Hermary-Vieille, Catherine «La bête» (2014)

Hermary-Vieille, Catherine «La bête» (2014)

Autrice :  née le 8 octobre 1943 dans le 15e arrondissement de Paris, est une romancière et biographe française : elle écrit principalement des biographies et des romans avec le même succès. Parmi les plus connus, « Le Grand Vizir de la nuit », inspiré du conte « La Fin de Giafar et des Barmakides » des Mille et Une Nuits, remporte le Prix Femina.(1981) , »La Marquise des ombres » (1983), biographie romancée de la marquise de Brinvilliers,  « Romy » (1986), « L’Infidèle » (1987), Grand Prix RTL, « Un amour fou » (1991), Prix des Maisons de la Presse, des séries Les Dames de Brières (3 tomes), Le Crépuscule des rois (3 tomes) ,  « La Bourbonnaise » (2003), « Les Années Trianon » (2009), « Merveilleuses » (2011), « Le siècle de Dieu » (2013), « La Bête » (2014), se base sur l’histoire de la Bête du Gévaudan. « D’or et de sang » (2016) dans lequel elle évoque la grande saga des Valois, de Catherine de Médicis à la reine Margot, « Moi, chevalier d’Eon, espionne du roi » (2018), « Louves de France » (2019)

Albin Michel – 29.01.2014 – 160 pages  / Le livre de poche – 20.01.2016 – 158 pages

Résumé : Au XVIIIe siècle, dans le petit village de La Besseyre-Sainte-Marie, en Gévaudan, on a moins peur des loups, que l’on sait traquer depuis longtemps, que du Diable. Seul le père Chastel sait le tenir à distance avec ses potions et ses amulettes. On respecte, on craint cet homme qui détient tant de « secrets ». Mais lorsque la région devient la proie d’un animal aussi sanguinaire qu’insaisissable, comme vomi par l’enfer, le sorcier reste impuissant. La perte de ses pouvoirs serait-elle liée au retour de son fils Antoine, cet étrange garçon solitaire et sauvage, échappé des geôles du dey d’Alger ? À la frontière du mythe et de l’Histoire, Catherine Hermary-Vieille revisite la légende de la Bête du Gévaudan en explorant notre part secrète de violence et de bestialité. Un roman fascinant qui sonde les plus obscures pulsions humaines.

Mon avis : La plupart des livres sur la « bête du Gévaudan » racontent les atrocités commises par l’animal en question. Le Gevaudan, c’est la Lozère, un territoire difficile et coupé du monde. La bête décrite est plus complexe qu’un loup, au comportement atypique.. Antoine, un jeune solitaire et mal dans sa peau décide de partir à la découverte du monde avec l’intention de revenir riche et puissant. Mais son aventure va virer au cauchemar. Il sera fait prisonnier des Barbares, sera torturé et ne trouvera de l’amour que dans une relation avec une bête sauvage qu’il n’abandonnera jamais. Quand il rentrera chez lui, accompagné de sa « bête » il fera régner la terreur. Si la vie l’avait épargné, il semblerait que cet homme aurait pu être différente.. C’est un roman sur la marginalité, sur la difficulté de vivre dans cette région inhospitalière. Qui est cette bête, trop intelligente pour être qualifiée de bête ? C’est l’histoire d’une manipulation ; un combat psychologique sur la descente aux enfers d’un couple homme/bête. C’est un récit sur les relations entre un homme et des animaux. C’est aussi la relation entre un père et son fils… Et une certitude : un animal tue pour manger et vivre, un homme  blessé peut se transformer en monstre

Le livre est court, fort, puissant. Je l’ai beaucoup aimé.

Extraits :

En Gévaudan on ne survit pas seul, on dépend des saisons, du temps, du gibier, du produit des vergers et des potagers. On vénère de vieux arbres, des rocs, on voit dans les ruisseaux de bonnes fées à la chevelure mousseuse que parent les libellules. L’hiver au coin du feu, ce n’est pas de Dieu que l’on parle mais des loups-garous, des âmes des morts qui se manifestent dans les feux follets, des bêtes sans nom qui hurlent à la lune.

Si un loup ne craint pas les hommes, il viendra l’hiver rôder dans les villages et se fera massacrer.

Le bonheur n’est pas derrière lui. Des souvenirs, rien de plus. Ceux que la forêt lui a offerts sont les plus beaux. Il a l’impression qu’elle et lui se ressemblent, s’appartiennent.

Les bêtes apprennent à se soumettre à leur maître. Plus que les hommes, elles ont de la mémoire et de la fidélité.

Puis, très vite, il s’est pris d’affection pour les fauves. Ils lui ressemblent. Soumis en apparence, ils peuvent soudain attaquer, déchirer. Prisonniers, ils n’ont pas oublié la liberté.

Même s’il déteste ses racines, elles définissent son identité. Ici, il n’est plus rien.

Les yeux dorés des bêtes ouvrent des mondes inconnus. Quels mystères cachent-ils, quelle autre signification du bien et du mal veulent-ils lui apprendre ?

Il se doute bien que ses projets sont chimériques mais, en cette nuit de bonheur fou, il veut y croire, oublier l’homme déchu, le solitaire qui ressasse ses haines. Il a besoin d’espoir.

La vie continue. Et la sienne ?

Il devine, piégées dans la tête de son fils, des forces destructrices, d’indémêlables nœuds de serpents.

Un loup, attaquer une femme en plein mois d’août dans l’enceinte de son potager, alors que dans la forêt toute proche abonde le gibier ?

La loi de la nature est simple : les forts tuent les faibles. Point n’est besoin de dire son rosaire, de partir en pèlerinage ou bien de baiser le cul de Satan. Et dans tous les contes venus des ancêtres, les loups mangent les bergères, les rois tuent les manants, les prêtres terrorisent les fidèles trop crédules en les menaçant de l’Enfer. Nulle horde démoniaque ne massacre les voyageurs dans les landes, mais des bandits à l’affût d’une bourse pleine, de bottes fourrées, d’un beau couteau de chasse.

Quel est cet animal qui égorge sans être poussé par la faim ?

Désir, agression, deux mots identiques qui définissent son identité. Dans le sang qui coule, il croit éjaculer, il redevient un homme.

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