Tyrewala, Altaf « Aucun Dieu en vue » ( 2007) – 208 pages

Tyrewala, Altaf « Aucun Dieu en vue » ( 2007) – 208 pages

Auteur:
Né en 1977 à Bombay, Altaf Tyrewala aime à dire qu’il vit « à Bombay et à Mumbai ». Après avoir étudié aux Etats-Unis, il a exercé plusieurs métiers et se consacre désormais à l’écriture. Aucun dieu en vue est son premier roman. Il vit actuellement à Dallas où il occupe un poste d’analyste dans une université d’entreprise.

Actes Sud – Littérature Lettres indiennes – 28.02.2007 – 208 pages / Babel – 07.11.2018 – 208 pages (traduit par Marc Royer)

Résumé:
Délirante mégapole, capitale de tous les possibles, Bombay – aujourd’hui Mumbai – est sans doute le lieu où bat avec le plus d’intensité le cœur volubile d’une Inde plus que jamais en devenir.
Cette cité-monde dont il a une connaissance intime, dans ses lignes de fracture comme dans ses tensions, le jeune romancier Altaf Tyrewala en propose une exploration inédite à travers quelques individus emblématiques ou insolites auxquels il donne successivement la parole. Entrent ainsi dans la lumière du récit l’avorteur, aussi cynique qu’incompétent, le marchand de chaussures à la remorque de son « rêve américain » ou cet adolescent hindou en mal de virilité auquel le fanatisme offre un exutoire… Mais on rencontrera également, entre autres, un paysan musulman persécuté qui a trouvé refuge dans un bidonville perché au dix-septième étage d’un immeuble ; une entremetteuse; un fakir; un tueur de poules; un agent de police presque étonné de se voir mis à pied pour corruption ; un journaliste de télévision sans états d’âme ; un terroriste ; un mendiant acculé à la toxicomanie ; un homme d’affaires coupé du monde…
Singulières, distinctes, toutes ces voix, qui se succèdent et s’enrichissent de l’écho des précédentes, font l’effet de cris jetés à la face de la cité géante comme pour déchirer l’indifférence de la rumeur immense et séculière qui monte de ses rues innombrables. Orchestrant avec audace cette polyphonie puissante, Altaf Tyrewala donne à entendre la bande-son secrète de sa ville, multiple et bien-aimée.

Mon avis:
Que dire, c’est un joyeux foutoir, à l’image de la ville de Bombay…
Une succession de chapitres très courts en général qui racontent chacun l’histoire d’une personne (et de sa famille souvent). Fait intéressant, les personnages forment une sorte de chaîne qui se passent la parole au fil des chapitres. On y croise un bel échantillonnage d’individus, de tous les milieux, hommes et femmes, riches et pauvres, jeunes et vieux, instruits ou incultes. Un mélange des traditions et du monde moderne, de la diversité, à l’image de la ville…

Vivant, coloré, le roman donne la parole à une quarantaine d’intervenants, survole la société de Bombay, raconte la vie quotidienne et les problématiques : l’avortement, les bidons-villes, les problèmes de religion, la drogue, la mendicité, la volonté de quitter l’Inde pour un ailleurs meilleur… Un avorteur ouvre et ferme le défilé des personnages. La boucle est bouclée.
Il me restera principalement l’image du vieil hindou qui s’est converti à l’Islam, du bidon-ville installé au 17ème étage, du jeune qui veut changer de nom…
Une collection d’instantanés pour nous donner un aperçu d’une ville toujours en mouvement. Bien aimé ce roman « album photo ».

Extraits:

Je ne peux pas me permettre de rester trop longtemps sans dieu. Je n’ai pas d’autre moyen d’échapper à moi-même que la religion – ou l’illusion. Appelez ça comme vous voulez. 

Quand l’estomac crie famine, qu’on n’a plus que la peau sur les os, l’argent est le seul dieu qui puisse répondre à nos prières. Comment faire comprendre ça aux idiots qui peuplent cette planète ? Comment le faire comprendre, à l’époque, aux idiots de ma propre famille ?

La vulgarité sans détour du saint homme me stupéfie. Qu’elles sont loin les histoires de dieux scorpions, les univers nébuleux. Pour la première fois, le discours du mabant est sans ambiguïté.

À Barauli, mon village, ils ont chassé tous les musulmans. Le mahant a dit que nous étions des étrangers. Nous avons dû abandonner nos maisons, nos boutiques ; certains d’entre nous ont fui à Bombay, d’autres à Hyderabad…

Je pensais que les personnes âgées revivaient leurs souvenirs jusque dans les détails les plus insipides. C’est peut-être vrai au moment de la mort. En tout cas, pour ma part, je suis capable de conjurer tous mes hiers comme autant de génies dérisoires. Dans mon sommeil, je ne vais nulle part, je ne regrette rien, personne ne me manque.

Mais, comme toute femme le sait bien – ou devrait le savoir –, un homme ne parle comme un homme que lorsqu’il a le moins le sentiment d’en être un.

Dans ce lotissement où les appartements n’ont qu’une seule pièce, tout le monde se change sur le balcon. On se déshabille aux yeux du monde extérieur pour que ceux qui comptent, à l’intérieur, ne nous voient pas tout nus.

Les enfants sont les ultimes racines des déracinés.

Il se plaît à dire que fumer, c’est comme croire en Dieu : on n’a pas de bonne raison, ça fait du bien, c’est tout.

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