Barton, Fiona «La veuve» (2017)
Auteur : Fiona Barton, née à Cambridge, est journaliste et a travaillé au Daily Mail, au Daily Telegraph et au Mail on Sunday. Elle a remporté le prix de « Reporter de l’année » aux British Press Awards. Elle vit aujourd’hui dans le sud-ouest de la France. La Veuve est son premier roman. ( Fleuve – 416 pages). En 2018 elle publie La Coupure.
Résumé : La vie de Jane Taylor a toujours été ordinaire. Un travail sans histoire, une jolie maison, un mari attentionné, en somme tout ce dont elle pouvait rêver, ou presque. Jusqu’au jour où une petite fille disparaît et où les médias désignent Glen, son époux, comme LE suspect principal de cet acte. Depuis, plus rien n’a été pareil. Jane devient l’épouse d’un criminel aux yeux de tous. Les quatre années suivantes ressemblent à une descente aux enfers : accusée par la justice, assaillie par les médias, abandonnée par les amis, elle ne connaît plus le bonheur ni la tranquillité, même après un acquittement. Mais aujourd’hui, Glen est mort. Fauché par un bus. Ne reste que Jane, celle qui a tout subi, qui pourtant n’est jamais partie. Traquée par un policier en quête de vérité et une journaliste sans scrupule, la veuve va-t-elle enfin livrer sa version de l’histoire ?
Mon avis : Un récit à 3 voix : Jane, la veuve, Kate, la journaliste et le policier, Bob Sparkes. Il y a aussi trois autres personnages secondaires, le mari (Glen… qui entre donc en scène après sa mort), Bella (la fillette disparue) et Dawn, la mère de Bella…
C’est machiavélique… l’auteur est une journaliste spécialisée en procès criminologues. Elle s’est toujours demandé ce que les femmes des criminels pensaient et savaient. Elle a transposé ses doutes en roman.
Ce livre n’est pas ce que je qualifie à proprement parler de thriller… C’est une enquête qui se déroule sur 4 ans et qui commence au moment où le suspect principal décède. Mais après 4 années de traque obsessionnelle du coupable de cet enlèvement de la fillette, cela ne convient pas du tout à la journaliste et à l’officier de police… C’est un récit flash-back/présent et on y décortique un crime non élucidé. Une fillette a disparu… un pédophile est soupçonné… Mais soupçons ne signifient pas preuve… On est face à deux personnages mais on a du mal à savoir qui se cache derrière… Le couple est pas net dès le départ… bien avant le crime… La petite coiffeuse de 17 ans et son mari aux apparences bien comme il faut. Dès le début… le couple semble anormal. Est-il possible que la jeune femme soit aussi nunuche qu’elle le paraît. Tous les couples ont des secrets ; il faut toujours se méfier des autres et de ses proches. Et en même temps, on en viendrait même à soupçonner la jeune femme… est-elle naïve, est-elle complice, est-elle à l’origine du drame ? Sait-elle quelque chose ? se doute-t-elle ?
Les méthodes des médias sont contestables : forcer la porte et proposer de l’argent pour le « scoop » … c’est visiblement la méthode des tabloïds britanniques… On va assister à la traque de la femme du monstre… Les personnages sont remarquablement dépeints, on est au cœur de l’action… A la fois voyeur et enquêteur, le lecteur est partie prenante. On remarque aussi à quel point les affaires de pédophilie font vendre la presse … malgré le malaise qui se dégage du livre (ou à cause ?) j’ai suivi cette quête de la vérité avec beaucoup d’intérêt… Un « page-turner » comme on dit maintenant. Et il faudra aller au bout pour savoir si oui ou non l’épouse (la veuve) était complice ou victime.
Extraits :
Je me suis demandé s’il cherchait des raisons d’être en colère.
une fois seuls, ils découvrirent que cette nouvelle liberté les contraignait à se considérer vraiment l’un l’autre, à se regarder comme ils ne le faisaient plus depuis des années.
Glen ne fait pas vraiment partie de mes projets – il n’approuverait pas et je n’ai aucune envie de voir sa moue réprobatrice gâcher mes rêveries. Glen fait partie de ma réalité.
Il était là sans être là, si vous voyez ce que je veux dire. L’ordinateur était davantage une épouse que moi.
Quoi qu’il en soit, il me répétait : « Ce sont nos affaires, Janie, pas celles des autres. » C’est pour ça que le coup a été si dur quand nos affaires sont devenues celles de tout le monde.
J’essayais de ne pas m’en faire mais j’avais le sentiment que notre vie nous échappait.
Les femmes tueuses d’enfants sont rares, et celles qui passent à l’acte le font presque exclusivement avec leur propre progéniture, à en croire les statistiques. Il arrive cependant qu’elles kidnappent des enfants.
Le Net offrait un monde imaginaire sûr et très excitant, un moyen de créer un espace privé dans lequel on pouvait se laisser aller à toutes les dérives.
Ce n’est pas en montant à bord d’un avion pour une destination lointaine que je supprimerai les pensées. Je ne les contrôle pas – je ne contrôle plus rien. Je suis passagère pas conductrice, ai-je envie de répliquer.
J’ai l’impression que tout le monde me regarde même s’ils ne me voient pas. Je me sens mise à nue.
j’ai appris à ne jamais revenir sur les choses que nous avions oubliées. Ça ne signifie pas que je n’y pensais pas, mais il était entendu que je ne lui en parlerais plus.
Sortir lui donnait l’impression d’avoir dix-sept ans pour toujours.
Il était là sans être là, si vous voyez ce que je veux dire. L’ordinateur était davantage une épouse que moi.
« Envisager le pire ne sert à rien », répétait mon père à ma mère quand elle se mettait dans tous ses états, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Surtout quand le pire était tout près, juste de l’autre côté de la porte.
Quel sentiment formidable de pouvoir discuter de sa propre vie plutôt que de celle des autres.
4 Replies to “Barton, Fiona «La veuve» (2017)”
Un page turner tu dis ?
Bon ok, je le rajoute à ma liste à acquérir.
Un de plus grâce à tes chroniques.
Exploitant le même sujet, il y a » la mésange et l’ogresse » de Harold Cobert qui traite de l’affaire Fourniret qui m’attend depuis quelques mois dans ma bibliothèque.
Merci Cathy.
tu écris :
« Bon ok, je le rajoute à ma liste à acquérir.
Un de plus grâce à tes chroniques. »
c’est un prêté pour un rendu 😉 tu m’as donné envie de lire le Gyasi, Yaa « No home »
Alors à contre sens: je me suis ennuyée. Tu as raison; sur la vision de la presse, ce qui fait vendre, etc…. Mais je l’ai trouvé sans fin ce livre. J’aime les anti-héros, les personnages hors du commun; mais là, la femme de Glenn est tellement hors cadre, que ça n’est pas crédible. Pour moi, il s’agit d’une histoire glauque qui ne fonctionne pas.
Ben non … je ne me suis pas ennuyée… Je l’ai lu très vite, très facilement … C’est presque plus du reportage que de la littérature … Il est évident que la femme de Glen est à la limite du crédible… Mais j’ai beaucoup aimé l’analyse de la presse qui vaut davantage que l’intrigue …