Hill, Joe «L’homme-feu» (2017)
Auteur : nom de plume de Joseph Hillstrom King, né le 4 juin 1972 à Hermon dans le Maine, est un écrivain de fantastique et d’horreur américain. Deuxième des trois enfants du couple d’écrivains américain Tabitha et Stephen King. ses deux premiers livres, qui ont également reçu plusieurs récompenses littéraires.
Romans : Le Costume du mort, 2008 (Heart-Shaped Box, 2007), – Cornes, 2011 (Horns, 2010), – Nosfera2, 2014 (en) NOS4A2, 2013), – L’Homme-feu, 2017 (en) The Fireman, 2016) –
JC Lattès – 7.6.2017 – 623 pages / Livre de poche – 6.6.2018 – 992 pages (traduit par Antoine Chainas – titre original « the fireman »(2016) – Prix Locus du meilleur roman d’horreur 2017
Résumé : Personne ne sait exactement quand et où tout a commencé. Sur le corps des individus contaminés apparaissent des tatouages mordorés qui s’embrasent, causant la mort par combustion. Boston, Detroit, Seattle ont déjà basculé dans le chaos. Il n’existe aucun antidote. Lorsque Harper, infirmière dévouée et bienveillante, découvre les premières marques sombres sur sa peau, elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte.
Paniqué, son mari fuit. Dans un monde en ruine, où de petites communautés se forment et des milices traquent les malades pour les exterminer, Harper est secourue par un homme capable de contrôler ce feu intérieur. Mais l’infirmière ne dispose que de peu de temps pour percer le secret de l’homme-feu, avant qu’elle et son enfant ne soient réduits en cendres… Dans cette fable pré-apocalyptique vertigineuse, Joe Hill explore la part obscure de l’homme et sa formidable puissance de vie.
Mon avis : C’est un livre qui se lit très facilement mais qui est très inégal.
J’ai bien aimé le premier tiers (I-II-III) il y a de l’action, du rythme, on fait connaissance avec les personnages ; il y a ceux qu’on aime (Harper je dois dire que je la trouve mollassonne du début à la fin, bien qu’elle soit un personnage fort et déterminé – c’est bizarre comme impression) , et ceux que l’on déteste d’emblée ( comme le Jakob) ; puis on fait connaissance du camps et du groupe – Les personnages plus individualistes et qui ont en eux une part de mystère, comme John, Nick, Allia ont de suite ma préférence.
Revenons à l’épidémie : quand le livre commence, elle fait rage depuis longtemps et que visiblement il y a deux camps : les infectés et les autres. Visiblement la manière d’attraper l’écaille n’est pas claire, bien que certains aient une idée bien précise de la chose ( non je ne vous dirais pas comment) et les brigades de chasse aux malades sont constituées de sacrés salopards…
Dès le début les références à la lumière et à la chaleur sont présentes : on s’éclaire à la bougie, c’est l’été et il ait chaud, on a l’impression de vivre dans un four, et cela même si on fait partie des personnes saines ; et on utilise des expressions qui parlent de feu au propre comme au figuré. Le couple Jakob/Harper explose dès qu’on apprend qu’Harper a contracté le virus au moment même ou elle se rend compte qu’elle est enceinte.
Intéressant de se pencher sur le choix son prénom, Harper, qui signifie « joueur de harpe » alors que la maladie dessine sur son corps des motifs qui font penser à des partitions de musique. Et la musique, c’est un élément important du récit. C’est l’harmonie, la fusion des âmes, le jaillissement de la clarté, la communion.
Le livre fait aussi la part belle au racisme, anti-asiatiques, anti-noirs.
Face à cette maladie, il y a ceux qui deviennent violents, ceux qui se révoltent, ceux qui acceptent… et il y a aussi ceux qui ont la chance de pouvoir fuir la ville pur se réfugier dans des sortes de camps isolés pour échapper à une mort certaine.
Curieusement, il y a ceux qui sont tués par ce que les gens appellent « l’écaille » et ceux -ci meurent brulés, ils prennent feu et ceux qui arrivent à contrôler le feu, qui fraternisent avec comme le dit le Chef du camp, le Père Storey.
L’écaille est esthétique : elle dessine des motifs superbes, elle brille de tous les tons allant du jaune clair au mordoré, elle crée des images, elle est ta compagne, elle ressent les émotions, accroit les sensations ; elle est l’harmonie, la connexion, le lien entre les hommes…
Pour ce qui est du deuxième tiers c’est lent et j’ai ramé et j’ai dû m’accrocher (IV-V-VI) Je dois dire que je me suis par moments vraiment ennuyée….mais alors dans les grandes largeurs… et la Miss Harper, elle est soulante…
Mais s’il y a un côté qui m’agace, c’est le rassemblement des pauvres contaminés qui se serrent les uns contre les autres pour prier en chansons, sous la protection du gourou… Il y a aussi cette foi aveugle en la religion, ce monde binaire divisé entre le bien et le mal … comme c’est souvent le cas en Amérique… et puis il y a trop de références … au bout d’un moment la Mary Poppins devient lassante… Mais au moins la partie virus est intéressante ; ce que j’ai regretté c’est de ne pas lire le journal d’Harold d’un coup..
Le troisième tiers (VII-VIII- IX) ouf ça redémarre, il y a de nouveau de l’action et la fin est rythmée et rien que pour le dernier chapitre, ça valait la peine de lire jusqu’au bout !
