García Sáenz de Urturi, Eva : « Un piège de papier » (2024) 544 pages Série Kraken tome 3

García Sáenz de Urturi, Eva : « Un piège de papier » (2024) 544 pages Série Kraken tome 3

Autrice: Eva García Sáenz de Urturi (née à Vitoria-Gasteiz, Pays basque, 20 août 1972) est une romancière espagnole.

Romans:
Série Kraken – La ville blanche : Le silence de la ville blanche (tome 1)  Les rites de l’eau (tome 2) – Un piège de papier (tome 3) – El Ángel de la ciudad (tome 4) – El libro negro de las horas (tome 5)
Série – La saga des Longevos  ( à paraître en français fin 2024 et 2025) : La Vieja Familia  (tome1) – Los Hijos de Adán  (tome 2) –
Autres: Pasaje a Tahití – Aquitania

Fleuve noir – 15.02.2024 – 544 pages / (traduit par Judith Vernant) – titre original « Los señores del tiempo »

Résumé:

Et si l’histoire se répétait ? Alors que la récente publication d’un roman historique, « Les Seigneurs du temps », rencontre un immense succès auprès des habitants de Vitoria, l’inspecteur et profiler Unai López de Ayala, dit Kraken, est confronté à des meurtres aussi cruels qu’abjects. Quand il comprend que le modus operandi imite celui des exécutions moyenâgeuses décrites dans le livre, l’auteur devient rapidement un suspect.
Or, personne ne connaît ni son nom ni son visage. Pour démêler le vrai du faux dans cette enquête, Kraken devra creuser dans le passé de la ville et affronter ses propres démons. Car, entre les pages de ce manuscrit maudit, se cache un lourd secret…

Mon avis:
Rare que je me dise que le tome 3 est mon préféré mais c’est le cas. Et pourtant la barre était haute avec les précédents. La série est à la fois historique, thriller actuel et psycho-psychiatrique. Les personnages sont complexes et attachants. Tout pour me plaire. Et une fois de plus – je dis et le redis – la littérature espagnole ( de toute les régions) devient de plus en plus ma favorite.
Un roman qui nous plonge dans deux époques :
– au Moyen-Age, en 1192, au Pays Basque, dans la ville de Vitoria, en pleines guerres dynastiques
– en 2019 : l’inspecteur/profiler Unai López de Ayala est confronté à une succession de meurtres qui sont la copie conforme de meurtres d’inspiration médiévale , tels l’emmurement , l’utilisation de la  poudre de cantharide officinale ou mouche espagnole, la peine du sac, les ordalies (jugement par l’eau et le feu)
Cela coïncide avec la sortie d’un roman « Les seigneurs du temps », publié sous le pseudonyme Diego Veilaz et qui encontre un énorme succès.
Cette enquête va nous permettre de visiter la région de Vitoria et d’en savoir plus sur son histoire, de retrouver tous les personnages des deux tomes précédents, de découvrir le personnage d’Unai plus en profondeur et – en même temps que lui – une partie de son passé.
Coté pathologies et troubles du comportement, on plonge, avec le seigneur de la tour de Nograro, dans le monde des troubles  de dissociation de l’identité. Et une fois encore le psychopathe est gratiné !

J’ai une fois de plus aimé le mélange des histoires personnelles et de l’enquête, l’implication des enquêteurs tant au niveau professionnel que l’intensité dramatique qu’apportait le coté « privé ».
Et je vais m’arrêter là en vous recommandant de lire cette série. Certes il est possible de lire ce tome sans avoir lu les précédents mais ce serait dommage.
Je ne peux pas m’empêcher de me poser la question du changement de titre ? Pourquoi ne pas avoir gardé le titre original « Les seigneurs du temps » ? (bien que le titre français soit en parfaite adéquation avec le roman)

Pour terminer, l’autrice nous dit : « ce livre constitue le carrefour de mes deux univers littéraires : La Trilogie de la Ville Blanche et La Saga de los Longevos. »
(La Saga de los Longevos va paraître fin 2024 /2025 en français )

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Extraits:

Ce n’était pas un livre, mais un piège de papier, une embuscade de mots… et il n’y avait pas moyen d’y réchapper.

Mais la victime… La victime occupait la une de tous les journaux du pays. Sa vie privée, qu’il avait jalousement préservée de son vivant, s’en était allée par la bonde de la salle d’autopsie.

Elles ne croyaient jamais en mes premières hypothèses, mais ça ne m’empêchait pas de continuer. C’était ma façon de travailler: je lançais des lignes dans toutes les directions jusqu’à ce que ça morde, puis je tirais les fils.

Ne le répétez à personne ou on va me prendre pour une folle… C’est juste que chez moi les sens sont tout mélangés : les couleurs ont une odeur et les sons ont un goût. Pour moi, chaque personne a une couleur différente. J’ai toujours été comme ça.

