aussi, sont fragiles.

Numéro 1 des ventes en Italie, véritable phénomène, la saga de Stefania Auci est la fresque tragique et intime de l’Italie du Sud.

Mon Avis:

J’ai retrouvé avec plaisir les Florio. Ignazio Florin Senior vit ses derniers moments, en compagnie de sa femme Giovanna. Comme pour son père avant lui, c’est la Maison Florin d’abord, la famille ensuite. Surtout que contrairement à son père, il a fait un mariage de raison, d’alliance, pour être adoubé par la noblesse. Il avait renoncé à l’amour pour poursuivre le rêve de son père. Il a beau respecter sa femme, son amour de jeunesse, la jeune marseillaise Camille n’a jamais été oubliée, même si il n’envisage pas de tromper sa femme. Camille est là, dans son coeur et Giovanna se ressent, avant m^me d’en avoir la confirmation, ce qui empoisonne leur relation. Leur couple aura trois enfants : l’ainé disparaitra tragiquement pendant son enfance, restent une fille, Giulia et un autre garçon qui vit pour l’argent, le plaisir, le prestige mais n’est pas du tout emballé par le travail et l’obligation de reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Autant son père était puissant et coriace en affaires, visionnaire et tenace, autant son successeur va se montrer peu concerné et impliquer non pour l’amour de la « maison Florio » mais pour l’amour de l’argent.

La vente d’épices, qui a fait leur gloire par le passé n’est plus que la raison de leur premier succès. Il faut se tourner vers l’avenir, le transport, les bateaux à vapeur.
j’ai aimé le rapport charnel, physique et puissant de Ignazio Senior avec sa terre, les éléments, la réalité de la terre, des marins, des fabricants de Marsala et les pêcheurs de thons, sa proximité avec les hommes, le monde ouvrier. Il faisant un avec le paysage et le décrit et le ressent avec ses tripes. Et il fait face aux révoltes, s’implique pour calmer les ouvriers, pour les mettre à l’abri du chômage, se bat pour préserver leurs emplois et surtout il les respecte en tant qu’hommes. Ce sont des hommes d’abord, des ouvriers ensuite et il est bien conscient que sans le respect de ces hommes, il n’y a plus d’usines.. J’ai aimé le mélange d’italien et de dialecte, qui accentue la proximité avec les racines.

Les personnages de femmes de sa mère et de sa femme sont interessants également : effacées certes, mais pilier aussi, forces tranquilles même si elle n’en donnent pas l’impression au premier abord.
Ignazio Junior quant à lui, est le jeune qui a profité du travail de ses parents, qui a été choyé par sa mère qui avait perdu son premier né et qui ne veut pas faire passer le travail avant sa vie privée. Soit.. mais on se demande bien comment la « Maison Florio » va s’en sortir… Les tracas s’amoncellent, la situation économique et sociale est mauvaise et le présent est bien sombre, sans parler de l’avenir…  Coté famille, même si le jeune fait un mariage d’amour avec la belle et noble Franca, ses démons de séducteur volage sont loin d’avoir disparu… Nous le quittons jeune Papa d’une fillette et en froid avec sa femme…

Enfin le contexte historique, l’histoire de Palerme, de la Sicile, de l’Italie du Sud, de toute l’Italie aussi est magnifiquement retracé entre 1868 et 1893.  Le premier tome couvrait la période 1799-1868. 

Extraits:

Pour les Siciliens, la mer est un père. Ils le constatent lorsqu’ils en sont loin, et qu’ils ne peuvent pas humer cette forte odeur d’algues et de sel qui les enveloppe lorsque le vent se lève, avant de se propager jusqu’au fin fond des ruelles.

Pour les Siciliens, la mer est une mère. Aimée et jalouse. Irremplaçable. Parfois cruelle.

La voix dit : « Il est mort… », et elle tremble, incrédule. Les mots créent la réalité, marquent d’un sceau le fait accompli, déclarent l’irréversible.

Il y a aussi du silence, mais aucune tranquillité. On dirait plutôt une absence de bruits, une immobilité qui vous étouffe, vous coupe le souffle, vous paralyse.

En cet instant de solitude douloureuse, ce n’est cependant pas difficile à admettre : il aimerait tendre la main et saisir celle de son père, lui demander conseil, travailler à ses côtés, en silence, comme il l’a fait si souvent par le passé.

Il voudrait, lui qui est maintenant père, ne plus être qu’un fils.

« Les mères sont des créatures imparfaites, nous avons parfois l’impression que ce sont nos pires ennemies, mais c’est faux. En réalité, souvent, elles ne savent pas comment nous aimer. Elles sont convaincues de pouvoir nous rendre meilleures et elles essaient de nous éviter les chagrins dont elles ont souffert… Elles ne se rendent pas compte que leurs filles exigent déjà beaucoup d’elles-mêmes et qu’elles ont besoin d’y voir clair dans leurs propres souffrances. »

« Mon mari est le meilleur des hommes. Seulement… » Elle s’interrompt. Car derrière cet adverbe, il y a un chagrin persistant, une ombre où s’agitent des fantômes qu’elle ne parvient pas à nommer. Une solitude qui a la froideur du verre.

Sa mère était morte le même jour que son père. Et il ne restait plus d’elle qu’un fantôme sur le point de s’effacer à la lumière du jour. Une coquille vide.

La véritable malédiction du bonheur, c’est de ne pas se rendre compte qu’on est en train de le vivre. Au moment où l’on s’aperçoit qu’on a été heureux, il n’en reste déjà plus qu’un écho.

Chiurma (équipage), sarpatu (remontée), chiummo (chaîne en plomb), càmmara (compartiment), coppu(compartiment de la mort), bastardedda (antichambre), panaticu (salaire), rimiggiu (équipe de huit pêcheurs).

Ces mots d’un dialecte que certains parlent encore sur Favignana, l’île en forme de papillon, évoquent par leurs sonorités la dureté de la vie qu’on y mène.

La mémoire est une gardienne mensongère du bonheur, elle sait figer les images de certains lieux en un éternel présent, une réalité d’autant plus fictive qu’elle semble plus authentique.

Il voudrait lui dire qu’il l’a aimée comme on aime les rêves impossibles. 

Pour détruire un olivier, il faut le déraciner, creuser le sol et supprimer jusqu’à son plus petit reste.

Voilà pourquoi il symbolise, entre autres, l’immortalité.

Impossible de devenir adulte, si on ignore quand et comment il faut agir et parler. Et, surtout, quand et comment il faut se taire.

Il comprend que le véritable amour, celui qui est immortel, ne peut exister que s’il s’accompagne d’indulgence. 

Les perles sont des créatures aussi splendides qu’étranges, ni inertes ni vivantes.

Elles naissent dans des huîtres dont l’extérieur a l’aspect des rochers auxquels elles sont accrochées, mais dont l’intérieur douillet rayonne d’une luminescence nacrée. Surtout, elles sont issues d’une souffrance. L’entrée dans l’huître d’un corps étranger l’oblige à réagir en créant une concrétion de nacre tout autour de la blessure qu’il lui cause.

Comme souvent avec les choses rares et précieuses, la beauté naît de la douleur.

Il est sicilien et il respecte la règle d’or que tous les enfants apprennent dès leur plus jeune âge, sur l’île : Le mot le plus juste, c’est celui qu’on ne prononce pas. 

Lorsqu’on ne parle pas du passé, il finit par disparaître. Comme s’il n’avait jamais existé.

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