Fermine, Maxence «Un été surréel» (2018)
Auteur : Maxence Fermine a vécu à Paris, puis en Afrique où il a travaillé dans un bureau d’études en Tunisie. Il vit aujourd’hui en Savoie avec sa femme et ses deux filles. Après le succès de Neige (traduit en 17 langues), il se consacre entièrement à l’écriture et enchaîne les romans et les voyages. Ses romans sont traduits dans de nombreux pays dont l’Italie, où il rencontre un grand succès. Il collabore depuis 2010, avec la revue Alpes Magazine. Maxence Fermine construit une œuvre singulière alliant poésie et fiction. Après nous avoir révélé les mystères de la calligraphie dans Zen et des origines dans Chaman, il réinvente les liens entre amour et création à travers un portrait surréel et haut en couleur de l’immense Salvador Dalí.
Michel Lafon – 08.11.2018 – 207 pages –
Résumé : Cadaqués, été 1929. Salvador Dalí, génie en devenir, reçoit chez lui la fine fleur des surréalistes. Parmi eux, Paul Eluard et sa femme, Gala. Or « Dalí est hypnotisé par cette lumineuse déesse qu’il élève à mille pieds au-dessus du sol ». D’un regard, leurs destins seront scellés à jamais. Lui deviendra un peintre extraordinaire et elle, sa muse éternelle.
Mon avis : J’ai retrouvé avec un infini plaisir la plume poétique de Maxence Fermine. Et avec elle les surréalistes, et aussi le souvenir des semaines passées au Cap de Creus. Une histoire d’amour éternelle, un portrait de Dali. Dali, Gala, Max Ernst, Éluard, les Magritte, Buñuel et Lorca, Breton, les Noailles, ils sont tous là..
C’est une merveille que ce portrait de Dali, qui est malheureusement trop court. L’histoire d’une rencontre, celle de Dali et Gala. On y retrouve les mots et les couleurs, la créativité, la folie et la douceur, la face cachée de Dali, la force de l’amour, les douleurs de l’enfance qui ont fait de Dali un être à fleur de peau. On gravit les marches du succès avec ces deux êtres fusionnels et complémentaires, et on les accompagne pendant plus d’un demi-siècle de vie commune et même plus loin. A la fois provocateur et timide, avec pour but de remplacer la réalité par le rêve, Dali apparait à la fois comme fort et fragile, avec toutes ses excentricités et toutes ses contradictions. Le génie dans toute sa démesuré. J’ai adoré ce moment de déconnexion totale et je ne peux que le recommander à tous ceux qui aiment cet être à qui le terme « surréaliste » colle à la peau!
Extraits :
Tu es la princesse russe d’un Moscou en flammes, la madone de Cadaqués, l’amante de Port Lligat, la reine du château de Púbol.
La révolution russe, c’est la Révolution française qui arrive en retard, à cause du froid.
Ici, les roches découpées sont sculptées au scalpel du vent, érodées par le sel de la mer, incendiées par la loupe du soleil. Un diamant brut que la nature taille peu à peu.
Ici, les jours de tempête, les vagues roulent, déferlent, cassent, se fracassent sur les rochers noirs en un tohu-bohu génésiaque et fantasmagorique, abominable fracas infernal.
Le surréalisme, c’est ouvrir la porte du rêve à tous ceux pour qui la nuit est avare.
Il ne sait plus très bien s’il vit un rêve éveillé ou s’il est enfermé dans un territoire de chimères et de songes.
Époque bénie où l’originalité est la seule boussole de l’artiste perdu dans l’océan de la création.
Lorsque tu apparais, le soleil se pend.
Et lorsque tu n’es pas là, les aiguilles des heures, au cadran de l’horloge, sont en suspens.
Éluard manie les mots comme Dalí les couleurs. Ces deux-là se sont reconnus. Ce sont de purs créateurs. Et comme ils ne sont pas concurrents, chacun utilisant une forme d’expression artistique différente, il n’y a pas de lutte entre eux, sinon pour l’amour d’une muse.
Certes, Dalí est peut-être atteint d’une forme de délire profond, de folie paranoïaque, de mégalomanie, mais qu’est-ce donc que la folie, sinon un peu de rire plaqué sur du vivant ?
Cet homme est à lui seul un condensé de puissantes drogues, un concentré de morphine, une bouffée de marijuana, un esprit de menthe, une teinture de Mars, une thériaque de Venise, un succulent diascordium.
le temps est son propre maître et ne peut être dompté par l’homme. Contre le temps, il le sait, il ne peut rien. La seule manière plus ou moins certaine de le domestiquer est de le figer à jamais sur une toile.
Être et demeurer original est sa seule règle de jeu. D’ailleurs, pour vivre, Dalí n’a pas besoin du surréalisme. C’est le surréalisme qui a besoin de Dalí.
Dalí, l’homme-monde, est génétiquement espagnol, linguistiquement français, esthétiquement italien et commercialement américain.
Excentricités extravagantes extraordinairement extraverties d’un extraterrestre excentrique.
Vieillir est un naufrage, mais vieillir seul est un engloutissement. Peu à peu le maître entre en solitude comme il entrerait en religion.
Image : Cala Culip (Cap de Creus)
2 Replies to “Fermine, Maxence «Un été surréel» (2018)”
« Gala est un grand vin, une cuvée exceptionnelle, un millésime hors de prix. Un de ces nectars qu’en toute clairvoyance il lui faudrait partager, comme l’avait accepté Éluard. Mais Dali, lui, est bien résolu à garder cette cuvée exceptionnelle pour son seul plaisir. »
La première moitié du livre est la plus intéressante et poétique. Cet homme et cette femme hors du commun vont se découvrir par un bel été de l’année 1929 sur les côtes de la Catalogne.
Quelle belle histoire d’amour ! Gala a dix ans de plus que le fantasque peintre. La femme libre, mondaine connue du tout Paris artistique des années folles, s’ennuie. De longues promenades dans les rochers et les conversations avec ce curieux personnage, totalement excentrique et original, finissent par l’intriguer. Qui est ce peintre qui couche sur ses toiles des délires incompréhensibles ? Elle l’écoute, comprend, sa folie paranoïaque l’attire. Dali, fasciné par le corps de cette femme déesse, se prête à des excentricités d’enfant pour la conquérir. Ils se regardent, s’épient, se cherchent. Un jour, elle lui prend la main et la serre fort. « Nous ne nous quitteront plus déclare-t-elle. » Elle sait, elle sent que cette folie va lui offrir d’autres horizons que son mari ne peut lui donner. « Avec lui, elle peut atteindre les puissances infinies du mythe ». Elle s’abandonne. S’offre. Un amour violent, fulgurant, les emporte. Ils se dévorent.
La seconde moitié du livre couvre une longue période de vie amoureuse qui durera 53 années jusqu’à la mort de Gala en 1982 et de Dali, dépressif, sept années plus tard.
Comment ne pas aimer ce petit livre qui m’a fait découvrir Dali, ce personnage plus connu par ses fulgurances et sa folie que l’être timide, sensible, et fragile qu’il était. Des passages d’une grande poésie en font un livre dont le plaisir de lecture est constant.
Ah que je suis contente de t’avoir fait découvrir ce petit livre que j’ai beaucoup aimé également. Merci pour ce beau commentaire.