Garcia Lorca, Federico « Jeu et théorie du duende » (1930) 64 pages

Auteur:
Federico García Lorca (Federico del Sagrado Corazón de Jesús García Lorca) est un poète et dramaturge espagnol, également prosateur, peintre, pianiste et compositeur né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade et exécuté sommairement le 19 août 1936 entre Víznar et Alfacar par des milices franquistes.
Il est l’un des poètes européens les plus importants du début du xxe siècle.
Editions Allia – 2008 – 64 pages Traduit de l’espagnol par Line Amselem (Juego y teoría del duende – Edition bilingue.)
Résumé:
Texte d’une conférence prononcée en 1930, Jeu et théorie du duende “donne une leçon simple sur l’esprit caché de la douloureuse Espagne.” Mot espagnol sans équivalent français, le “duende” dérive, au sens étymologique du terme, de l’expression : “dueño de la casa” (maître de la maison). Le duende serait un esprit qui, d’après la tradition populaire, viendrait déranger l’intimité des foyers. Son second sens est enraciné dans la région andalouse. Le duende désignerait alors “un charme mystérieux et indicible”, rencontré dans les moments de grâce du flamenco, apparentés à des scènes d’envoûtement. Ces significations se rejoignent dans l’évocation d’une présence magique ou surnaturelle. Le duende provient du sang de l’artiste. “C’est dans les ultimes demeures du sang qu’il faut le réveiller”, écrit Lorca. Le duende serait une sorte de vampirisation qui injecterait un sang neuf à l’âme. De ce fait, il flirte avec la mort. En tant que forme en mouvement, García Lorca énonce que “le duende est pouvoir et non œuvre, combat et non pensée”. Là où le duende s’incarne, les notions d’intérieur et d’extérieur n’ont plus lieu d’être. Si le duende est universel et concerne tous les arts, c’est dans la musique, la danse et la poésie orale qu’il se déploie pleinement, puisque ces arts nécessitent un interprète. Or, le duende n’existe pas sans un corps à habiter. Ce minuscule décalage du regard qui donne à voir l’intervalle entre les choses, bouleverse le mode de pensée cartésien.
Présentation: ( (Traduire le duende)
EN 1933 et 1934, Federico García Lorca prononce sa conférence Jeu et théorie du duende à Buenos Aires et à Montevideo. Il annonce “une simple leçon sur l’esprit caché de la douloureuse Espagne”. Tenter de dire l’essence de son pays est une entreprise ambitieuse. Ce je-ne-sais-quoi qui fait l’Espagne – ou plutôt l’Andalousie – c’est le duende. Mais qu’est-ce que le duende ? Selon les dictionnaires un esprit follet qui viendrait troubler certaines maisons (son étymologie “dueño de la casa” signifie “maître de la maison”). On le représente dans les contes populaires sous les traits d’un enfant ou d’un vieillard. On appelle aussi duende un chardon très sec et épineux d’Andalousie et enfin, le charme mystérieux et ineffable du flamenco. Dans toutes ses acceptions, le duende est insaisissable, Lorca ne le définit jamais et l’on ne peut pas le traduire. Pour le montrer, le poète échafaude une théorie générale de l’art qui distingue trois types de moteurs pour la création : l’ange, la muse et le duende, qui passe par le sang et par le corps. Lorca s’appuie sur de multiples exemples : Bach, Thérèse d’Avila, Giotto, les chanteurs et les danseurs gitans. Tous nous deviennent familiers, sans nul besoin d’érudition, par la voix du poète. Car la conférence elle-même est une démonstration de duende. Les journalistes qui témoignent de sa prestation ne s’y trompent pas, ils évoquent son accent marin, son corps de boxeur, car ils savent à leur tour ce qu’est le duende, mais ne l’expliquent pas.
Mon avis:
Duende et flamenco sont complémentaires et indissociables dans la culture de l’Espagne, et surtout de L’Andalousie. Lorca lui l’associe a un concept universel et pas seulement au flamenco… On associe aussi le Duende à la couleur noire, aux sons de la guitare gitane, aux superstitions, aux esprits, aux muses, aux anges noirs , à la douleur qui surgit de l’intérieur des êtres, à la mort. Le flamenco, ce n’est pas que la danse, c’est aussi le chant et la musique qui viennent du « ventre », quand l’émotion se conjugue avec ce qui vient des tripes et que l’artiste se transcende, et ou la prestation s’apparente au mysticisme, à la communication avec l’âme, à la grâce, les voies et êtres surnaturels, les choses qui ne s’expliquent pas et qui se ressentent aux tréfonds de nos entrailles. C’est viscéral, caché, sombre, noir, douloureux, insaisissable, ça parle de la douleur, de la souffrance, du drame, de la mort, . C’est un cri qui vient de loin, qui exprime toute la douleur qui vient du fond des âmes.
Extraits:
“Tout ce qui a des sonorités noires a du duende.” Et il n’y a rien de plus vrai.
es sonorités noires sont le mystère, les racines qui s’enfoncent dans le limon que nous connaissons tous, que nous ignorons tous, mais d’où nous vient ce qui a de la substance en art.
Tous les arts peuvent accueillir le duende, mais là où il trouve le plus d’espace, bien naturellement, c’est dans la musique, dans la danse, et dans la poésie déclamée, puisque ces trois arts ont besoin d’un corps vivant pour les interpréter, car ce sont des formes qui naissent et meurent de façon perpétuelle et dressent leurs contours sur un présent exact.
Texte de conférence sur « le duende » (lu en rapport avec le livre « Les danseurs de l’aube » de Marie Charrel )
One Reply to “Garcia Lorca, Federico « Jeu et théorie du duende » (1930) 64 pages”
Peut-on également appliquer ce « charme mystérieux et ineffable » à la poésie et d’autres arts ? Une sorte d’imprégnation de l’âme de l’artiste lorsqu’il crée ?
La notion est intéressante.