Woods, John «Lady Chevy» (RLH2022)

Woods, John «Lady Chevy» (RLH2022)

Auteur : Auteur américain né à Ely,  John Woods a grandi dans les Appalaches de l’Ohio. Il est l’auteur du roman, LADY CHEVY, et du recueil de nouvelles liées, SOMETHING TENDER (chez l’éditeur Albin Michel en France). Sa fiction se déroule dans la vallée de l’Ohio et explore le désespoir d’une petite ville et la dégradation de l’environnement. Son écriture est un croisement entre le noir littéraire et l’horreur psychologique. Il a publié des nouvelles dans les revues Meridian, Midwestern Gothic, Fiddleblack et The Rag. Il vit à Yorktown, en Virginie. (Source Goodreads)

Albin-Michel – Collection Terres d’Amérique – 01.02.2022 – 480 pages (Traducteur : Diniz Galhos)

Résumé : Amy Wirkner, lycéenne de 18 ans, est surnommée « Chevy » par ses camarades en raison de son surpoids. Solitaire, drôle et intelligente, elle est bien décidée à obtenir une bourse pour pouvoir aller à l’université et quitter enfin ce trou perdu de l’Ohio où la fracturation hydraulique empoisonne la vie des habitants, dans tous les sens du terme. Mais alors qu’elle s’accroche à ses projets d’avenir et fait tout pour rester en dehors des ennuis, les ennuis viennent la trouver.
Convaincue que l’eau de la région devenue toxique est à l’origine des malformations de naissance de son petit frère, elle accepte de participer avec son meilleur ami Paul à un acte d’écoterrorisme qui va très mal tourner. Mais Amy refuse de laisser l’erreur d’une nuit briser ses rêves, quitte à vendre son âme au diable…

« Si Cormac McCarthy avait écrit sur les femmes, il les aurait imaginées comme Amy « Chevy » Wirkner. Un roman terrifiant, entêtant et profond, habile et maudit. Une formidable nouvelle voix. » Tom Franklin, auteur de Braconniers et La Culasse de l’enfer

Mon avis :

Dès la première page, je suis entrée dans l’ambiance du roman… et je n’ai plus lâché le livre.
Comme en plus je suis très sensible à la problématique du gaz de schiste et des dégâts écologiques que son extraction par la fracturation hydraulique engendre, le sujet a été un intérêt supplémentaire dès les premières pages.
Mais le tour de force est de nous faire vibrer en compagnie de personnages plus horribles les uns que les autres … Il y a les racistes (antiblancs – suprémacistes blancs, grossophobes) , les tueurs, les écoterroristes, les nazis, les corrompus, les drogués…
Le mensonge, la haine, la dissimulation … trois termes qui définissent qui est Chevy : une jeune fille totalement amorale …   prête à tout pour quitter son village et aller à l’Université …
La vie est dure pour les jeunes de l’Ohio !
C’est très noir, c’est dérangeant, les personnages semblent penser que la violence est le moyen de tout résoudre… Et Amy semble prête à tout écraser sur son passage pour arriver à ses fins ; d’accord elle a un environnement familial particulièrement nocif, entre son grand- père grand Dragon du Ku Klux Klan dans l’Ohio, son père gentil mais inexistant, sa mère… et son petit frère Stonewall lourdement handicapé… peut-être à cause des gisements de gaz de schiste… et son problème d’obésité n’arrange rien…
Amy est en conflit avec elle-même… et le fait d’évoluer dans une société de violence n’arrange rien…
L’auteur nous  plonge dans l’atmosphère d’une petite ville rurale de l’Ohio et cela fait froid dans le dos…

Un grand merci à Francis Geffard et à la Collection Terres d’Amérique (Albin Michel) de m’avoir permis de découvrir cet auteur.

Extraits :

Pas la peine de se préparer à une formation qu’on n’a pas les moyens de se payer. Ce genre de prise de conscience arrive tôt par chez nous.

Personne ne peut effacer les leçons que j’en ai tirées sur l’humanité, sur ce que nous sommes vraiment. Ce sont nos différences qui nous définissent, qui nous séparent à jamais, malgré tous nos grands discours sur l’égalité.

je pense que les croyances religieuses sont un signe de maladie mentale. D’une peur et d’une haine profondes de la réalité. Je n’en reviens toujours pas qu’un si grand nombre de personnes rejettent le bon sens au profit de ce genre de conte de fées.

Tout ce que je sais, c’est ce que je tiens de Grand-père. Le passé n’est qu’une histoire sur laquelle on tombe d’accord. La vérité réside dans sa propre énonciation.

Nous ne partageons pas les mêmes souvenirs. Ce ne sont que des histoires que je me raconte.

Il était ravi à l’idée que même à notre époque, un livre puisse être dangereux. Ces ouvrages-là n’étaient pas relégués dans des donjons ou des oubliettes. Il les avait tous achetés. Il les avait trouvés impeccablement rangés sur des étagères immaculées, classés par ordre alphabétique. Ils vibraient de puissance, mais personne ne semblait s’en rendre compte. Ils reposaient là, semblables à des pistolets chargés.

Eux ont le droit d’être fiers d’être noirs. Mais toi, nous, on n’a pas le droit d’être fiers d’être blancs. On doit baisser les yeux, ouvrir bien grand la bouche et avaler toutes leurs conneries, pendant qu’ils nous volent la planète entière. Tous ces nègres n’ont jamais construit quoi que ce soit d’important. Regarde un peu comment c’est en Afrique. Tu veux que ton pays ressemble à l’Afrique ? »

« Tu peux être grosse et appréciée, mais pas grosse et détestée. »

L’Occident avait jadis des empires. Et nous les avons laissés pourrir sur pied. Les époques difficiles engendrent des gens durs ; les gens durs font revenir les époques douces ; les époques douces engendrent des personnes molles ; et les personnes molles foutent tout en l’air.

« L’Amérique doit sa place dans l’Histoire à sa conquête génocidaire, à l’asservissement d’autres races, et à une quinzaine de centimètres de terre riche et saine en surface.

La pièce s’obscurcit. Le vent fait trembler les murs, vibrer les baies vitrées, verre noir et pluie d’argent. La tempête racle le toit de ses griffes. Bientôt elle se répandra à travers le plafond.

« Ce matin sur NPR, ils parlaient de la crise démocratique. Des quartiers marginalisés, des non-inscrits sur les listes électorales, de ce qu’ils décrivent comme une discrimination systémique. J’ai perdu le compte du nombre de fois où ils ont pleurniché sur la notion d’injustice.

Maman plante ses yeux dans les siens. Dans sa famille, les regards ne sont pas meurtriers. Ils précèdent le meurtre.

Je brûle tous mes ponts jetés au-dessus de rivières de goudron, cendres au vent, je ne suis plus qu’une île de moi-même.

Les mots n’ont pas de sens. Ils ont simplement des fonctions. La seule chose qui importe, c’est ce que font les mots.

Il y a des affiches célébrant le multiculturalisme, et je me demande quelle culture voudrait bien de moi. Grand-père dit que « diversité », ce n’est que de la novlangue orwellienne, que « le multiculturalisme, c’est le génocide des Blancs ».

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