Combien de temps met-on à parler au passé d’une personne qu’on a énormément aimée ?
Cinq jours en moyenne, songeai-jeJe ne le dis pas. Ce n’était pas le moment de parler statistique.
— Ça dépend des gens, je le crains, répondis-je à voix basse.

j’avais écrit une phrase de Joan Margarit : « Une blessure est aussi un endroit où vivre. »

— Les psychopathes narcissiques s’ennuient, récitai-je. Ils se lassent vite des personnes et des choses, comme un enfant gâté qui balance son nouveau jouet au bout de quelques minutes. Ils se moquent des conséquences de leurs actes. Ils ne pensent qu’à manipuler les gens pour atteindre leurs objectifs

Les psychopathes n’ont aucune empathie, ils sont incapables de se mettre à la place de quelqu’un qui souffre, mais ils savent simuler à la perfection les sentiments qu’on attend d’eux dans toutes les situations. Ce sont des caméléons émotionnels, ils fonctionnent comme ça.

Je lui enviai son incrédulité, car si j’avais pu regarder à nouveau la mort ainsi, cela signifierait que je n’étais pas habitué à vivre sans tous ces êtres que j’avais perdus. 

C’est une déesse, elle aussi. C’est même la plus importante de toutes les déesses. Autrefois, les gens l’appelaient Lur. Lur est une fileuse, tu vois, et elle aime tisser la nuit sous la lune décroissante. Elle tisse les fils du destin.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si mes parents m’ont baptisé suivant la tradition de nos ancêtres : Diago, Diego, Didaco, Didacus, Tiago, Santiago, Iago, Yago, Jacobo… Ce sont des noms récurrents dans notre lignée. Ils viennent du grec didasko, qui signifie « instruire ». Les noms sont importants, tu ne crois pas ? Ils définissent notre vie. 

Il paraît que la douleur déshumanise tellement les malades que les aidants ont eux-mêmes besoin d’être aidés. 

— Je suis venu aujourd’hui vous parler des troubles de la personnalité antisociale et en particulier des psychopathes intégrés, ceux qui se cachent parmi nous sous un masque de normalité, et des techniques qui existent pour les dépister. En tant que profileurs, la première chose à faire est d’oublier vos idées préconçues. Le public a tendance à penser que nous cherchons des monstres inadaptés, des croque-mitaines au crâne difforme, comme si nous étions des phrénologues du XIXe siècle. En réalité, le tueur en série est le plus souvent un professionnel chevronné, un expert dans son domaine, qui consiste à tuer en passant entre les mailles du filet. C’est pourquoi les tueurs en série sont si difficiles à arrêter. Ils évoluent. Ils développent des stratégies pour nous glisser entre les doigts, pour passer sous les radars, grâce à une façade sociale qui les rend insoupçonnables. 

Aussi incroyable que ça puisse paraître, nous sommes incapables de détecter le mal absolu chez une personne, simplement parce que nous la trouvons gentille et charmante. Les psychopathes utilisent cette dissonance cognitive à leur avantage. Ils exploitent notre incapacité à discerner la manipulation à l’œuvre quand nous sommes abusés, voire agressés physiquement ou verbalement par un individu charismatique.

Pour entrer dans la tête de leur victime, les psychopathes suivent la stratégie du caméléon : l’imitation. Ça se passe dans la plupart des cas en quatre étapes. Première étape : flatter l’ego de la personne, la complimenter, en particulier si elle a une faible estime d’elle-même. Deuxième étape : devenir l’âme sœur de la victime. Toi et moi, on est pareils, on était destinés à être ensemble. Troisième étape : gagner la confiance de l’autre. Tu peux compter sur moi, raconte-moi toutes tes faiblesses. Enfin, à la quatrième étape, le psychopathe est perçu comme l’ami idéal, le compagnon idéal, le fils ou le frère idéal…

on ne peut pas guérir un psychopathe. Ils ne répondent pas à la psychothérapie. Au contraire, la thérapie peut aggraver les choses, à moins qu’ils soient détectés très tôt et rééduqués. Pourquoi ? Parce que la psychopathie n’est pas une maladie. C’est une manière d’être.

N’essayez pas de changer un psychopathe ou de le pousser à consulter. Il vous détruirait. Je n’ai donc qu’un seul conseil à vous donner. Quand vous identifiez un psychopathe, il n’y a qu’une solution : zéro contact. Laissez tout tomber et fuyez.

Nous étions passés à la deuxième étape : les justifications. La partie la plus déplaisante de mon travail. Écouter la litanie d’excuses ignobles que tous les criminels invoquaient quand ils étaient contraints d’admettre leur culpabilité. Violeurs, assassins, escrocs, braqueurs, agresseurs… Ils entraient tous dans cette pièce sous une sorte d’anesthésie morale que je tolérais de moins en moins bien.

Les actes des narcissiques sont comme des pierres lancées dans une mare. Ils provoquent des ondes qui deviennent des vagues et finissent par dévaster la vie de ceux qui les entourent.

Info:
Le kraken ([krakɛn] ; transcription « krakenn ») est une créature fantastique issue des légendes scandinaves médiévales. Il s’agit d’un monstre marin de très grande taille et doté de nombreux tentacules.

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