Stedman, M.L. «Une vie entre deux océans» (2013)

Stedman, M.L. «Une vie entre deux océans» (2013)

Auteur : M. L. Stedman est née en Australie et vit désormais à Londres. Une vie entre deux océans est son premier roman, plébiscité dans le monde entier.

Paru chez Stock en 2013 et au livre de poche en 2014 ( Un film en a été tiré mais j’ai tellement aimé le livre que je ne vais pas regarder le film)

Résumé : Libéré de l’horreur des tranchées où il a combattu, Tom Sherbourne, de retour en Australie, devient gardien de phare sur l’île de Janus, une île sur les Lights, sauvage et reculée. À l’abri du tumulte du monde, il coule des jours heureux avec sa femme Isabel ; un bonheur peu à peu contrarié par l’impossibilité d’avoir un enfant.

Jusqu’à ce jour d’avril où un dinghy vient s’abîmer sur le rivage, abritant à son bord le cadavre d’un homme et un bébé sain et sauf. Isabel demande à Tom d’ignorer le règlement, de ne pas signaler « l’incident » et de garder avec eux l’enfant. Une décision aux conséquences dévastatrices…

Un premier roman plébiscité dans le monde entier qui interroge les liens du cœur et du sang.

Mon avis : une lecture qui touche au cœur.. Sur la détresse de perdre un enfant, sur l’amour maternel, sur les liens du sang… Un premier roman qui se déroule en dehors du monde… sur une île avec un gardien de phare. Simple et complexe, un livre dominé par les éléments et la nature… La rencontre entre deux océans, entre un homme et une femme entre le bien et le mal, entre la solitude et l’attachement, entre le devoir et le mensonge, entre la culpabilité et le sacrifice… Le contraste aussi entre la vie rude et belle dans l’île et la vie à terre. La vie va basculer plusieurs fois, au gré des éléments, des rencontres. Sauvagerie des humains, éléments déchainés, violence et douceur, amour et trahison : un livre magnifique. Un amour finira par triompher… mais lequel ? Un gros coup de cœur qui m’a fait penser à bien des égards au livre d’Emily Brontë « Les Hauts de Hurlevent »…

Extraits :

elle était la plus haute d’une chaîne de montagnes sous-marines qui s’étaient élevées du fond de l’océan comme des dents sur une mâchoire déchiquetée, prêtes à dévorer tout navire égaré en quête de refuge

Les nouvelles du monde extérieur arrivaient comme la pluie tombe des arbres, quelques bribes par-ci, quelques rumeurs par-là.

Elle avait le visage aussi dur que le fer dont se servaient les lads pour clouer les fers aux sabots des chevaux, et le cœur à l’avenant.

Londres… Eh bien ! je dois dire que j’ai trouvé ça plutôt sinistre, pendant mes permissions. C’est gris, lugubre et froid comme un cadavre.

Quelquefois, c’est mieux de laisser le passé à sa place.
– Mais la famille ne fait jamais partie du passé. Vous l’emportez partout avec vous, où que vous alliez.
– C’est bien dommage. »

Il y avait chez lui une part de mystère – comme s’il se réfugiait loin derrière son sourire

« Tu sais que le mot “janvier” vient de Janus ? Ce mois tient son nom du même dieu que cette île. Il a deux visages, dos à dos. Un gars plutôt moche.
– C’est le dieu de quoi ?
– Des seuils. Il regarde toujours des deux côtés, il est écartelé entre deux façons de voir les choses. Janvier regarde en avant vers la nouvelle année, mais aussi en arrière vers celle qui vient de s’écouler. Il voit le passé et l’avenir. Tout comme l’île donne sur deux océans, vers le pôle Sud et vers l’équateur.

Le simple fait de penser au travail qui l’attendait lui demandait plus d’énergie qu’elle pourrait en mobiliser pour l’accomplir.

