García Sáenz de Urturi, Eva : « Les rites de l’eau » – 2022 – 604 pages Série Kraken tome 2
Autrice: Eva García Sáenz de Urturi (née à Vitoria-Gasteiz, Pays basque, 20 août 1972) est une romancière espagnole.
Romans:
Série Kraken – La ville blanche : Le silence de la ville blanche (tome 1) – Les rites de l’eau (tome 2) – Los señores del tiempo (tome 3) – El Ángel de la ciudad (tome 4) – El libro negro de las horas (tome 5)
Série – La saga des Longevos ( à paraître en français fin 2024 et 2025) : La Vieja Familia (tome1) – Los Hijos de Adán (tome 2) –
Autres: Pasaje a Tahití – Aquitania
Fleuve noir – 07.02.2022 – 541 pages / Pocket – 13.04.2023 – 604 pages (traduit par Judith Vernant)
Résumé:
Le deuxième volet de la pentalogie de la ville blanche ! Pays basque espagnol, 2016. Un tueur en série s’attaque aux femmes enceintes. Comble de l’horreur, l’individu semble s’inspirer d’un rite ancestral consistant à brûler les victimes avant de les pendre par les pieds pour les immerger dans un chaudron datant de l’âge de bronze. L’affaire est aussitôt confiée à l’inspecteur et profiler Unai López de Ayala, dit Kraken.
Appelé sur la première scène de crime, ce dernier découvre, horrifié, que la victime n’est autre qu’Ana Belén Liano, son amour de jeunesse. Une révélation qui va replonger l’inspecteur vingt-cinq ans en arrière, dans un passé qu’il croyait profondément enfoui…
Mon avis:
Nous voici de retour au Pays Basque, à Vitoria et alentours. En compagnie de Unai que nous avions laissé en bien mauvais état à la fin du tome 1 et qui n’est toujours pas remis de ses blessures: il souffre d’aphasie et n’a toujours pas repris officiellement du service. Mais quand un corps de femme est découvert, tout comme dans le premier tome, le passé rattrape Unai et l’enquête devient personnelle. En effet la femme assassinée est sa première petite amie. Elle a été victime d’un meurtre rituel, « La Triple Mort » (brûlée , pendue et noyée) et ceci dans un lieu sacré.
Nous retrouvons également la même équipe d’enquêteurs avec quelques petits nouveaux. Nous en apprenons davantage sur la jeunesse d’Unai et allons faire connaissance de ses amis d’enfance, qui vont vite se retrouver au centre de l’enquête.
En plus de l’enquête, j’ai aimé le coté « personnel » et j’ai trouvé les personnages de plus en plus attachants. Le grand-père, le frère handicapé et amoureux, la relation avec Alba qui attend un enfant, les thèmes du deuil, de l’adolescence, des relations parents-enfants, la maternité, la paternité, le complexe d’Electre et d’Œdipe…
J’ai adoré la légende de la malédiction des trois vagues, et la découverte de certains aspects de la mythologie celte qui m’a donné l’envie d’approfondir mes connaissances sur le sujet. (Je pense me plonger prochainement dans « La mythologie du monde celte » de Claude Sterckx)
C’est un thriller psycho-psychiatrique extrêmement bien documenté, qui mêle passé proche et présent, légendes, mythologie, histoire de la région de Cantabrie et du Pays Basque.
Le deuxième tome n’a rien à envier au premier. Dès le tout début j’ai accroché et je vais très prochainement continuer à lire la suite. Je ne veux pas en dire plus pour ne pas divulgâcher… Il y a du suspense, des pistes multiples à explorer, des endroits à découvrir, une course contre la montre, de l’émotion…
Je conseille de commencer par le premier tome même si l’enquête peut être lue individuellement mais c’est tellement important de suivre les personnages…
Extraits:
On dit qu’il y a deux types de relations mère-fille possibles. Celles qui sont sur le même modèle : classique et classique ou rebelle et rebelle. Et les opposées : mère classique et fille rebelle, ou inversement. Ma mère et moi, on est comme l’eau et l’huile.
Nous sommes tous les descendants de ceux qui ont survécu à la période de l’enfance et qui ont pu se reproduire avant de mourir. Dans notre ADN, nous portons à la fois les gènes des victimes et ceux des assassins.
Dans un crime rituel, le rite et le sacrifice ont plus d’importance que la victime elle-même, ce qui signifiait que ça pourrait recommencer.
— Autrefois, les anciens choisissaient de s’identifier à un animal dont ils admiraient les qualités. C’était leur façon de se les approprier. Fais comme eux, porte fièrement ton totem.
— Le kraken appartient au bestiaire légendaire depuis le Moyen Âge. On en trouve des représentations sur les portulans, les premières cartes marines, à côté du serpent de mer ou du Léviathan. Il apparaît aussi dans les textes nordiques, les eddas que déclamaient les scaldes – les poètes vikings. Et mille ans plus tard, il s’avère que le kraken existe réellement. Des spécimens viennent s’échouer ici même, sur les côtes de Cantabrie. Pour moi, c’est un animal extraordinaire, un survivant discret, une force de la nature colossale qui n’a pas besoin de se montrer.
L’art, l’argent, l’ego le laissaient de marbre. Son moteur était ailleurs.
Par conséquent, et parce que la mort de ses parents restait une plaie ouverte, son choix fut vite fait : police criminelle.
Mythologie (extraits du roman)
- Dans la mythologie celtique, les gardiens des Rites de l’eau des Matres, les déesses-mères, sont trois personnages portant une capuche.
- Cette triade est associée à la fertilité féminine, naturelle et humaine. Les Matres sont associées aux Genii Cucullati, qui sont leurs gardiens : un trio de “génies encapuchonnés”, également liés à la fertilité.
- Taranis, le dieu-père dans la mythologie celte
– Il s’agit de rites propitiatoires, en lien avec la fertilité. L’eau symbolise le sperme qui engendre la vie.
– La Triple Mort s’inscrit dans un fonds mythique indo-européen très ancien, dont l’origine est antérieure à l’âge de Bronze. On la retrouve dans l’imaginaire celte du pourtour atlantique, jusqu’en Hispanie, et dans des traditions littéraires populaires d’origine celte en Galice, dans les Asturies et en Cantabrie… mais pas seulement - Pour les Celtes, la déesse Ivulia est liée au culte des eaux
– Par ici, on appelle ce massif la Sierra de Cantabria, mais son nom d’origine, c’est Sierra de Toloño, du dieu vardule préromain Tullonius ou Tulonio. Teutatès, chez les Celtes. - Deba, leur expliqua-t-il autour du feu la veille au soir, est un théonyme celtibère qu’on retrouve sur toute la Côte cantabrique. Dans les Asturies, en Galice, au Pays basque… des fleuves, des montagnes, des villages, des plages portent le nom de Deba, qui provient du terme indo-européen deywo. Dans la langue celte, il signifie tout simplement « déesse ».
Quant au toponyme de Deba ou Deva, il se réfère à l’une des divinités les plus importantes du panthéon celte : la triade des déesses Nabia, Reva et Deva. Pour moi, il est clair que cette légende renvoie à des thématiques archaïques de fécondité
Image : Chaudron de Cabárceno (Museo de Prehistoria y Arqueología de Cantabria) source: Wikimedia Commons