Lenormand, Frédéric «Meurtre dans le boudoir» (2012)
« Série Voltaire mène l’enquête »
Tome 2 : Meurtre dans le boudoir (2012)
Résumé : Alors qu’il nie être en train de publier les Lettres anglaises, qu’il nie d’ailleurs avoir écrites, Voltaire se trouve une fois de plus embarqué dans des crimes – qu’il n’a certainement pas commis !
Le réel assassin, de son côté, semble s’en prendre à des individus dans leur plus simple appareil, de préférence en aimable compagnie, dans des mises en scène inspirées de livres licencieux. L’affaire risque de faire du bruit, car il s’agit à chaque fois d’hommes d’importance.
Voilà notre Voltaire contraint d’aller se compromettre dans les recoins pas nets de la capitale, maisons de débauche gérées par des « abbesses », librairies clandestines, bureaux de la Librairie où les ouvrages interdits disparaissent entre les mains des exempts… sur les traces d’un meurtrier qui, comble de ce siècle, s’est pris de haine pour les libertins
Mon avis : Mais j’adore… Merci M. Lenormand de Voltaire… le tome un était comme je l’ai dit « jubilatoire » et celui-ci – au vu du sujet, est tout aussi jouissif… ! plein de verve et d’ironie, de jeux de mots .. du style «– Nous allons jouer au shah et à la houri ! »… Bienvenue dans le monde du libertinage et de l’édition.. Enfin de l’édition pas tout à fait légale… celle des écrits contestés de Voltaire et de la presse érotique clandestine. Dans un contexte historique et avec en prime des extraits des écrits de Voltaire comme dessert, nous allons suivre les aventures de Voltaire et parcourir les chapitres d’un roman coquin parsemé de meurtres… Je vais finir par relire Voltaire moi…
Extraits :
À l’intérieur régnaient le dieu Chaos et sa petite sœur, la Bousculade.
avec la conviction d’un missionnaire expliquant aux Zoulous que la Sainte Vierge est la version chrétienne de la déesse Mamlambo.
En bonne santé, il irradiait la vivacité, l’intelligence joyeuse, la verve jubilatoire ; malade ou contrarié, ce n’était plus qu’une prune avec un nez.
– Oh, s’écria Voltaire, mais il y a eu un orage de pompons ! Votre robe en est toute recouverte !
– On peut vivre sans boire de vin ; on ne peut vivre en en buvant du mauvais, répondit Voltaire.
– La curiosité est un défaut si peu répandu qu’elle en devient une qualité, répondit Voltaire.
– Vous savez bien que les livres sont comme les pigeons : on peut les lâcher n’importe où, ils reviennent toujours à leur nid d’origine.
– Quand Montesquieu a écrit ses Lettres persanes, on ne lui a rien dit, à lui !
– C’est que ses Lettres persanes étaient moins philosophiques que vos Lettres philosophiques, qui ne sont pas assez persanes !
La planète était devenue un village et son garde-champêtre en voulait à Voltaire.
Cette enquête était une forêt impénétrable qu’on lui demandait de défricher au couteau à huîtres.
Leur future mine d’informations habitait un petit appartement débordant de livres, vrai temple à la gloire des lectures condamnées. Voltaire s’y sentit comme le Saint-Esprit à Notre-Dame.
– La chicorée, c’est amer, le thé, c’est fade, et le chocolat me dérange l’intestin. Ce ne sont pas des boissons pour les philosophes.
Elle promit de lui procurer de la ciguë à sa prochaine visite.
– But this is my book ! s’écria-t-il avec cet accent qui évoquait à l’oreille des Britanniques le vin rouge et le fromage à pâte crue.
Sur l’autre rive, on avait du goût pour les curiosités venues de France, au premier rang desquelles le pâté de foie gras, le vin de Champagne et Voltaire.
Voltaire avait bien prévu de lutter pour l’amélioration de la condition humaine ; il n’avait pas prévu que ce serait en martyr.
C’était une petite bibliothèque faite pour scandaliser les procureurs, contrister les familles et navrer les philosophes.
A comme Auteur, Arriviste et Abruti.
On lui avait bien dit que le diable existait ; on ne l’avait pas prévenu qu’il portait jupon.
Il avait l’air d’un pêcheur de perles attaqué par un poulpe.
Voltaire songea que ce n’était pas demain la veille. Si les imbéciles se mettaient à avoir de l’esprit, les sages étaient perdus – et dans un avenir proche, pour ce qui le concernait.
Voltaire faisait la tête d’une reine d’Angleterre à qui on apprend qu’on va ouvrir un pub à matelots dans Westminster Abbey.
On avait baptisé ces bonbons « pastilles à la Richelieu », parce que le duc en vantait l’usage à toute occasion. Ces pilules galantes, diavolini en Italie, étaient à la cantharide, un aphrodisiaque connu depuis l’Antiquité.
On perdait des tas choses, dans ces petites soirées : ses vêtements, sa pudeur, sa vertu, sa réputation et, éventuellement, la vie.
La rue des Portes-Blanches ( Rue Blanche de nos jours) devait son nom et sa couleur au transport du plâtre depuis les carrières de Montmartre.
Quant à l’analphabétisme, il est le dernier rempart de la morale : la lecture engage le peuple à tous les vices.
– Nous allons jouer au shah et à la houri !
Je n’y peux rien : dès qu’il y a du danger, mon réflexe est de m’enfuir.
– C’est parce que vos pieds pensent plus vite que vous, dit Voltaire.
– J’ai occupé ma jeunesse à devenir riche, ma maturité à devenir célèbre ; je pense que j’occuperai ma vieillesse à défendre de grandes causes, quand j’en aurai trouvé.
Lien vers : présentation de la série « Voltaire mène l’enquête »