Willocks, Tim « La Religion » (2009)

Willocks, Tim « La Religion » (2009)

Résumé : Mai 1565. Malte. Le conflit entre islam et chrétienté bat son plein. Soliman le Magnifique, sultan des Ottomans, a déclaré la guerre sainte à ses ennemis jurés, les chevaliers de l’ordre de Malte. Militaires aguerris, proches des Templiers, ceux-ci désignent leur communauté sous le vocable de « la Religion ». Alors qu’un inquisiteur arrive à Malte afin de restaurer le contrôle papal sur l’ordre, l’armada ottomane s’approche de l’archipel. C’est le début d’un des sièges les plus spectaculaires et les plus durs de toute l’histoire militaire. Dans ce contexte mouvementé, Matthias Tanhauser, mercenaire et marchand d’armes, d’épices et d’opium, accepte d’aider une comtesse française, Caria La Penautier, dans une quête périlleuse. Pour la mener à bien, ils devront affronter les intégrismes de tous bords, dénouer des intrigues politiques et religieuses, et percer des secrets bien gardés. Sur fond de conflits et de mystères religieux, cet ouvrage follement romanesque et d’une érudition sans faille témoigne d’un sens de l’intrigue remarquable. En explorant la mystérieuse histoire des chevaliers de l’ordre de Malte, Tim Willocks, porté par une langue aussi intense que réaliste, évoque autant Alexandre Dumas qu’Umberto Eco. Un classique immédiat.

Mon avis : Vous aimez les romans de Follett « les piliers de la terre », « un monde sans fin » ou les livres de Ildefonso Falcones « La cathédrale de la mer» ou « les révoltés de Cordoue » ? Les grandes fresques historiques, avec un héros, des batailles, un amour ou deux… Alors vous allez aimer ce pavé ! Moi j’ai adoré ! Alors oui.. il y a des scènes de bataille un peu sanglantes.. L’auteur est chirurgien… on ne se refait pas… et puis historiquement parlant, le siège de Malte, qui a duré du 18 mai au 7 septembre n’a pas fait dans la dentelle ! L’île est alors gouvernée par un ordre monastique, les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, sous la direction du Grand-Maître Jean Parisot de la Valette (70 ans). Les Turcs, au nombre de 30.000, débarquent sur l’île et tentent d’investir les forts qu’occupent les chevaliers.

J’ai vibré du début à la fin. Tous les personnages sont si bien campés.. On les aime, on les déteste, on tremble pour eux. : le sens de l’honneur, la trahison, l’amitié virile.. tout y est . Le respect du souvenir, les implications du passé… Petite ile, siège impressionnant et le roman est à la démesure ! Je me suis laissée emporter et je l’ai lu d’une traite.. et j’ai adoré ! 1000 pages… mais ce qui est bien, c’est de savoir que c’est le tome 1 de la Trilogie Mattias Tannhauser !

Extraits :

Elle était morte, et en même temps toujours en vie puisqu’elle emplissait son cœur d’un amour qui semblait s’envoler vers l’infini

Alors, aussi furtivement que le son était apparu, le silence lui vola sa place, et l’univers parut vide, et dans ce vide il était assis

Et quand chaque note s’achevait, où allait-elle ? Et comment chacune pouvait-elle être, puis ne plus être ? Ou peut-être chacune se répercutait-elle en écho, jusqu’à la fin de toutes choses, d’un bout lointain de la Création à l’autre ? Encore et encore la musique montait et descendait, et enchaînait et affluait, avec un exubérant espoir et un désespoir démoniaque

« En Arabie, dit-il, on raconte qu’il était un temps jadis où toutes les roses étaient blanches. Une nuit, sous une lune décroissante, un rossignol se posa près d’une telle rose, une grande rose blanche, et quand il la vit, il tomba immédiatement amoureux. À cette époque, on n’avait jamais entendu un rossignol chanter. Ils passaient leurs vies en silence, du début à la fin, mais l’amour de ce rossignol était si fort pour cette exquise rose blanche qu’un chant d’une merveilleuse beauté jaillit de son gosier et il l’entoura de ses ailes en une embrassade passionnée et le rossignol serra la rose contre son poitrail, mais avec une passion si sauvage que les épines percèrent son cœur, et il mourut, ses ailes drapées autour d’elle. Le sang du rossignol avait taché les pétales de la rose blanche. Et c’est pour cela que, depuis, certaines roses fleurissent rouges »

Mais la vérité d’un conte est dans le talent de celui qui l’entend.