Je pourrais écrire un livre sur les choses qui finissent par se retrouver dans un piano, même si je suis incapable de dire comment elles arrivent là.

Et au-delà de tout cela, bourdonnait encore la sombre douleur du vide.

Le simple fait que le bébé n’exige rien de lui éveillait en son for intérieur une sorte de respect, qui ne semblait pas motivé par quelque chose que la raison pourrait appréhender.

Une fois installé sur un phare en pleine mer, vous pouvez vivre l’histoire que vous choisissez de vous raconter et personne ne vous dira que cela n’a aucun sens, ni les mouettes, ni les prismes, ni le vent.

Mais si un parent perdait un enfant, il n’y avait pas de mot spécifique pour ce chagrin-là. Ils étaient encore un père ou une mère, même s’ils n’avaient plus de fils ou de fille.

La ville tire un voile sur certains événements. C’est une petite communauté où chacun sait que la promesse d’oubli est parfois aussi importante que celle du souvenir.

Les océans n’ont pas de limites. Ils ne connaissent ni début ni fin. Le vent ne s’arrête jamais. Il lui arrive de disparaître, mais uniquement pour reprendre des forces ailleurs, et il revient se jeter contre l’île, comme pour signifier quelque chose …

La question n’est pas de savoir ce que tu as dans le crâne, mais dans tes entrailles.

le bien et le mal, ça peut être comme deux foutus serpents : si emmêlés qu’on ne peut les différencier que lorsqu’on les a tués tous les deux et alors il est trop tard.

le meilleur moyen de rendre un gars cinglé, c’est de lui faire revivre sa guerre jusqu’à ce qu’il comprenne

Raccroche-toi au présent. Arrange ce qui peut être arrangé aujourd’hui, et laisse filer les choses du passé. Laisse le reste aux anges, au diable ou à qui en a la charge

À mesure qu’elle apprenait à maîtriser le langage, elle devenait capable de sonder le monde autour d’elle, tissant son histoire personnelle.

Dans l’eau, elle sait faire la différence entre l’aileron d’un gentil dauphin, qui monte et qui descend, de celui d’un requin, qui reste au-dessus de la surface quand il fend l’eau.

Alors qu’elle errait parmi ces souvenirs, dont elle tirait du réconfort comme un nectar d’une fleur mourante, elle avait conscience de l’ombre qui planait derrière elle, et qu’elle aurait été incapable de regarder. Cette ombre la visitait dans ses rêves, aussi floue que terrifiante

Il suffit de pardonner une fois. Tandis que la rancune, il faut l’entretenir à longueur de journée, et recommencer tous les jours.

Les années rongent le sens des choses jusqu’à ce que ne reste plus qu’un passé blanc comme l’os, dépourvu de tout sentiment et de tout sens.

Je ne vais pas te dire au revoir, au cas où Dieu m’entende et pense que je suis prête à partir.

Les cicatrices ne sont que des souvenirs d’un autre genre.

Bientôt, les jours se refermeront sur leurs existences, l’herbe poussera sur leurs tombes, jusqu’à ce que leur histoire se résume à quelques mots gravés sur une stèle que l’on ne vient jamais voir.

 

One Reply to “Stedman, M.L. «Une vie entre deux océans» (2013)”

  1. Tu dis « simple et complexe, un livre dominé par les éléments de la nature » « une lecture qui touche au coeur »
    Que je suis contente de te lire sur ce livre où j’ai lâché prise, où l’entre deux océans s’est déversé sur mes joues en une vague déferlante. Je n’ai pas encore pu écrire mon avis sur ce bouquin tant j’ai été bouleversée. J’ai pleuré comme une petite fille et seul « la nuit des temps »de Barjavel avait eu ce pouvoir. Je vous le recommande dans toute mon intimité de lectrice. Merci, merci, merci pour cet avis si juste et probablement plus juste que le mien, si censé qu’il y en ait un !!!

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