Raufast, Pierre «La fractale des raviolis» (2014)

Raufast, Pierre «La fractale des raviolis» (2014)

Auteur : Pierre Raufast est né à Marseille en 1973. –  Il est ingénieur diplômé de l’Ecole des Mines de Nancy. Il vit et travaille à Clermont-Ferrand. Après «La fractale des raviolis» il publie en 2015 «La variante chilienne» en 2017 «La baleine thébaïde» (qui figure parmi les trois finalistes du Prix du Public du Salon de Genève 2017) , « Habemus piratam » en 2018 , « Le cerbère blanc » chez Stock en 2020.

Résumé : Il était une fois une épouse bien décidée à empoisonner son mari volage avec des raviolis. Mais, alors que s’approche l’instant fatal, un souvenir interrompt le cours de l’action. Une nouvelle intrigue commence aussitôt et il en sera ainsi tout au long de ces récits gigognes. Tout ébaubi de voir tant de pays, on découvre les aventures extraordinaires d’un jeune garçon solitaire qui, parce qu’il voyait les infrarouges, fut recruté par le gouvernement ; les inventions stratégiques d’un gardien de moutons capable de gagner la guerre d’Irak ; les canailleries d’un détrousseur pendant l’épidémie de peste à Marseille en 1720 ou encore la méthode mise au point par un adolescent sociopathe pour exterminer le fléau des rats-taupes.

« »Je suis désolé, ma chérie, je l’ai sautée par inadvertance. » Je comprends que l’on puisse sauter une femme par dépit, par vengeance, par pitié, par compassion, par curiosité, par habitude, par intérêt, par gourmandise, et même parfois par amour. Par inadvertance, ça non.»

Comment se venger d’un mari volage? En l’empoisonnant avec son plat préféré. Mais rien ne se passe comme prévu et c’est tout un engrenage qui se met en place.

Véritable pochette surprise, le premier roman de Pierre Raufast ajoute à la géométrie rigoureusement scientifique, la collision jubilatoire du probable et de l’improbable. Un premier roman gigogne d’une inventivité rare, qui nous fait voyager dans l’espace et le temps.

Prix Colombien 2015 (mairie de Colombes, 92) – Prix de la Bastide 2015 (salon du livre de Villeneuve-sur-Lot) – Prix du jeune mousquetaire 2015 (salon du livre de Nogaro) – Sélection Prix René Fallet 2015 (Jaligny) – Sélectionné pour le 4eme prix Lire en Pays d’Ancenis (2016) – Sortie en livre de poche (Folio/Gallimard) le 27 aout 2015

Je vous signale le blog de l’auteur : https://raufast.wordpress.com/

Mon avis : Un inclassable, un OLNI (Objet livresque non identifié). Ce qui m’a attiré ? le titre… qui m’a intrigué..… les fractales… tout d’abord le rejet primaire de ce qui est mathématique et technique mais.. j’avoue que je suis allée chercher de quoi il en retournait poussée par mon amour des raviolis.. je connaissais bien les fractus, ces nuages tout déstructurés.. Le mot « fractale » vient du latin « fractus » qui signifie « brisé ; un objet géométrique «infiniment morcelé» dont des détails sont observables à une échelle arbitrairement choisie. Alors je me demandais quelle allait être la forme des raviolis ? allaient-ils s’imbriquer ?

Le roman est fait sur le principe des matriochkas… Une chose/idée/histoire en cache/amène une autre qui débouche sur une troisième… Les histoires s’enchaînent, on navigue de l’une à l’autre, on traverse les époques..et on revient à son point de départ…

Je ne sais pas si le syndrome Sheridan existe.. mais j’aime bien le rapport à la logique, sur les couleurs.. ( d’ailleurs petite j’avais une bague dont la pierre changeait de couleur en fonction de la température) Alors pourquoi un être humain ne pourrait-il pas percevoir des choses que les autres ne ressentent pas?

Dans tout le déroulement du roman, il y a un côté technique/scientifique et un côté relatif/sentiment … La technique photo s’oppose à la perception des couleurs, les montages scan/trucage photos avec les souvenirs et l’image qu’on garde du passé. Et les personnages des petites histoires ont des capacités ou des dons hors normes.