Désespéré de plaire comme l’était cet homme, il empestait l’excès de zèle et les ambitions mesquines si communes aux fonctionnaires de province

Il pinça une corde pour observer sa vibration. « La transmutation du mouvement en son, voilà un mystère pour vous. Mais la transmutation du son en musique est encore plus mystérieuse, ..

lorsque l’usage et la beauté sont mariés à la perfection, c’est là que l’on peut trouver la magie sous sa forme la plus pure

Il y avait déjà assez de haine sur terre sans qu’elle y ajoute sa donation

tous ses espoirs – et qui savait quels rêves ? – reposaient désormais entre les mains de son ami, et les espoirs et les rêves d’une femme étaient le fardeau le plus lourd qu’un homme puisse connaître

Des amas de nuages pourpres s’éloignaient de l’est, comme une armée de la nuit fuyant devant l’irruption du jour, et la brise, jamais aussi fraîche ni aussi douce qu’à l’aube,

portait sur ses ailes les voix d’hommes chantant des psaumes.

Et à peine sa bouche avait-elle couverte la sienne qu’il se redressa, lui laissant le souvenir d’avoir effleuré un plaisir trop intense pour qu’on puisse jamais en faire le tour

Pendant un instant il eut cette peur : que tout ceci finisse par fondre, comme un rêve inoubliable qui s’achève sans arriver à sa fin

cette bataille n’était qu’une marque de plus sur une route pavée de tombes. Une route qui datait de sept siècles avant la naissance de tous ceux qui étaient rassemblés ici et qui allait tracer son sillon sanglant pendant d’innombrables siècles encore.

Son imagination ne s’étendait qu’à quelques heures avant ou après le moment présent. Demain était très loin et hier avait déjà disparu. L’ambition était un mystère et ses souvenirs étaient rares

Il y avait un vide dans son cœur, aussi vaste que l’univers autour de lui, et, dedans, il ne trouvait ni grâce, ni chemin qui parût droit, et a fortiori aucun guide

elle était assise sur le mur du jardin, comme si, pour elle, les murs n’avaient été construits que dans ce but précis

dans l’éternité, tous les hommes font partie de l’intelligence divine, comme une goutte d’eau fait partie de la vaste mer. Ainsi nous sommes libérés et ainsi nous devenons un tout, et ainsi nous retournons aux fondements et à la source de toutes choses

Quand on dit que le mariage est un pacte dont seule l’entrée est gratuite, c’est la vérité

La tristesse est le miroir du bonheur. »

L’amour apporte toujours la peur, dit Carla. Ils voyagent main dans la main, car connaître l’amour, c’est savoir que tu peux le perdre. Aimer exige courage et force. Mais tu as les deux

c’était le hurlement primal du plus profond de son cœur. Le hurlement qui faisait écho aux millénaires. C’était la voix d’un dieu dont le pouvoir avait été ancien quand toutes les autres déités n’étaient pas encore nées, dont la domination subsumait toutes les fois et les croyances plus faibles, et dont le règne verrait toutes les autres idoles se changer en poussière. C’était l’ordre de s’agenouiller devant l’autel de la guerre. Une invitation à soulager cette soif qui affligerait toujours les hommes, et qui ne serait jamais complètement étanchée

Seuls les instants de beauté goûtaient à l’immortalité. Tout le reste combiné, toutes ces vanités grandioses pour lesquelles tant peinaient et mouraient ne pouvaient même pas revendiquer la magie d’un songe éveillé

Elle pleura, avec l’étonnement et l’abandon d’une enfant. Elle pleura comme elle n’avait jamais pleuré de sa vie. Un millier de chagrins se chevauchaient à travers elle

Des rubans de pensées et des moitiés de rêves s’enroulaient dans son esprit.

