De Giovanni, Maurizio «Les Pâques du Commissaire Ricciardi» (2018)
Auteur : Banquier, il remporte en 2005 le prix national Tiro Rapido avec la nouvelle I vivi e i morti (Les vivants et les morts) qui servira de base au L’Hiver du commissaire Ricciardi (Il senso del dolore. L’inverno del commissario Ricciardi), publié en 2007. Depuis, auteur de plusieurs romans policiers se déroulant à Naples, il partage un temps sa vie entre ses occupations professionnelles à la banque et l’écriture. La série ayant le commissaire Ricciardi pour héros compte une dizaine de titres.
Il est également devenu commentateur des grands journaux nationaux et de productions au théâtre. Grand sportif et partisan de l’équipe de football de Naples, il publie plusieurs ouvrages sur son équipe. Il travaille maintenant pour des journaux de sa ville natale et est régulièrement invité par le réseau des sports de la Rai.
En 2012, il fait paraître La Méthode du crocodile (Il metodo del coccodrillo), lauréat du prix Scerbanenco et premier roman d’une série consacrée aux enquêtes du commissaire Lojacono. En janvier 2017, la Rai 1 diffuse I bastardi di Pizzofalcone, une mini-série en 6 épisodes réalisée par Carlo Carlei, avec Alessandro Gassmann dans le rôle du commissaire Lojacono.
Série : Commissaire Ricciardi (Naples 1931)
6ème enquête
(Vipera. Nessuna resurrezione per il commissario Ricciardi (2012)
Résumé : Une semaine avant Pâques, dans le Naples fasciste de 1932, une prostituée de luxe connue sous le nom de Vipera est assassinée dans un bordel de première classe, le Paradiso. Son dernier client jure qu’elle était bien vivante quand il l’a quittée, le suivant dit l’avoir retrouvé étouffée sous un oreiller. Alors que la ville s’apprête à célébrer en grande pompe la résurrection du Christ, le commissaire Ricciardi devra démêler un nœud d’avidité, de frustration, de jalousie et de rancune afin de résoudre l’énigme de la mort de Vipera.
Mon avis : Week-end de Pâques…je me mets dans l’ambiance : la colombe pascale pour le petit dejeuner, et la météo pluvieuse et froide à Genève comme à Naples … Et je rejoins avec bonheur le petit monde de Ricciardi. Ricciardi et les deux femmes qui l’aiment en secret ; ces deux femmes qui perturbent Ricciardi qui ne veut pas aimer. Ricciardi et son ami médecin qui va une fois encore franchir le point de non-retour en s’opposant frontalement aux fascistes.. Ricciardi et son petit monde.
Et toujours ces ambiances… le printemps, la nuit… et la découverte de Naples pendant les années du Duce, ses traditions, les fêtes, les nourritures…
Maria Rosaria Cennamo, prostituée connue sous le nom de Vipera, est retrouvée morte étouffée. Voila qui est dramatique pour le bordel car même si elle n’avait que peu de clients attitrés, c’est sa beauté qui faisait la réputation du lieu. Et la dernière phrase pensée par la morte peut aussi bien accuser les deux principaux suspects, deux hommes fascinés par la demoiselle… Le Commissaire Ricciardi et son Brigadier sont appelés sur les lieux… et je vous laisse en leur compagnie dans Naples.
Plus je fais la connaissance de Ricciardi et plus je le trouve attachant.
Extraits :
Mais aujourd’hui, j’ai compris qu’une femme aussi belle, elle devrait pas naître dans un endroit comme celui-là. C’est pas sa place. La beauté, commissaire, il faut pouvoir se la permettre
La pluie, qui maintenant tombait à seaux, striait les vitres comme des larmes. La place s’animait peu à peu, des gens regardaient le ciel, surpris par ce déluge et cramponnés au parapluie que le vent essayait de leur dérober.
Couteaux, poings américains, matraques et revolvers, tant qu’ils restent au fond d’un tiroir sont des objets bien innocents. Ce sont les mains, les coupables : et les mains sont mues par le ventre, le cœur et toutes ces émotions qu’on va chercher dans des endroits tels que ton Paradiso.