Au final je ne regrette pas d’avoir été jusqu’au bout et malgré les longueurs et les incohérences, je reconnais que cela se lit très facilement et que je voulais savoir la fin…
Extraits :
I-II-III
L’idée d’être coupé de ceux qu’on aime est plus effrayante que la contamination générale. Personne ne veut mourir seul.
La plupart des gens ont envie d’avoir un livre qu’ils auront le temps de finir. Inutile d’entamer Le Trône de fer quand vous pouvez brûler à tout instant.
Vous croyez qu’ils survivront à notre disparition, les chats ? Ou bien allons-nous les entraîner dans notre disgrâce ? »
Un patient avait pris feu, puis un deuxième et un troisième. Les embrasements s’étaient succédé comme s’enchaînent les explosions d’un chapelet de pétards chinois.
Tout bien réfléchi, j’ignore pourquoi je t’ai débarbouillée. Tu ressemblais à une petite fille sortie d’un roman de Dickens. Malpropre mais épatante.
Je suis tellement fatiguée. Fatiguée d’avoir peur. Fatiguée de me sentir impuissante.
Cesse de vouloir trouver une solution au moindre problème, de courir partout… d’éteindre tous les incendies.
J’ignore combien de temps il nous reste. Cinquante ans ? Une semaine ? En revanche, je sais que nous n’allons pas gâcher un seul instant. Nous allons tout partager, tout savourer ensemble. Je te le prouverai à la moindre caresse, au plus petit baiser.
Ma vie n’existe plus. La tienne non plus. Désormais, ce sont nos vies mélangées.
Mentalement, il était aussi robuste qu’un acrobate.
Elle se sentait alors dans la peau d’une spectatrice censée applaudir un numéro de voltige à travers les cercles de feu de l’existentialisme, ou bien des touches sur le trampoline de l’anticonformisme.
Tu brûles de bonheur, en quelque sorte. Et tu entres en symbiose avec les autres, ceux qui t’entourent. Chacun devient une note d’un accord parfait.
— L’humanité affronte deux types de virus. L’Écaille et la peur.
Un millier de prières à chaque minute de par le monde. Et que répond Dieu ? Rien ! Parce que le silence est à son avantage, il ne ment jamais. Le silence est la forme d’harmonie la plus pure.
Dieu est un joli conte de fées, dit-il sans préambule. Un conte que j’aime, comme celui où Wendy rencontre Peter.
Tu as déjà entendu cette comptine ? Il court, il court l’incendie. Il est passé par ici, il repassera par là. »
IV-V-VI
Le cerveau émettait de l’ocytocine lorsqu’on enlaçait un être cher, quand on était applaudi ou bien quand l’on chantait en osmose avec quelqu’un.
Les bourreaux trouvent toujours un moyen de justifier la monstruosité de leurs actes. Un petit massacre ici, une minuscule torture là. Ce qui était immoral en temps normal devenait moral en période de crise.
Le secret est un cancer. La déloyauté et l’insatisfaction, une fièvre.
Des individus qui veulent nous diviser. Voilà la véritable maladie qui nous ronge. Et aucun médicament n’en viendra à bout. La désunion ne se guérit pas, elle s’éradique.
Lorsque les catastrophes se produisent, ce n’est ni la volonté, ni l’intelligence, ni le courage qui font la différence. La plupart du temps, c’est une simple question de position dans l’espace.
VII – VIII – IX
La voie lactée ressemblait à une pelote d’épingles lumineuses où chaque étoile brillait avec plus de clarté qu’à l’accoutumée.
Ils veulent juste être en sécurité.
— N’est-ce pas le prétexte éternel aux pires abus ? Ils veulent être en sécurité et peu leur importe de savoir qui en souffrira.
Que dirais-tu d’une patate au four ? »
Il enferma le tubercule entre ses mains. De la fumée commença à s’élever entre ses doigts, et avec elle l’odeur de pomme de terre grillée. Harper saliva. Impossible de résister.
J’aime les hommes qui savent cuisiner. »
J’aimais nourrir ma propre légende. Que l’on guette mon apparition, que l’on chuchote mon nom. Il n’existe aucune drogue aussi addictive que la célébrité.
L’image est poétique, certes, mais on ne voit pas où elle mène.
— C’est tout l’intérêt de la poésie. Dévoiler la substantifique moelle de l’inexplicable, comme dans La Seconde Venue, de Yeats. Et quelle bête brute, tournant, tournant dans la gyre toujours plus large. »
On ne reproche rien à l’allumette qui s’embrase, répondit sa mère. C’est la personne qui la frotte sur le grattoir, la coupable. Toi, tu n’étais que l’allumette.
Hier encore, tu étais à l’article de la mort.
— À ce point-là ?
— J’ai bien cru que tu étais cuit.
Quelques mots de vocabulaire appris :
– nitescence : Lueur, clarté, rayonnement.
– Le lunatum (le semi-lunaire en ancienne nomenclature) est un os de la première rangée du carpe dont le rôle fonctionnel, en duo avec l’os scaphoïde, est fondamental dans la biomécanique du poignet.
– gyre : Un gyre océanique (gyre : du grec « rotation ») est un gigantesque tourbillon d’eau océanique formé d’un ensemble de courants marins. Ces vortex sont provoqués par la force de Coriolis.
– Diaphyse : Tronçon moyen (d’un os long – comme le fémur – ).
– L’os lunatum : l’élément osseux le plus proximal de la colonne du majeur. Il s’articule avec l’os scaphoïde, l’os capitatum, l’os triquetrum et l’os radius. Il permet de transmettre les pressions.