Barde-Cabuçon, Olivier «Les sept vies du Moine» (2024) 317 pages (série du «Commissaire aux morts étranges – tome 09»
Auteur : Olivier Barde-Cabuçon vit à Lyon. Après un début en cabinet d’avocat, il exerce ses talents de négociateur dans un groupe international. Il écrit ses romans le week-end et pendant les vacances Féru de littérature, d’art et d’histoire, son goût pour les intrigues policières et son intérêt pour le XVIIIe siècle l’ont amené à créer le personnage du « commissaire aux morts étranges ». Il a également écrit d’autres romans comme « Les Adieux à l’Empire » (2016) , « Le Détective de Freud » (2010), «Le Cercle des rêveurs éveillés» (2021), «Hollywood s’en va en guerre» (2023)
article global sur la série du « commissaire aux morts étranges »
9ème enquête du Commissaire aux morts étranges
Paru chez Actes Sud /Actes noirs 06.03.2024 —317 pages
Résumé :
Lyon, 1760. De retour du Caire et entouré de sa compagne égyptienne, l’envoûtante Yasmina, et de son père, le fameux moine hérétique, le chevalier de Volnay se retrouve confronté à une série de morts mystérieuses. Chaque victime a été immolée par les flammes.
Le commissaire aux morts étranges devra plonger au cœur des secrets de la ville, dans les hautes sphères du pouvoir, entre vol de formules chimiques, découverte d’un cabinet aux multiples curiosités et d’une surprenante loge maçonnique. Le moine, quant à lui, devra échapper à une sombre prédiction.
Mon avis :
Ah comme ils me manquaient les personnages de cette série ! Et mon préféré, le Moine Guillaume, qui est à l’honneur dans ce tome. Mais il n’y a pas que lui! J’ai retrouvé avec plaisir le chevalier de Volnay, la belle Hélène – qui entretient toujours une relation ambiguë avec le Moine – et Yasmina la belle Egyptienne qui était déjà présente dans le tome précédent et va incarner pour les occidentaux la déesse Isis, nous faire rêver comme dans le tome précédent qui nous parlait de l’Égypte des Mille et Une Nuits et de Shéhérazade. Une fois de plus l’auteur allie l’Histoire, la mythologie et l’histoire avec une maitrise parfaite.
Nous sommes en l’an 1760, dans la ville de Lyon, ville de naissance du Moine, homme de très vieille noblesse qui a l’avantage de bien la connaitre et qui de plus nous raconta son histoire. Le meilleur guide possible pour se faufiler dans les endroits glauques à l’ambiance malsaine (avec bien évidemment Olivier Barde-Cabuçon).
Lyon qui est un personnage à part entière de ce roman : la ville est non seulement décrite mais elle vit et fait partie intégrante de l’histoire. Elle est angoisse avec ses traboules et ses lieux sombres, elle est odeurs, elle est traditions, elle est sons avec ses expressions régionales, elle est goût avec ses spécialités culinaires, comme les bugnes et les atteraux… Et elle est couleurs, élément primordial dans la ville de la soie; et qui dit couleur dit formules… et la formule du rouge va faire l’objet de toutes les convoitises.
On ajoute à cela un panel de personnages hauts en couleurs! Un comte italien on ne peut plus suspect, escroc, manipulateur, alchimiste et sa comtesse – les d’Offrandini – , Veronika, une guérisseuse aux dons exceptionnels, une galerie de « monstres difformes » qui forment un « cabinet de curiosités » bien étrange …
Sartine, le lieutenant général de police du royaume que j’ai beaucoup fréquenté en compagnie de Nicolas Le Floch est de la partie. Difficile pour lui d’admettre qu’il a besoin de son Commissaire aux morts étranges alors que celui-ci est en exil au Caire et que son poste est occupé par une autre personne de manière provisoire.. et qui, malin comme un singe à son habitude va trouver le moyen de le faire rentrer au pays en s’appuyant sur les relations de la belle Helène… Car il n’est pas question de ne pas assainir Lyon avant la visite du Roi !
Côté histoire (avec un petit h) on ne s’ennuie pas une seconde : les gens s’enflamment comme des torches, un messie est de la partie, un vicomte est pourfendu… Les coupables potentiels ne manquent pas, les mobiles sont nombreux …
Enfin l’auteur a le chic pour me faire voyager dans des lieux que je connais et que j’adore : Venise, L’Egypte, la belle ville de Lyon… Il me faire rire, me surprend avec son humour et ses trouvailles linguistiques et me ravit en m’apprenant toujours des choses sur les endroits qu’il traverse..
Je rajoute que bien sûr il est bon de lire les séries en commençant par le début mais si vous n’avez pas encore fait connaissance de l’attachant Commissaire aux morts étranges, ce livre vous donnera certainement envie de rattraper les aventures perdues…
Une fois encore : coup de coeur
Extraits :
Comment expliquer une folie ? Avec Hélène, il avait l’impression de poser sa raison sur un échafaudage branlant qui ne pourrait supporter longtemps le poids de ses pensées.
un pas de côté, c’est toujours un pas de trop. Il vaut mieux faire un pas pour aller de l’avant.
— Oh, la vie, la mort, ça va et vient comme la queue du chien.
Je connais le patois d’ici et donc je cancane, japille et je marche dans la gassouille !
De toute manière, je suis solide comme un chêne et je n’ai pas peur des glands de ce monde !
Il est toujours dangereux de mourir dans ses rêves. Une nuit, j’ai rêvé que j’étais choisie par Sheytan. À un moment, j’ai senti sa main se poser sur mon épaule. Ses doigts m’ont agrippée pour m’entraîner avec lui dans les ténèbres. Heureusement, je me suis réveillée. J’ai ouvert les yeux et j’ai senti sa main se retirer de mon épaule ou plutôt se dissoudre comme du sable. Depuis, je récite des vers du Coran avant de m’endormir mais je prie aussi Isis par précaution.
En matière de religion, Yasmina faisait l’union entre l’Égypte d’hier et celle d’aujourd’hui avec une étonnante facilité.
On a beau dire, quand la société serre les fesses, les espaces de libertés individuelles se rétrécissent.
— La vie n’est pas que couleurs, remarqua Guillaume.
— Et elles possèdent toutes une signification. Le bleu pour le rêve et l’évasion.
— Aussi pour le froid.
— Le jaune pour la lumière et la prospérité. Le vert pour la chance ou la liberté. Quant au rouge…
Chez nous le noir est le symbole de la renaissance, des dieux Anubis et Min, le rouge est la couleur sacrilège, celle de Seth. On note à l’encre rouge les mots maudits.
Soit je me recouche afin de poursuivre mes rêves, soit je me lève pour les réaliser !
Chez moi, les âmes des morts sont jugées afin de faire reconnaître leur droit à une vie éternelle. Ayant été tué et dépecé avant de renaître, Osiris est souverain du bas comme du haut. Les morts doivent lui rendre compte de leurs actes sur Terre et leurs paroles sont pesées à la plume de Maät, déesse de la vérité et de la justice.
j’ai combiné le soleil et la lune pour obtenir ce que nous appelons la “queue du dragon”. Les alchimistes l’appellent l’œuvre au noir car le mélange se putréfie dans cette couleur.
— Le choix le plus important n’est pas le dernier que vous avez fait mais toujours celui à venir. Votre décision la plus importante, c’est la prochaine !
Image : Lyon, quartier Saint-Clair en 1760 – Source : Jean-Jacques de Boissieu, 1736-1810 : les dessins dans les collections publiques / Marie-Félicie Pérez-Pivot (Silvana Editoriale)