Le fait que nous n’avons pas le droit de manger de viande cette semaine m’exaspère. Je respecte les catholiques, pourquoi ne me respectent-ils pas, moi ?
[…]je marcherai droit, mais ce que j’ai toujours pas compris, c’est : pour aller où ?
Du matin au soir, à l’hôpital, je vois des gens se battre contre la maladie et la mort, uniquement par amour. Sans compter tous ceux qui viennent en larmes me supplier de sauver la personne aimée, parce qu’il en va de leur propre survie. L’amour est capable de détruire, c’est vrai, mais il est aussi capable de sauver.
Donne-moi les murs et les pièces, et je te donnerai les rideaux et les tapis. Remplissons-la ensemble de nos souvenirs et apportons-y les objets que nous avons collectés pendant que, sans le savoir, nous nous attendions, et tous ceux que nous trouverons ensemble : que chacun d’entre eux, un cadre, un vase, une chaise, nous rappelle pour toute la vie l’instant où nous l’avons choisi, en nous regardant en silence.
Certaines émotions laissent leur empreinte, pénètrent dans un territoire inexploré de l’âme, accèdent à un sol inconnu au fond du cœur et en prennent possession pour toujours.
Toi qui, lorsque tu t’es mis au lit, croyais t’effondrer dans le sommeil, et qui au contraire restes à fixer le plafond servant d’écran noir à tes souvenirs. Dis-moi ce que tu attends de cette nuit de printemps ?
Pour le Jeudi saint, le printemps choisit un costume gris.
La matinée se présenta voilée, sous un soleil pâle et maladif qui ne se sentait pas la force d’exercer son métier. Une lumière laiteuse atténuait les contours, les noyant dans une brume incertaine.
Même la violence, l’éclat de colère qui engendrait le crime, faisait partie de la nature humaine : la dissimulation, le mensonge, la tromperie, étaient des constructions érigées au nom des conventions et visaient l’avantage personnel, la facilité, et n’avaient donc rien de naturel.
Mais Pâques, Pâques c’était le printemps, les fenêtres qui s’ouvraient pour accueillir à nouveau le soleil et le parfum de la mer.
Une autre belle ironie, non ? Une putain tuée avec un accessoire de travail, un oreiller.
Pour la énième fois, il pensa avec amertume que ce ne sont pas les esprits qui font peur, mais plus certainement les vivants.
Parce qu’une fille peut faire la putain, ou être une putain. Elle, elle était une putain dans l’âme.
Qu’attends-tu du printemps ?
Que demandes-tu à cette saison qui t’offre, arrachées au parfum de la mer, de nouvelles fleurs et de nouvelles idées ?
Peut-être d’oublier le froid et l’humidité de l’hiver. Ne serait-ce que cela.
Les hommes ne savent jamais ce qu’ils veulent, et vous savez pourquoi ? Parce qu’ils pensent que demain, ça sera la fin du monde, et qu’ils ne s’occupent que de ce qui se passe aujourd’hui. C’est nous, les femmes, qui voyons clair comme de l’eau de roche ce qui arrivera demain, et qui devons les prendre en charge. Et petit à petit…
L’amour est fait d’air frais et de fleurs, de larmes et de rires.
Je le connais, moi, l’amour véritable : il te réveille la nuit, désespéré mais le cœur plein d’espoir, en t’apportant des pensées qui deviennent des rêves et des rêves qui deviennent des pensées.
Regarde la nuit en face, elle te regarde elle aussi, impassible. Elle en a vu bien d’autres, la nuit. Elle est passée sur bien d’autres souffrances, elle a caché bien d’autres regrets.
Comme toujours, la rue trahissait l’esprit de la ville qui avait changé comme si quelqu’un avait tourné un interrupteur […]
Page sur la série Les enquêtes du Commissaire Ricciardi : http://www.cathjack.ch/wordpress/?p=3848