Bakowski, Solène « Rue du Rendez-vous» (2021)

Bakowski, Solène « Rue du Rendez-vous» (2021)

Autrice : Solène Bakowski est née à Paris en 1981. Titulaire d’une licence de chinois et d’une maîtrise de français langue étrangère, elle a, pendant un temps, partagé sa vie entre la France et la Chine avant d’embrasser la carrière de Professeur des Ecoles.

Romans : Chaînes (auto-édition, juin 2015) – Parfois on tombe (éditions Favre, janvier 2014, lauréat du Prix de la Chapelle-Montreuil 2015) –, Une bonne intention (éditions Bragelonne, 2018, prix des Géants du Polar) – Avec elle/sans elle (en collaboration avec Amélie Antoine, éditions Michel Lafon, 2018) – Un sac (éditions Milady/Bragelonne, 2017) – Miracle (éditions Cosmopolis, 2019)  –  Rue du rendez-vous (Plon 2021)  – Il faut beaucoup aimer les gens (Plon 2022)  –

Plon – 20.05.2021 – 384 pages / Harper Collins Poche – 04.05.2022 – 288 pages

Résumé :
Porté par une narration complice et une magie douce, « Rue du Rendez-Vous » est une merveilleuse invitation au dialogue et au rapprochement entre les êtres. Rien ne prédestinait Alice Beausoleil et Marcel Dambre à se rencontrer. Pour que le vieil homme ouvre sa porte à la jeune femme trempée, il aura fallu une grève des transports, un GPS capricieux et un terrible orage. De leur tête-à-tête inattendu va naître ce qui ressemble à une seconde chance.
Un nouveau rendez-vous avec l’existence, peu importe le temps qui reste… Marcel, quatre-vingt-sept ans, vit rue du Rendez-Vous, reclus dans son atelier de bottier menacé par les bulldozers. Vendeuse en boulangerie, Alice offre son sourire à tous ceux qu’elle croise. En réalité, depuis deux ans, trois mois et quatre jours, en proie à une profonde tristesse, elle s’empêche de vivre. A mesure que la pluie et les heures s’écoulent, le passé resurgit.
Sous l’impulsion de la jeune femme qui l’écoute sans se dévoiler, Marcel raconte la guerre, sa carrière et son amour fou pour sa mère. Et s’il trouvait à son tour la clé pour délivrer Alice de son silence ?

Mon avis :

Dehors il pleut des cordes. L’occasion rêvée pour aller découvrir ce qu’il se cache derrière cette couverture qui m’a titillé l’œil et m’a donné envie de savoir ce qu’il se cachait sous les parapluies qui dansent dans une ruelle toute grise. Merci aussi à Wendall Utroi d’avoir parlé de cette autrice, de l’avoir recommandé je ne sais plus où ni quand … Comme j’aime sa sensibilité, je l’ai retenu et je suis ravie d’avoir suivi son conseil.

Et « Rue du rendez-vous », j’ai fait une magnifique rencontre : celle de Solène Bakowski et de ses personnages plus attachants les uns que les autres mais surtout du duo improbable constitué d’Alice et Marcel. Enfin, pas si improbable que ça, car ils ont beau avoir un paquet d’années qui les sépare, ils ont bien des points communs…
La solitude, un passé qui les ronge, l’importance d’une grand-mère dans une enfance où ils ont été en manque de famille  ( un père absent et une mère qui n’a pas été une mère)…
L’espace de deux nuits, deux cœurs lourds de secrets et de regrets vont s’ouvrir, sans trop bien comprendre pourquoi, dans une ambiance nostalgique, empreinte de compréhension et de douceur, sans que la peur du jugement de l’autre ne vienne fermer le récit de leurs vies. Et au final, le poids du passé va s’estomper et le soleil va briller après l’orage…
Marcel va raconter sa vie, son amour pour sa mère, une jeune femme triste sous une apparence dansante et frivole qui sera toujours le centre de sa vie. Et Alice va elle aussi raconter ce qui la retient à la dernière photographie qu’elle a prise avant de se détourner de sa passion…
Ils sont aussi reliés par leur passion pour une activité artistique : il crée des chaussures et elle photographie des instants de vie.
Un éboueur-illustrateur une boulangère-photographe, une couturière-danseuse, un capitaine-poète, un bottier-conteur : voilà comment l’autrice définit les personnages qui vont traverser ce roman…
Ce roman est un pur moment de grâce, plein d’émotion, tendre, sensible sans jamais verser dans la sensiblerie. La palette des couleurs se fond avec la palette des sentiments, tout en nuances et en petites touches de gris, de noir mais aussi de lumière.
Coté écriture, c’est aussi un plaisir. C’est à la fois poétique et truffé de phrases qui donnent le sourire et tout sonne juste…  Deux personnages dont les noms de famille font penser à l’ombre et à la lumière (Dambre et Beausoleil) …

Ce livre m’a également  fait parfois penser aux livres d’Agnès Ledig, qui évoquent tout en pudeur des situations délicates.

Extraits : ( il a fallu choisir car il y a tellement de phrases que j’aurais voulu citer…)

Parce que tout ce qui est arrivé hier a donné naissance à ce qui arrive aujourd’hui. De tout ce qui arrive aujourd’hui découle ce qui arrivera demain. Quoi que nous fassions, et peu importe le degré d’indépendance et de liberté que nous revendiquions, nous sommes toujours l’enfant de quelqu’un ou de quelque chose.

Dix mètres carrés, c’est trop petit pour ses rêves, c’est un coup à ce qu’ils s’accoutument à être en cage.

— Tenez, vous allez attraper la mort.
Cette phrase idiote qu’il répète depuis qu’il est tout gosse. Pourtant, s’il y a bien une chose que l’existence lui a apprise, c’est que la mort ne s’attrape pas. Elle vous cueille, elle décide, si bien qu’elle en surprend certains en plein vol et en oublie d’autres des siècles après l’atterrissage.

Ah ! le silence, quelle terrible invention… D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si « silence » rime avec « absence ». Si tu veux mon avis, le silence est une aberration.

Elle dit : « Rien n’est sérieux. »
Elle dit : « La vie est un ballet, le ciel un décor, les murs un rideau. »
Elle dit : « La frivolité est la meilleure des armes parce qu’on ne s’en méfie pas. Être apprêté, c’est produire une impression, c’est résister à l’oubli. »

Son père dit qu’un bon photographe ne capture pas, il immortalise. La liberté, c’est la clé. La photographie, c’est offrir au fugace la possibilité d’être éternel. Comme s’il sentait le départ tout proche et qu’il fallait s’empresser de tout graver.

2 Replies to “Bakowski, Solène « Rue du Rendez-vous» (2021)”

  1. Ha lala…. quelle jolie lecture…. Au début, j’avais l’impression d’être une spectatrice dans un cinéma de quartier. La façon de camper les personnages. A la manière du film Amélie Poulin…
    Puis ces récits de Marcel et Alice. A tour de rôle ils m’ont tiré les larmes même si tu le dis, il y a pas de sensiblerie. Un beau moment de lecture. Merci…

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