Hancock, Penny «Désordre» (2013)

Hancock, Penny «Désordre» (2013)

Auteur : Penny Hancock est née à Londres et vit aujourd’hui à Cambridge. Elle enseigne l’anglais en Italie, en Grèce et au Maroc avant de rentrer en Angleterre pour devenir institutrice en école primaire. Durant ses voyages, elle écrit beaucoup, des histoires courtes ou des récits de voyages. Elle achève Désordre, publié chez Sonatine Éditions en 2013, qui est une réflexion sur la jeunesse et la nostalgie du temps qui passe, poussant l’héroïne Sonia à séquestrer un jeune garçon par une pulsion inexpliquée. En 2015, Sonatine Éditions publie son deuxième ouvrage, Deux.
Ses romans à l’atmosphère sombre sont des huis clos angoissants avec des personnages féminins qui se retrouvent coincés dans l’espace domestique et finissent par prendre des décisions totalement irrationnelles. Ce qui amène l’auteur à nous poser cette question : « Que se passe-t-il lorsque quelqu’un de bien prend de mauvaises décisions ou fait de mauvais choix ? »

Sonatine – 11.04.2013 – 3181 pages/  Livre de poche – 2.4.2014 – 429 pages

Résumé : Ceci n’est pas l’histoire d’une petite fille qui disparaît. C’est l’histoire d’une petite fille qui réapparaît… Sonia, la quarantaine, mène une vie confortable dans la jolie maison des bords de la Tamise où elle a grandi. Mais depuis que son mari, Greg, multiplie les déplacements professionnels à l’étranger et que leur fille Kit est partie à l’université, son existence lui pèse. Alors que Greg la presse de quitter Londres pour se rapprocher de lui, Sonia se sent incapable de quitter sa maison, décor d’une jeunesse pour laquelle elle éprouve la plus vive nostalgie.
À l’heure du bilan, elle réalise en effet que son adolescence a été le seul moment vraiment heureux de son existence, celui où les émois et les sentiments ont été les plus forts et les plus purs. Aussi, lorsque Jez, 15 ans, le neveu d’une de ses amies, Helen, vient frapper à sa porte pour emprunter un disque, Sonia, prise d’une pulsion inexplicable, décide de ne plus le laisser partir. Elle se met alors à nourrir une étrange et inquiétante obsession pour la jeunesse de Jez, qu’elle tient séquestré.
Lorsque Helen signale la disparition du jeune garçon à la police, une enquête minutieuse commence, qui ne tarde pas à s’orienter vers un suspect inattendu. À travers ce récit conjuguant les voix de Sonia et d’Helen, Penny Hancock nous offre un portrait magnifique de deux femmes à un carrefour de leur vie, aux prises avec leurs peurs et leurs faiblesses, leurs secrets et leurs solitudes. Surtout, elle nous donne un roman où règne une tension extrême, une terrifiante histoire de folie, cruellement humaine, qui culmine dans un suspense infernal, digne du légendaire Misery, de Stephen King.

Mon avis : Et une nouvelle pathologie mentale au programme ! La Tamise, l’attachement viscéral de Sonia au fleuve, berceau de son enfance et cercueil un des éléments clés du Roman. Cette Tamise glauque et tumultueuse, qui est déjà présente à part entière dans les enquêtes de Monk écrites par Anne Perry à l’époque victorienne … Les siècles ont passé mais le secteur de l’ Île aux Chiens est toujours aussi peu sûr. Un autre élément clé de l’histoire : la maison au bord du fleuve.

Si vous aimez les polars psychologiques, c’est pour vous. Un rythme lent qui vous fait basculer dans la folie d’une femme qui est soudain rattrapée par ses douleurs et ses souvenirs d’enfance. L’angoisse est là à chaque page…

Sonia est seule. Quand son mari veut la faire quitter ses racines, ses liens vers l’enfance et le passé (vendre sa maison), elle bascule dans son enfance brisée et essaie de la faire revivre à sa façon. Un roman à deux voix, Sonia et une amie qu’elle a un peu perdu de vue, Helen, une femme mariée, alcoolique, peu sure d’elle et persuadée de ne pas être à la hauteur dans la vie et tante du jeune disparu. Sonia va révolutionner sa vie et celle d’un jeune adolescent sur un coup de tête mais va vouloir – malgré tout – préserver sa famille et assumer ses taches vis-à-vis de sa mère, sa fille, son mari. Entre obsession et culpabilité, secrets et non-dits … Il n’y a pas que Jez qui soit tombé entre les griffes de Sonia… Alors si vous n’avez pas peur de vous perdre dans les eaux glauques de la folie qui se cache sous les traits d’une femme belle et respectable… embarquer sur le radeau, au rythme des eaux et de la musique du passé… Souvenirs de jeunesse et vie actuelle se superposent, les personnages s’entremêlent dans l’esprit de Sonia. Les souvenirs d’enfance et les tragédies, la présence et le manque s’imbriquent. Rêve et cauchemar, douceur et cruauté obligée malgré elle … Partons ensemble sur les traces du passé et à la recherche de la « plus belle créature » qui ait jamais foulé le cerveau d’une personne qui disjoncte et tente de recoller les morceaux pour faire revivre une réalité à jamais disparue…

