Hardy, Thomas «Le Maire de Casterbridge» (1886)

Hardy, Thomas «Le Maire de Casterbridge» (1886)

Auteur : Thomas Hardy, né le 2 juin 1840, mort le 11 janvier 1928, est un poète et écrivain britannique appartenant au courant naturaliste. Auteur devenu aujourd’hui classique, il a tout particulièrement influencé D. H. Lawrence. Il a reçu l’ordre du Mérite en 1910.
Il se considérait lui-même d’abord comme un poète, n’écrivant des romans que pour gagner sa vie. La majorité de son œuvre, qui se déroule essentiellement dans la région fictive du Wessex, dépeint des personnages en lutte contre leurs passions et les circonstances. Sa poésie, publiée après ses cinquante ans, est jugée d’une qualité égale à ses romans, surtout depuis sa relecture par un groupe d’écrivains anglais, The Movement, dans les années 1950 et 1960. De 1871 à 1896, il écrit quinze romans et quatre recueils de nouvelles. Le Trompette-major (1880), Remèdes désespérés (1871) Loin de la foule déchaînée (1874), Le Retour au pays natal (1878), Le Maire de Casterbridge (1886), Les Forestiers (1887), Tess d’Urberville (1891), Jude l’Obscur (1896), À la lumière des étoiles (1882), La Bien-aimée (1897), Les Yeux bleus (1873), Sous la verte feuillée (1872), S’il avait insisté (The Hand of Ethelberta, 1876)

Le Maire de Casterbridge, sous-titré « Vie et mort d’un homme de caractère » (titre original : The Mayor of Casterbridge – The Life and Death of a Man of Character), est un roman écrit en 1886 par l’écrivain britannique Thomas Hardy. En France, il a paru pour la première fois en 1933.
Collection Archi-poche Classiques Traduction : Philippe Neel – novembre 2015

Résumé : Michael Henchard est un jeune saisonnier qui vit avec sa femme, Susan, et sa fille, Elizabeth-Jane, dans un village du Wessex.
Un jour, sous l’empire de l’alcool, après une violente dispute avec sa femme, il décide de la vendre avec sa fille à un marin de passage, M. Wenson. Dégrisé, il mesure l’étendue du désastre et, plus seul que jamais, se promet de ne plus jamais s’approcher d’un goulot…
Dix-huit années après, devenu un marchand prospère, Michael est élu maire de la ville de Casterbridge. Tous le croient veuf. Mais le hasard place sur sa route une certaine Lucette Le Sueur, avec qui il noue une relation…
Or la jeune femme, déshonorée, se voit contrainte d’épouser Michael pour retrouver sa dignité. Pas si simple, puisque le maire de Casterbridge, devant la loi, reste un homme marié… C’est le moment que choisissent, pour surgir du passé, Susan et sa fille Elisabeth-Jane…

Avis :  J’avais lu Remèdes désespérés (1871) Loin de la foule déchaînée (1874) Tess d’Urberville (1891), Jude l’Obscur (1896) et Les Yeux bleus (1873), en anglais. C’est donc le premier roman de Thomas Hardy que je lis en français… Flemmarde je suis ! Et bien c’est avec toujours autant de plaisir que je me plonge dans les écrits de cet auteur. Je pense que toutes celles (tous ceux ?) qui apprécient la romancière contemporaine Tracy Chevalier pourraient aimer cet auteur de l’époque victorienne.

Alors bienvenue en Angleterre, et plus précisément à Casterbridge (Dorchester)… Comme le dit si bien le sous-titre c’est l’histoire d’un homme avant tout. Un homme qui a des gros défauts mais un cœur généreux. Un homme qui réagit en fonction de ses émotions, ce qui va lui causer bien des déboires. Un homme capable d’éclats mais aussi capable de se maitriser. Il est débordant d’amour mais il est aussi très exclusif ce qui lui cause bien des soucis. Ce livre est la rencontre de deux hommes, un sanguin (Henchard) et un flegmatique (L’Ecossais Farfrae). Ces deux hommes vont se compléter et s’affronter, tant dans le monde du travail et de la réussite sociale que dans leur rapport avec les femmes. Deux tempéraments :  l’éruptif et le self-contrôle. Henchard est un personnage truculent, attachant qui lutte pour vivre, pour réussir, pour réparer ses erreurs, pour garder ceux qui l’aime. Même quand il est au bord de commettre l’irréparable, son sens de l’honneur et le souvenir du passé vient à son aide.  Au fond de lui il a un grand sens de la justice. Les choix que l’on fait déterminent notre vie et il convient d’en assumer les conséquences.

