Yvars, Alain « Que les blés sont beaux : L’ultime voyage de Vincent Van Gogh » (2018)

Yvars, Alain « Que les blés sont beaux : L’ultime voyage de Vincent Van Gogh » (2018)

Auteur : Ayant toujours vécu dans la région parisienne, Alain Yvars, depuis la fin de sa vie professionnelle dans la gestion d’entreprise, a gardé intacte la passion de sa vie : la peinture. Après avoir peint de longues années, le blog qu’il a créé, « Si l’art était conté », est consacré à des récits, nouvelles, et écrits divers sur l’art. Il aime imaginer dans leur contexte historique les peintres qui ont fait l’histoire de l’art. Ainsi, il les regarde peindre et vivre, ce qui lui permet de s’inspirer de leur talent pour écrire ses récits.
Son premier roman « Que les blés sont beaux » se veut un hommage à Vincent Van Gogh universellement admiré de nos jours. Des années de recherches dans l’impressionnante correspondance de l’artiste, divers documents, et de nombreuses visites dans les archives de la BNF ont été nécessaires pour donner une âme au livre. Il nous fait découvrir l’artiste qu’il a suivi au jour le jour durant deux mois à Auvers-sur-Oise : l’homme nous apparaît avec sa sensibilité, sa culture littéraire et artistique, son amour de la nature et des gens.
Présentation par l’auteur : Passionné d’art, ce roman a mûri en moi tout au long des années nécessaires à l’étude de nombreuses monographies, documents divers, recherches à la BNF, et, surtout, de la correspondance de l’artiste.
Au-delà de ma passion pour le peintre, l’homme que j’ai découvert dans cette correspondance m’est apparu bien différent de l’être tourmenté et malade qui nous est présenté trop souvent. Ses textes cultivés et passionnés sont riches d’enseignements sur sa sensibilité, sa culture artistique et littéraire, son amour de la nature.
Ce roman, qui se veut à mi-chemin entre le roman historique et l’histoire de l’art, est donc la vie et le parcours de Vincent Van Gogh durant deux mois à Auvers-sur-Oise, du 17 mai 1890 au 27 juillet 1890.
L’essentiel à mes yeux dans ce roman était de respecter la pensée de Vincent Van Gogh, d’expliquer ses convictions, ses espoirs, de parler de son travail de peintre, sans ajouter d’intrigues romanesques superflues. Je voulais donner une vérité sur l’homme et son art. Je pense que celle-ci aurait convenu à l’artiste puisque c’est lui qui me l’a soufflée…
Ce livre peut intéresser des lecteurs qui aiment l’histoire de l’art, la peinture, le peintre Vincent Van Gogh, et l’histoire en général.

Auto-édité Amazon – 28.11.2018 – Roman art/historique – 250 pages

Résumé : Une prémonition ? : « Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d’alors apparussent comme des apparitions » En écrivant cette phrase à sa sœur Wil, le 5 juin 1890, Vincent Van Gogh pouvait-il se douter que son souhait se réaliserait ? Je me suis rendu dans cette petite commune d’Auvers-sur-Oise où la présence de Vincent Van Gogh est toujours perceptible. Je l’ai rencontré. Il est devenu un ami. Je n’ai eu qu’à l’écouter. Tour à tour joyeux, mélancolique, il m’a raconté, au jour le jour, son activité durant les deux mois qu’il a passés dans cette ville où il était venu pour oublier son mal et se soigner. Intarissable, il m’a fait tout partager : ses joies, ses doutes, ses rencontres, sa tendresse pour son frère Théo. Il m’a décrit ses journées occupées à courir la campagne en quête de motifs et de modèles. Au sommet de son art, il peignait parfois plus d’un tableau par jour. Il m’a expliqué sa technique, sa passion pour cette peinture qui lui faisait dire : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c’est qu’un tableau ».

Mon avis : Tout d’abord je souhaite remercier l’auteur pour le petit moment d’intimité qu’il m’a offert. Deux mois en compagnie de Van Gogh à Auvers-sur-Oise … Que rêver de mieux ? Il arrive à Auvers en mai 1890 et en deux mois il y peindra 70 tableaux. Voilà pour les faits ; et maintenant découvrons Auvers en sa compagnie. Et on pensera non seulement à Van Gogh mais aussi à Daubigny, Corot, Daumier, Pissarro, Cézanne, qui tous ont passé par Auvers.

Ce qui est magnifique c’est que dès le tout début j’ai eu l’impression d’être avec lui physiquement… et dans un petit coin de sa tête et pas du tout spectatrice… et je me suis plongée dans mes livres, l’auteur m’a donné envie de réviser mon Van Gogh. Le livre parle non seulement de la vie de Vincent pendant les deux derniers mois de son existence mais aussi de peinture (et pas que de la sienne) . Ce livre fait revivre Vincent Van Gogh, mais pas que … Il fait aussi vivre le trait, les pinceaux, les couleurs, les personnes qui l’entourent, la nature, les chemins, les monuments. La scène de la peinture de l’Eglise montre à quel point un lieu peut se révéler vivant. L’importance des couleurs de la nature, des couleurs chez Van Gogh. D’ailleurs c’est le peintre de la couleur : le jaune, le violet, le bleu, qu’il soit couleur du ciel ou de la nuit…

Dans la majeure partie du roman Vincent respire la joie de vivre, de peindre. Après son calvaire dans le Sud, on le sent revivre, frémir, et avoir envie de vivre, de faire des projets. Le fait que tout le monde (mis à part le Dr Gachet) ignore les troubles dont il a souffert par le passé facilite aussi les choses je pense. Il prend un plaisir intense à peindre les jeunes filles de son entourage, les toiles vibrent sous le jaune éclatant du soleil et des blés. Il vibre et ressent les êtres, les choses et la nature et le traduit dans son art ; les couleurs vibrent à l’unisson ; les toiles s’enchainent à une vitesse hallucinante, tout est vie au bout de ses doigts. D’une incroyable générosité, il offre un festival de couleurs et rend la vie éclatante. Certes il peint de paysages à Auvers mais il peint aussi ce qu’il préfère peindre depuis toujours : il fait des portraits. Et l’auteur met aussi l’accent sur les mains que le peintre aime mettre en valeur. Van Gogh donne aussi des conseils : « Soyez vous-même, mon garçon ! Servez-vous de la couleur pour ressentir. Ensuite, vous serez bien » D’ailleurs tout a toujours été couleur dans sa vie, y compris la « fée verte ».