Premier roman de cette romancière. Et certainement pas le dernier que je vais lire d’elle.

Extraits :

Les souvenirs m’assaillent par surprise. Viennent se frotter à moi comme un chat se frotte à votre jambe en ronronnant, refusant qu’on l’ignore. Les émotions me submergent sans prévenir. Il y a de la nostalgie, parfois.

Il tient la guitare comme il tiendra les femmes, avec une telle tendresse et un tel rythme, avec un sens instinctif de la modulation, sachant quand se retenir et quand tout lâcher.

Mais le temps est une chose si insaisissable, si élastique, même un jour à l’époque nous semblait une éternité.

Comme je regrette les doux mugissements gutturaux des cornes de brume. On les entendait au loin, les soirs d’hiver, longs et graves, se répondant l’un après l’autre, comme un dialogue, comme si ces énormes navires s’amusaient ensemble. Je me sentais à l’abri dans la maison quand j’entendais ce bruit. Un havre à l’écart des tempêtes et des divagations du monde extérieur.

Depuis l’interdiction de fumer, les pubs ne sentent plus le pub mais les produits ménagers, âpres et accusateurs. Comme je regrette le temps où tous nos péchés étaient noyés par la fumée de cigarette !

On m’avait conseillé de ne jamais m’aventurer sur la rive d’en face. De ne jamais traverser le tunnel piétonnier toute seule, car l’île aux Chiens était dangereuse. Et surtout de ne pas essayer d’y aller à la rame. Au changement de marée, le flux montant et le flux descendant se rencontraient, et la lutte des deux produisait des courants imprévisibles et fatals.

Un doux secret, tel un bébé cygne lové en boule sous le creux d’une aile.

Le problème avec la jalousie, c’est qu’elle n’a nulle part où aller. Elle vous revient toujours comme un boomerang, parce que si vous la formulez, vous vous faites gronder, et si vous ne dites rien, la douleur est insupportable. C’est une malédiction.

un autre souvenir remonte à la surface, un qui était resté recroquevillé dans un coin pendant toutes ces années, roulé en boule comme un chat que je n’ai jamais voulu tirer de son sommeil tranquille.

J’ai l’impression d’être en train de soulever une couche de laine de verre qui amortissait tout si bien que, pendant des années, j’étais comme coupée de mes souvenirs, de mes émotions.

– Tamasa ?
– C’est l’ancien nom de la Tamise. Ça veut dire “fleuve noir”.

Je croyais que tu aimais le bruit du fleuve. Je me souviens que tu disais… Tu sais, la première soirée qu’on a passée ensemble ? Tu trouvais que c’était une sorte de mélodie urbaine. Tu n’as pas arrêté de l’entendre, j’espère ? Parce que ça peut arriver, quand on s’habitue à quelque chose. On finit par y devenir insensible. »

Après tout, qui suis-je pour juger des failles d’autrui ? Et c’est valable pour n’importe qui. Est-ce qu’on n’a pas tous nos points faibles, nos échecs ? Ne devrait-on pas tolérer les faiblesses des autres afin de pouvoir vivre en acceptant les nôtres ?

– Parfois, j’ai des souvenirs qui me rendent triste, moi aussi. Pas parce qu’ils étaient tristes, mais parce que le temps a passé. C’est le fait de ne pas pouvoir revenir en arrière.

Quand mes yeux se posent enfin sur elle, je suis submergée par un soulagement enfantin. Ma maman. C’est peut-être juste une vieille dame de plus pour les infirmières. L’enveloppe d’une dame dont la sève s’est tarie depuis longtemps. Mais pour moi elle est tellement plus que ça, comme si toutes les couches antérieures de ce qu’elle a été avant d’en arriver là étaient encore visibles par transparence.

 

Image: le tunnel piétonnier de Greenwich

 

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