Pour ce qui est des femmes, le personnage principal est Elisabeth-Jane, la « fille » de Henchard. J’ai apprécié ce personnage qui va se construire au fil des pages. Insignifiante au début, elle va s’affirmer en se servant des opportunités que la vie lui apporte et va se transformer tant intellectuellement que physiquement et socialement. Dans ce roman, tous les personnages souffrent., mais Elisabeth-Jane a une faculté d’adaptation qui lui rend les choses plus faciles.

Comme dans tous les romans de cet auteur, le bonheur est une petite lueur au milieu de la tragédie de la vie… Il le dit à la fin du livre « le bonheur n’est qu’un épisode accidentel dans un drame fait tout entier de souffrance. »  Le roman est assez pessimiste mais il y a quand même des lueurs d’espoir qui parsèment le récit, comme la vision de la vie de Thomas Hardy.   Et comme toujours il est un bon peintre de la vie rurale dans la campagne anglaise. Il est facile à lire, fluide. Moi j’aime beaucoup les descriptions et les sagas à la Zola.. et il me fait un peu penser à ça…( tous les deux font partie du courant Naturaliste de l’époque ) Très contente d’avoir replongé dans les romans victoriens et je vais continuer 😉.

Extraits :

Les réverbères, qui brillaient maintenant à travers la ceinture de feuillage, donnaient au cœur de la ville un aspect de paix et de bien-être, et renforçaient l’étrange impression de solitude produite par une campagne sombre et si proche pourtant de la vie.

Je me suis dit que, dans la vie, les aubaines viennent à qui sait les conquérir, et j’ai résolu de tenter la chance.

Tout évoquait la conquête romaine, à Casterbridge ; rues, allées, enclos, avaient un aspect romain, sentaient l’art romain, cachaient des cadavres de Rome.

Il cédait manifestement à cette impulsion étrange, qui conduit souvent les hommes à confier à une nouvelle connaissance ce qu’ils ne voudraient jamais raconter à un ami ancien.

Elle apprit qu’elle pouvait, sur simple demande, obtenir la pleine possession de parures et d’objets agréables et connut la vérité du proverbe moyenâgeux : « Prendre, avoir et garder sont mots bons à prononcer. »

Si talents et savoir lui faisaient, hélas, toujours défaut, une intuition naturelle lui tenait lieu de connaissances.

La réserve est chose aussi précieuse dans le monde des passions que la hardiesse dans celui de l’action, et cette jeune fille naïve avait une intuition naturelle qui touchait au génie.

[…] dans ses yeux s’allumait une lueur de désir et d’attente, comme si la Nature, pour les peindre, avait emprunté les pinceaux du Corrège.

Son cœur réclamait un asile où se réfugier et rester au repos. Fruste ou élégant, peu lui importait, pourvu qu’il fût chaud.

Seulement, dans cette vie, on ne nous juge pas sur ce que nous sommes, mais sur ce que nous paraissons être […]

Elle avait appris la leçon du renoncement et était aussi habituée à voir chaque jour échouer ses désirs, qu’à voir chaque soir se coucher le soleil. Si sa carrière terrestre lui avait mal appris la philosophie des livres, elle avait rudement exercé sa philosophie personnelle.

Les prix, comme les routes de ce temps-là, avaient des pentes brusques qui traduisaient toutes les conditions locales, et que n’adoucissaient nuls nivellements pratiqués par les ingénieurs.

Le paysan devenait donc une sorte de baromètre vivant, et possédait des antennes sans cesse tendues vers le ciel et vers le vent.

La grand-route se transformait en traverse, la traverse en chemin, le chemin en venelle, la venelle en sentier, et le sentier même se perdait bientôt dans les herbes.

La rue du Fumier était la caverne d’Adullam de tous les villages voisins, le refuge de tous les malheureux, de tous les endettés, de tous les persécutés.

Ah, je ne crois pas que l’on puisse rien attendre de bon d’un secret. C’est un secret qui a jeté une ombre épaisse sur ma vie.

Il y a un coin de l’esprit où se laissent volontiers concevoir des pensées inavouées, involontaires et pernicieuses, avant qu’un effort ne les y repousse.

elle sut utiliser les ressources de sa nature généreuse, en faisant part aux êtres moins favorisés qui l’entouraient d’un secret que la vie lui avait enseigné pour rendre supportable une condition médiocre ; ce secret consistait, d’après elle, en un habile grossissement, à l’aide d’une sorte de microscope mental, des mille petites joies communes à tous ceux qui ne souffrent pas positivement ; de telles joies, ainsi considérées, ont sur l’existence une action tonique presque aussi prononcée que des intérêts plus vastes, mais traités à la légère.

 

Infos : le site anglais « The Victorian Web » : http://www.victorianweb.org/index.html

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