Blondel, Jean-Philippe« 6h41 » (2013)

Blondel, Jean-Philippe« 6h41 » (2013)

Résumé : Le train de 06h41, départ Troyes, arrivée Paris. Bondé, comme tous les lundis matins. Cécile Duffaut, quarante-sept ans, revient d’un week-end épuisant chez ses parents. Elle a hâte de retrouver son mari, sa fille et sa situation de chef d’entreprise. La place à côté d’elle est libre. S’y assied, après une légère hésitation, Philippe Leduc. Cécile et lui ont été amants vingt-sept ans auparavant, pendant quelques mois. Cela s’est très mal passé. À leur insu, cette histoire avortée et désagréable a profondément modifié leurs chemins respectifs. Tandis que le train roule vers Paris et que le silence s’installe, les images remontent. Ils ont une heure et demie pour décider de ce qui les attend…
Mon avis :

Le train roule, le passé ressurgit. La vision en parallèle d’une expérience de vie. D’un coté ce fut un calvaire, de l’autre, on aimerait bien e n parler.. les deux protagonistes ont vécu, ont évolué, ont changé. Ils se regardent par en-dessous, ont envie de se parler, mais ne souhaitent pas faire le premier pas. Ils souhaitent et à la fois ne veulent pas replonger dans ce qui les a uni et désunit. Cette aventure de leur jeunesse a conditionné leur vie présente.. Magnifique analyse de sentiments.

Un huis clos. Un regard en arrière.. Un concours de circonstance qui pourrait nous arriver à tous et toutes. Je prends le train un matin, un peu dans le cirage.. et qui je vois, qui vient s’assoir à côté de moi. Le beau gosse… Toutes les filles voulaient sortir avec lui… Moi j’ai eu cette chance. enfin plutôt cette malchance.. Je l’ai « eu » mais il m’en a fait voir de toutes les couleurs! Mais maintenant, le beau gosse, j’en voudrais plus pour tout l’or du monde ! Pire, il me fait pitié.. et du coup les meilleurs moments remontent… ce qui était finalement « sauvable » dans cette horrible relation. En revanche, moi, maintenant, j’ai réussi. J’étais pas top finalement quand j’étais à la fac.. Mal coiffée, moche, mal fringuée, mal dans ma peau. Maintenant, j’ai réussi ma vie.. Mais comment j’ai pu permettre qu’il me traite de cette façon ? En même temps, cela m’a forgé le caractère. sans lui, j’en serais pas là maintenant.. Je me demande s’il a des enfants… ce qu’il est devenu… Et puis au lit… Alors je lui parle ou pas ? Et lui ? il m’a reconnu ? Si oui, va-t-il me parler ?

Très sympa ce petit voyage en train… Me demande bien si quelqu’un i va ressurgir de ma jeunesse un matin … et quels souvenirs remonteront… Vous avez un train à prendre ? Alors n’hésitez pas… et autrement aussi … Ce moment se transpose sur chacun de nous…

 

Extraits :

Jamais un reproche. Jamais une plainte. Mais le silence quand je réponds que j’ai beaucoup de travail en ce moment

Vient un âge où on est coincés entre des enfants indifférents et des parents récalcitrants

Se rappeler que, quand j’ai mal dormi, je passe tout au Kärcher acide

Je ne me pose pas la question. Je continue ce que j’étais censé accomplir – sauf que j’ai un peu perdu le but du voyage

Je m’aperçois que je soupire de plus en plus souvent. Et que je me mets à souffler aussi. Mauvais signe. D’abord, ça éloigne les autres qui vous prennent pour ce que vous êtes – un découragé d’avance

Et à table, le soir, les commentaires. Ou plutôt, les flèches. La lapidation par les mots. Les comparaisons

C’est précieux, parfois, les sujets de conversation anodins. Légers. Sur lesquels on peut rire et broder sans se disputer. Des bulles de savon

Au moment de la rupture, il faudrait pouvoir avoir un aperçu de l’autre des années plus tard. Dans les trois quarts des cas, on cesserait de pleurer et de se lamenter sur son sort

Nous commencions à nous dire que la vie, ensemble… Nous laissions traîner des points de suspension que nous complétions chacun à notre façon

Il y a des gens comme ça, qui traversent les années en flottant, il faut attendre les premières déconvenues sentimentales ou professionnelles, la mort d’un parent ou d’un ami, et tout se fissure. Là, il est quand même bien fissuré

Personne ne nous a dit non plus que le plus dur, ce n’était pas les ruptures, mais la déliquescence. Le délitement des relations, des êtres, des goûts, des corps, de l’envie. Jusqu’à une sorte de marécage où il est impossible de savoir ce que l’on aime. Et ce que l’on déteste. Ce n’est pas un état aussi désagréable qu’on pourrait le penser. C’est juste une atonie. Avec des taches de lumière éparses

Les coups ne portent pas. Je suis déjà à terre.

Cette hardiesse. Elle est en moi cette hardiesse. Profondément ancrée. Je l’ai fait taire pendant des années, j’ai appuyé dessus pour qu’elle s’enfonce – mais elle ressort en détonation de bouchon de champagne à des moments de pression comme celui-là

Au moins. C’est l’expression que je déteste par-dessus tout

Le verbe « avoir ». Il est gênant, celui-là. Ce n’est pas un verbe qui m’est familier. Plus le temps passe, et plus je perds. Plus je perds et plus je suis libre. Plus je suis libre et moins j’ai envie de l’être. Qu’est-ce que je vais faire de toute cette liberté ?

On n’imagine jamais que certaines phrases vont rester ancrées, plantées comme des échardes – et qu’elles vont revenir tout dévaster à certains moments de l’existence.

Pourquoi est-ce que je m’englue dans le passé, alors que je devrais aller de l’avant, courir dans l’allégresse, avoir envie de la suite

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