Frappat, Hélène « Inverno » (2011)
Auteure : Diplômée de philosophie et passionnée de cinéma, Hélène Frappat est romancière. Elle a écrit « Sous réserve » (Allia, 2004) – « L’Agent de liaison » (Allia, 2007) – « Par effraction » (Allia, 2009, mention spéciale du jury, prix Wepler 2009), « Lady Hunt » (08/2013) – « Inverno » (2011) – « N’oublie pas de respirer » (2014) – « le dernier fleuve » (2019)
Actes Sud – Collection un endroit où aller – Août 2011 – 144 pages
La collection « un endroit où aller » propose à des lecteurs qui ne se ressemblent pas des textes n’ayant d’autres points communs que la nécessité dans laquelle ils ont été écrits et le plaisir avec lequel ils ont été choisis. Chacun d’eux se propose donc comme un endroit où aller quand vient, avec l’envie de lire, le désir d’un rendez-vous qui restera présent dans la mémoire. » Hubert Nyssen
La collection « un endroit où aller » créée en 1995 par Hubert Nyssen, offre un lien de rassemblement à des textes de genres divers, souvent inclassables, avec le souci de donner une autorité commune à leurs singularités multiples. Elle est aujourd’hui dirigée par Evelyne Wenzinger et Bertrand Py.
Résumé : Pourtant, qui a goûté au poison ambigu et douceâtre de la nostalgie sait qu’elle ne nous lâche pas, déplaçant seulement le vague malaise, la jubilation secrète qui l’accompagnent, vers un autre objet, une autre vie, une autre ville.
LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS :
Cinégénique et musical, INVERNO effeuille les mystères de la mémoire et fredonne la dissonance des émotions, sur l’air d’une fugue où la nostalgie n’est jamais dénuée de violence.
Mon avis : Autant j’avais été happée par l’ambiance de « Lady Hunt » et « N’oublie pas de respirer » autant je suis restée à quai avec celui-ci. A quai est bien le terme exact vu qu’on prend le train bien souvent et qu’on passe sa vie à descendre en marche, repartir en arrière, passer du passé au présent, d’une nostalgie à une autre, d’une vie à une autre. Un voyage en train qui fait ressurgir les souvenirs d’autres voyages. Peu à peu on s’évade, le regard défile comme les paysages. C’est un peu ce qui se passe quand on a des heures de train à faire… on s’évade vers le passé, on se remémore ses voyages. Et là, comme l’héroïne va retrouver une amie d’enfance qu’elle n’a pas revu depuis 20 ans, son enfance, son adolescence, sa vie ressurgit, par bribes, dans le désordre. Des vies bien difficiles, ballotées au gré des événements. Petit récit court avec toujours la jolie plume de l’auteure, mais coté récit, je n’ai pas pris le train en marche. Dommage. Peut-être est-ce dû au fait qu’aucun des personnages ne m’a semblé sympathique.
Extraits :
Vous rajeunissez. Vous reparcourez tous les moments de votre vie, les douleurs, les plaisirs, ce qui vous a transformé, embelli, les regrets aussi. Il n’y a rien à savoir sur vous-même. Il n’y a rien à savoir. Vous ne savez pas, vous êtes. Vous vous appropriez votre passé ; vous vous appropriez ce que vous êtes.
On entendait au loin, dans la baie des Trépassés, le hurlement des galets qu’entrechoquent les rouleaux de l’Océan.
Et qui était-il, d’ailleurs, cet homme aimant que la jalousie transformait en bloc de chagrin tendu vers une seule idée, une image unique ?
Pourtant, qui a goûté au poison ambigu et douceâtre de la nostalgie sait qu’elle ne nous lâche pas, déplaçant seulement le vague malaise, la jubilation secrète qui l’accompagnent, vers un autre objet, une autre vie, une autre ville.
Ainsi marchons-nous en exil, sur des trottoirs qui ne nous appartiennent pas, accompagnés par une oule indifférente et anonyme, regrettant le lieu où nous ne sommes pas, magnifiant les époques défuntes, à l’affût d’une étincelle de nostalgie qui, en auréolant les promesses non tenues du passé d’une lumière illusoire, plonge le présent qui n’existe déjà plus dans l’ombre.
L’épuisement apaise l’inquiétude pour un temps. Les fonds noirs promettent l’oubli.
La frontière avec Paris était une mer pour qui ne sait pas nager, une montagne pour le voyageur en proie au vertige.
Depuis que le défilé des paysages avait disparu dans la nuit, les fenêtres, transformées en miroir, renvoyaient aux voyageurs leurs visages fatigués. On se regarde dans la glace, et on ne se reconnaît pas. Où est l’image familière que l’on s’attendait à voir ?
Mais les cris, les sentiments, les inquiétudes, les pleurs, les petites chansons, les souvenirs, ne s’accrochent-ils pas aux recoins des murs et des sols ?
elle lui opposa le sourire rayonnant qu’elle brandirait toute sa vie comme un bouclier ou un masque.