Entre les histoires, le temps s’écoule… l’enfance se transforme en âge adulte, l’innocence en savoir, les perceptions en affirmations, la gamme de couleur en gamme d’actions, allant de la pureté à la noirceur de l’âme. Une solution? L’art qui permet à chacun de vivre dans sa propre réalité.

Puis le personnage du physicien Paul Lanvegin (Amant de Marie Curie) apparait : une nouvelle fois le côté scientifique et le changement de couleur dû au magnétisme. Des illustres inconnus, des références à l’Histoire (les batailles, la peste à Marseille) Au final, La boucle est bouclée … les liens entre les histoires ont fait merveille ; et il y aura toujours eu dans les histoires l’enfance, le don, l’intelligence, et la cruauté.. La condamnation de la manipulation des plus faibles (personnes différentes, amoureuses, âgées) par les individus et/ou par la société, des réflexions sur l’observation et les réactions en des situations données, la prise en considération des erreurs du passé, des espèces (homme, rat-taupe, loup, agneau). Il y a également un regard sur les problèmes de société (l’importance de l’argent ou des valeurs, le sacrifice des uns pour sauver les autres, l’impunité)

L’Histoire, la stratégie, le savoir, le passé.. Tout cela influe sur ce que nous sommes, se répète, conditionne l’avenir ; une légère mise en garde en arrière-plan le tout dans un style de conteur, fluide et rafraichissant mais avec un message sous-tendu. Comme le livre se lit en deux heures.. j’ai regretté de le refermer si vite … car sous l’insouciance et l’humour se cachent des pistes de réflexion nettement plus importantes.. j’ai a-do-ré ce moment de lecture

!!! je me rends compte que mes lectures s’enchainent comme les petites histoires … je suis passée des crimes gourmands à l’Italie, de l’Italie aux raviolis et maintenant j’ai une furieuse envie de lire le livre de Patrick Rambaud sur les rats ( à cause des rats taupes…) … pas de hasard… 😉

Extraits :

Comme toutes les épouses, je renâclais à cuisiner les mêmes plats que ma belle-mère.

Comment être certain que notre conscience propre est l’unique réalité ? Comment être sûr que le monde extérieur n’est pas que représentation ? Qui peut affirmer que sa propre représentation du monde n’est pas la seule et unique vérité ?

Pourquoi les noms des couleurs restaient-ils identiques alors que les teintes changeaient ?

C’était comme désigner d’un seul mot le niveau d’une baignoire qui se vide. « Changeant ».

La mort, par exemple, le fascinait. Non pas dans sa dimension philosophique ou religieuse, mais dans sa dimension chromatique.

détecter les traces lumineuses d’émotion…

Leur seul rayon de lumière luit derrière elles, toujours plus faible, plus tremblant. Leurs souvenirs. Le passé.

Mais, depuis qu’il côtoyait le mensonge, ce monde chatoyant de l’enfance avait brutalement disparu. La perversité rongeait son nuancier. Les teintes traduisaient des hypocrisies, des impostures, des non-dits.

S’adapter. C’est la survie. Celui qui ne s’adapte pas, meurt. C’est vrai en biologie, c’est vrai en économie, c’est vrai pour les armées.

Sun Tzu a dit : “ Connais l’adversaire et surtout connais-toi toi-même et tu seras invincible. ”

L’ennemi évolue, il analyse et réagit. Il s’adapte lui aussi. Ne jamais sous-estimer son adversaire. La prochaine fois, l’ennemi frappera là où je ne l’attendrai pas.

Nul n’est à l’abri d’une erreur, d’une faute, d’un oubli qui ruine les efforts de toute une vie.

Il comprit alors la diabolique utilité du savoir. Un véritable levier pour démultiplier ses forces mentales. Un moyen de décupler son imagination fertile.

 

2 Replies to “Raufast, Pierre «La fractale des raviolis» (2014)”

    1. je vous remercie d’avoir pris la peine de venir lire ma critique et d’avoir mis un petit mot ! C’est très aimable de votre part et cela me fait très plaisir

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