Suter, Martin «Eléphant» (RL 2017)

Suter, Martin «Eléphant» (RL 2017)

Auteur : voir ma page « Auteur Coup de Coeur : MARTIN SUTER »

Editeur : Christian Bourgeois – 24.08.2017 – 360 pages / Points – 18.10.2018 – 382 pages

Résumé : Dans une grotte près de Zurich, Schoch, un sans-abri, découvre un jour un petit animal improbable, un éléphant rose et luminescent. Une seule personne sait comment la petite créature est née et d’où elle vient : le généticien Roux. Il aimerait en faire un événement mondial, une sensation. Mais il lui a été dérobé. Kaung, un Birman, l’un de ceux qui chuchotent à l’oreille des éléphants, a accompagné la naissance de l’animal et estime qu’un être pareil doit être caché et protégé.

Quand il découvre un éléphant rose au fond de La grotte où il passe ses nuits, Schoch croit à une hallucination. Bien réel, Le petit animal bat des oreilles et lève La trompe. Pour l’avertir de ce qui va suivre ? Embarqué dans un projet de manipulation génétique, Schoch se retrouve traqué par un chercheur véreux, un vétérinaire jaloux et un géant chinois prêts à tout pour Lui reprendre l’animal.

Un conte aussi fantastique que réaliste, un questionnement sur la place du sacré et de la bonté dans un monde envahi par la technologie génétique.

Mon avis : J’ai adoré ! Un joli conte mais sur un fond sérieux. La manipulation génétique. Non, non ! Ce n’est pas le délire d’un SDF halluciné et totalement en manque d’alcool. C’est le résultat d’une manipulation génétique ! Un animal miniature, coloré, fluo, phosphorescent. Et quelle trouvaille géniale que ce soit un alcoolique qui le découvre : qui va le croire s’il voit des éléphants roses ? Beaucoup de thèmes importants sont traités dans ce roman : les SDF, l’alcoolisme, la réinsertion, la vie dans la rue, la description des infrastructures crée pour les sans-abris en ville de Zurich, les raisons de la dégringolade, le social, l’importance des médecins et des vétérinaires qui soignent ceux qui sont au final les seuls amis de plus démunis, les animaux dans les cirques, la manipulation génétique…

Un éléphant rose miniature ! totalement déjanté non ? et pourtant on en vient à croire en lisant le livre que c’est du domaine du possible, du réaliste… Les méthodes scientifiques au service de la fiction. Et on sent que l’auteur a fait une vraie étude sur l’insémination artificielle, sur les éléphants (vie, habitudes)

Comme dans les contes, il y a les gentils et les méchants. Et il y a des personnages touchants, comme le personnage principal, Schoch, un sans-abri, SDF depuis dix ans et qui semble tellement réel, un être avec sa part d’ombre et de mystère, qui une fois encore (comme dans les romans de Martin Suter) allie l’être et le paraître ; il a tous les symptômes de l’alcoolique du style « il faut que j’arrête de boire car je commence à voir des éléphants roses »

Et au-delà de tout cela, il y a le petit éléphant rose… Divinité pour les uns, découverte scientifique pour d’autres, source de profit et idée de jouet pour gosses de riches pour d’autres encore..

Une jolie fable, pleine de douceur, de mystère, d’humanité et d’amour aussi…

Extraits :

Il ne se rappelait rien qui fût sorti de l’ordinaire. Mais étaient-ce vraiment ses souvenirs de la veille ? En quoi se distinguaient-ils de ceux de l’avant-veille, de l’avant-avant-veille, de l’avant-avant-avant-veille ? S’il devait y avoir eu une différence entre la veille et les soirées précédentes, s’il n’en avait aucun souvenir, la mémoire qu’il avait de l’avant-veille ne remplacerait-elle pas simplement celle de la veille ?

— Mais si j’arrête, ajouta-t-il, qu’est-ce que je fais à la place de picoler ?
La question n’était pas aussi ironique qu’elle en avait l’air.

Ce qu’il voyait n’était pas une hallucination. On ne pouvait pas poser la main sur des hallucinations.

Je suis le genre de pilotes qui n’aiment pas que les passagers applaudissent après l’atterrissage. Atterrir, c’est mon boulot.

— C’était spontané. Les choses spontanées, je ne les prévois pas.

— Peut-être qu’il a rencontré une femme.
— Les femmes, ça vous fait atterrir dans la rue. Pas l’inverse.

Le temps, c’est relatif. Tout est question de perspective. Quelle impression un éphémère a-t-il de la durée de sa vie ?

— Philosopher avec un SDF.
— Diogène en était un aussi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *