Mankell, Henning « L’oeil du léopard » (2012)

Mankell, Henning « L’oeil du léopard » (2012)

Résumé de l’Editeur :  Dans les années 1950, dans le Norrland, Hans Olofson est élevé par son père, un ancien marin devenu bûcheron alcoolique. Hans a deux amis, un fils de juge paralysé par une chute et Janine, une jeune femme défigurée dont il est l’amant mais qui meurt noyée. Désireux de réaliser le rêve de la jeune femme, Hans part en Zambie, sur les traces d’un missionnaire. Se sentant responsable de la mort de la femme qu’il aime, Hans décide de réaliser son rêve : partir à Mutshatsha, en Zambie, sur les traces d’un missionnaire suédois. À la fois fasciné et effrayé par l’Afrique, la misère, la violence et le chaos, Hans accepte d’aider Judith à diriger sa ferme et tente d’y mettre en oeuvre ses idéaux de justice. Il ne comprend pas encore ce qu’il est venu chercher ici…

Mon avis  : Je suis une inconditionnelle de cet auteur qui partage sa vie entre la Suède et le Mozambique, son œuvre entre des romans policiers et des romans. La toile de fond de ce roman est la Zambie, Un jeune suédois quitte la froide Suède pour l’Afrique. Ce qui devait être un court périple se transformera en un long séjour de 18 ans. De simple touriste, il deviendra « Exploitant Blanc » d’une ferme qui produit et vend des œufs. L’Afrique noire et les travailleurs d’un côté, les « patrons » blancs de l’autre. L’argent face aux croyances, à la tradition… Hans s’installera en Afrique mais plus le temps passera et plus il aura peur des noirs. Il vivra – comme tous les blancs – en permanence sous la protection de ses chiens, paranoïaque, se barricadant la nuit, dormant son fusil à portée de main. Bien que riche, la vie ne lui fera pas de cadeau ; paludisme, solitude, alcool. Mankell nous décrit le fossé entre l’Afrique noire et l’homme blanc, qui souhaiterait la comprendre mais en est exclu…Et que penser des personnages qui gravitent autour de lui, de ses fréquentations ; peut-il faire confiance à ce journaliste noir, à ce suédois travaillant dans l’ humanitaire …  Il sera hanté toute sa vie par le danger qui rode, tel le léopard qui n’est jamais loin mais toujours invisible, prêt à attaquer et laissant planer la peur. Le léopard, c’est l’Afrique, présent et invisible, omniprésent et inapprochable, beau et sauvage, inquiétant. Arrivera-t-il à quitter cette Afrique, maitresse chaude et indomptable, cruelle et attirante, ensorcelante, pour regagner la Suède ?

A lire ce livre on ressent l’amour de l’auteur pour ce continent. J’ai été happée par l’ambiance, opaque et glauque, ou les sentiments et les peurs sont latentes, présentes, palpables, mais non dites…

 

Extraits  :

– Quel est le pays africain qui reçoit la plus grande aide européenne ? demande Fischer. C’est une devinette. Personne ne m’a encore donné la bonne réponse.
– La Tanzanie, propose Hans.
– Faux. C’est la Suisse. Des fonds destinés au développement des pays africains viennent approvisionner des comptes anonymes en Suisse, l’argent ne fait que transiter par l’Afrique…

La vie ne dure qu’une seconde vertigineuse. Elle n’est qu’un petit souffle dans la bouche de l’éternité. Seul le fou se croit capable de défier le temps…

Le comportement barbare de l’être humain a toujours un visage humain, pense-t-il confusément. C’est ce qui rend la barbarie si inhumaine.

On n’a rien à craindre de ceux qui crient. Ce sont les silencieux qu’il faut surveiller.

Il faut laisser le passé se dissoudre et s’ en aller avec le vent.

L’obscurité de la nuit est une personne ambiguë, à la fois amie et ennemie. C’est elle qui fait remonter à la surface les cauchemars et les terreurs. C’est elle qui transforme les poutres tourmentées par le froid en mains menaçantes. Mais l’obscurité est aussi amicale puisque c’est sous sa protection qu’il peut élaborer ses rêves et échafauder ce qu’on appelle l’avenir.

« On ne peut pas tout partager, il faut s’aménager un jardin secret. En avançant dans la vie, on acquiert cette sagesse fondamentale qui vous indique les rêves qui sont à partager et ceux qui sont à garder secret. »

Un Blanc ne cherche jamais à connaître les traditions, encore moins à être à l’écoute des ancêtres. L’homme blanc travaille beaucoup et vite alors que l’homme noir associe l’urgence et l’impatience à un manque d’intelligence. Pour l’homme noir, la sagesse c’est de réfléchir longuement et minutieusement.

Il entre dans l’âge où chaque être se transforme en pyromane. Ses passions s’enflamment, s’éteignent, le dévorent, mais il renaît toujours de ses cendres.

[…] mais on ne pourra jamais se défaire entièrement de ses origines. Il en restera toujours quelque chose. Et c’est plus qu’un souvenir, c’est un rappel de qui on est.

Un mensonge ne devient jamais vérité, même à force d’être répété.

3 Replies to “Mankell, Henning « L’oeil du léopard » (2012)”

  1. Je viens de terminer « Menkell par Mankell ; quel homme extra-ordinaire ; je ne suis pas sa meilleure lectrice car pas très portée vers les polars, mais j’ai tellement aimé « les chaussures Italiennes » !
    http://www.seuil.com/livre-9782021082302.htm
    Je viens d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer, et qu’il va écrire sur sa maladie, sous forme de chroniques dans un journal Suédois, j’espère qu’elles seront traduites

  2. L’œil du léopard n’est pas un polar . C’est l’histoire d’un homme qui se fait « habiter » par l’Afrique.
    Oh oui, les chaussures italiennes!
    voir commentaire : http://www.cathjack.ch/wordpress/?p=305
    J’ai par contre lu aussi une bonne partie de ses romans policiers. Dans une interview il avait expliqué que par les policiers il pouvait évoquer en toile de fond des sujets de société et toucher ainsi un maximum de personnes qui ne lisent que des polars.
    Je vais voir si je trouve ton livre à la bibliothèque..

  3. J’ai lu en Août :Sables mouvants :Henning Mankell: C’est un livre de réflexions ,sur sa vie ,sur le monde ,sur l’histoire ,sur la littérature etc.. Il a entrepris ce livre lorsqu’il a appris qu’il était atteint d’un cancer ,grave et sans espoir de rémission . C’est un livre touchant ,qui est malgré la gravité de l’état de Mankell n’est pas désespérant .

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