Dans un monde dont l’ascendant était la haine, elle pouvait au moins faire cela. Quelque chose d’éternel devait survivre au milieu de tant de haine, et seul l’amour le pouvait.

Son visage et son cou étaient tannés d’or sombre par le soleil

Un vent torride, issu des déserts de l’autre côté de la mer, envoyait comme des brassées de feuilles enflammées qui volaient vers les étoiles, telles les pages arrachées à un livre de prières qui aurait brûlé, condamné et jamais lu.

les Grecs des temps oubliés, avant qu’ils ne deviennent la race désolée que nous connaissons maintenant, identifiaient quatre éléments fondamentaux de l’univers. Le feu, la terre, l’eau et l’air, mais cela, vous le savez. Pythagore en distinguait un cinquième, et d’essence plus haute – la quintessence –, qui, disait-il, s’élevait vers la Création, et dont les étoiles elles-mêmes étaient constituées, ainsi que toutes les autres choses, vivantes ou mortes. Ce n’est pas seulement le pouvoir de la vie, mais celui de l’être.

De tels moments étaient des fragments d’éternité, comme des perles sur le lit d’un océan inexploré

Il leva les yeux vers elle. Ses yeux si enfoncés semblaient des tunnels forés dans quelque abominable au-delà.

Si j’ai brisé le nœud de nombre d’intrigues, et si j’en ai débrouillé bien d’autres, celle-ci est au-delà de mon génie, car ses fils les plus enchevêtrés sont ceux de mes propres émotions

La cruauté faisait partie de la nature, comme un hiver glacial ; quelque chose à quoi il fallait survivre, puis oublier. Elle ne la laissait pas atteindre le plus profond de son cœur

Silence. Noirceur. Pierre. Un temps sans jours. Un temps sans nuits. Sans soleil. Sans étoiles. Sans vent. Une pureté d’absence totale, conçue pour accabler de désespoir le déshonoré

Envahi par un élixir enivrant fait d’épuisement, de solitude, d’opium et de paix, il errait à travers de vastes rêves, où des visages souriaient, où des torrents de vin coulaient entre les pierres, où toutes les femmes étaient avenantes et tous les hommes doux, et où nombre d’étranges animaux rôdaient sans faire de mal à personne. Être ainsi soulagé de la bataille, de la clameur de la guerre, du fardeau anxieux des compagnons, du besoin de réfléchir, de déterminer et d’agir au cœur même des turbulences du chaos, était un tonique aussi fort que la drogue elle-même

Sa gorge était serrée d’émotions impossibles à nommer, et il les avala.

6 Replies to “Willocks, Tim « La Religion » (2009)”

  1. Voilà un roman bien tentant qui va me pousser à replonger dans mes livres d’Histoire – ou plutôt à consulter Wikipédia – avant de le lire. Et puisqu’il s’agit d’une trilogie et que je ne tiens pas à me laisser dépasser, je le place au-dessus de ma PAL.

  2. oui il est passionnant et j’ai aussi été me documenter sur le siège de Malte sur Wiki.. le tome 2 est paru en français cette année .. pour ce qui est du tome trois, pas encore paru en anglais… et j’ai ainsi eu la confirmation de la raison du nom de la capitale de l’ile… La Valette (Valletta en maltais et en anglais) .

  3. Allez… sur tes conseils je me lance et je commence cette grosse brique qu’est le tome 1. Je sens que je vais en avoir pour un bon moment mais le début a l’air prometteur.

  4. Et bien non, ça n’a pas été vite. 😉 Il m’a fallu un mois pour en venir à bout et j’en resterai là. Certes, le siège de Malte a dû être d’une extrême violence mais était-il bien nécessaire de nous décrire sur des centaines et des centaines de pages des hommes recouverts de vomi, de sang et d’excréments pataugeant au milieu de cadavres putréfiés ? Je ne suis pas du genre à m’émouvoir devant une goutte de sang mais trop, c’est trop : cette surenchère de descriptions a fini par me lasser. Avec 500 pages de moins, le roman aurait pu être passable même si le sort des personnages était absolument sans surprise (sauf peut-être sur ce qu’il allait advenir du cheval).

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