Makine, Andreï « La femme qui attendait » (2004)
Résumé : Véra est l’un de ces êtres que Dostoïevski appelait » héros de l’extrême frontière « . Engagés à corps perdu dans leur quête spirituelle ou amoureuse, ils se débattent à la limite de la folie mais aussi de la vérité souveraine. Celle, charnelle et cosmique, qui exprime le dense mystère de leur vie, si humble d’apparence. La folie de Véra est d’attendre l’homme qu’elle aime, de refuser l’oubli, d’arracher à la solitude les âmes abandonnées par ceux qui préfèrent oublier. Mais surtout de garder l’espérance. Malgré tout. De la rencontre avec cette héroïne de » l’extrême frontière « , nous sortirons transfigurés, illuminés par l’intensité de son amour, de sa foi. Andreï Makine nous offre, après Le Testament français (prix Goncourt et prix Médicis 1999) et La Musique d’une vie (grand prix RTL-Lire 2001), un incroyable frisson de grâce.
Mon avis : Un roman intemporel.. Vera est la Pénélope des temps modernes, qui attend le retour de l’homme qu’elle a aimé, depuis 30 ans. Il est parti à la guerre, a été porté disparu.. et donc il est possible qu’il ne soit pas mort.. Le roman de l’attente, de la solitude, du refus d’abdiquer face au temps qui passe. Sur fond de neige, de froid et de glace. Makine une fois encore charme par son écriture. Un livre sur le passage du temps, sur l’oubli. Un village hors du temps, des personnages oubliés, la vieillesse et la mort… Et une rencontre au milieu de cette attente. Il veut faire cesser cette attente… Un autre personnage dans cette histoire… la barque.. Lieu de rencontre, de passage, de mort, d’espérance, de solitude, de complicité.. Ce n’est pas le Makine que je préfère mais j’ai beaucoup apprécié.
Extraits :
« En fait toutes les femmes attendent, comme elle, durant toute leur vie, formulai-je avec maladresse. Toutes les femmes, dans tous les pays, de tout temps. Elles attendent un homme qui doit apparaître là, au bout de cette route, dans cette transparence du couchant. Un homme au regard ferme et grave, venant de plus loin que la mort vers une femme qui espérait malgré tout. »
« Elle se redressa, me sourit distraitement, comme à travers un verre dépoli de souvenirs. »
« Le vol très rapide des nuages faisait de cette journée une alternance syncopée de crépuscules et d’ensoleillements, d’éclats printaniers et de rechutes automnales. »
« Les branches noires dévêtues incisaient, telles des lézardes, le bleu cinglant du ciel. »
« Ici le seul avenir possible est le départ. Nous ne visons même pas au passé mais déjà au plus-que-parfait. »
« Elle se rassit à sa place habituelle, nous écoutâmes le silence rythmé par le vent et tout à coup, un léger grincement, le soupir d’une vieille poutre, la lassitude d’un chambranle. »
« Il n’a pas oublié, non, tout simplement il n’avait plus le temps de s’en souvenir. »