Dans le livre, Van Gogh fait de rencontres ; le Dr Gachet – qui commettra des toiles sous le pseudo de Paul Van Ryssel – et sa famille; les tenanciers de l’hôtel où il séjourne et les résidents du lieu ; les habitants du village. L’entente avec son frère et sa belle-sœur est fusionnelle et participe à son bonheur. Puis survient « la » cassure… Un voyage à Paris, une atmosphère pesante, et Van Gogh reperd ses repères et prend le chemin de la rechute. Une rechute due à la solitude qui l’étreint, au sentiment que jamais il ne pourra fonder une famille, qu’il sera toujours un poids pour ses proches.

Au final il repasse sa vie en revue, se revoit avec ses amis Toulouse-Lautrec et Aristide Bruant … il parle aussi de la littérature qui tenait une place importante dans sa vie. J’en retiens un homme lumineux qui souffrait de ne pas être reconnu par ses contemporains mais qui dégageait par ses peintures une vivacité, un charisme, une vigueur, un esprit visionnaire en avance sur son temps. Un homme entier, qui ne supportait pas non plus qu’on ne soit pas en accord avec ses idées et ne pouvait accepter que l’on ne se conforme pas à ce qu’il disait. Un artiste à fleur de peau, avec ses défauts et ses qualités.

Mais je vous laisse découvrir, vous immerger dans son univers et faire connaissance avec l’homme et je suis certaine que, comme moi, vous aurez envie de vous replonger dans les livres sur ce peintre et que germera en vous l’envie de faire un petit séjour à Auvers-sur Oise… Un énorme merci à Alain Yvars pour avoir donné autant de consistance, de vie, de couleur à cet homme et pour ne pas avoir réduit à un simple « lieu de suicide » la tranche de vie de Van Gogh passée à Auvers, car c’est tout sauf vrai. Dans ces derniers mois de vie, il a continué d’innover, testant un nouveau format de toile, tout en longueur (ou hauteur) et il rayonne. Il est au sommet de son art et sa seule crainte est la solitude, de voir arriver une nouvelle crise de maladie qui le ferait replonger dans une période noire, solitaire et angoissante. Pour moi il est mort comme il aura peint : solaire, en jaune pétant !

(J’ai également entendu parler de Adolphe Monticelli pour la première fois…)

Extraits :

A mes yeux, les cadres faisaient partie du tableau, ils l’habillaient, le mettaient en valeur

Le peintre Millet et ses peintures de la vie paysanne m’avaient inspiré. Très loin de ma palette actuelle aux couleurs vives, le tableau que je revoyais maintenant me plaisait toujours autant malgré l’utilisation de teintes sombres.

Depuis mon retour je voyais le Nord avec un œil différent. Les couleurs environnantes étaient douces, sans agressivité. Rien à voir avec celles du Midi si intenses qui m’éblouissaient parfois

Je ne remercierai jamais assez mon frère Théo et Camille Pissarro pour m’avoir permis de faire votre connaissance. — Camille Pissarro… Un grand talent ! Le patriarche des peintres impressionnistes ! Il est le seul à avoir participé à toutes les expositions du groupe jusqu’en 1886

Vincent, vous devez connaître la technique de l’eau-forte, mais je me permets de vous l’expliquer à nouveau… Comme vous le savez, c’est un procédé de gravure en creux dont l’origine remonte à plusieurs siècles

La brosse encore saturée de l’outremer utilisée pour les vitraux balaya le ciel énergiquement dans un geste ondulatoire

Votre église ne ressemble pas à notre église d’Auvers, calme, sereine. La vôtre dégage comme une douleur… Elle se plaint… On dirait qu’elle veut parler, exprimer quelque chose, sans y parvenir […] Votre église d’Auvers n’est plus une simple église de campagne. Elle a une âme

Vous savez que bien peu de personnes sont capables de disséquer ma peinture de cette façon, et surtout de la comprendre. L’art nouveau est peut-être plus accessible aux regards frais et simples comme le vôtre

En matière d’art, la Hollande possède, comme la France, un riche passé artistique. Les peintres de notre Siècle d’or, Rembrandt, De Hooch, Hals, Vermeer, et bien d’autres, sont notre fierté…

Au récent Salon des Indépendants, Monet a dit que les tableaux de Vincent étaient les meilleurs, et lors de l’exposition des Vingt à Bruxelles, Toulouse-Lautrec a failli se battre en duel avec un peintre qui critiquait ses Tournesols. Une toile d’Arles Les vignes rouges s’est vendue et le journaliste Albert Aurier a fait un papier élogieux dans le Mercure de France… Vincent est un grand peintre et cela se saura bientôt !

Le décor fut sommairement esquissé au pinceau. Des tons purs excitaient mes yeux. Il suffisait de les poser sur la toile tels que je les voyais : verts bleutés dans le feuillage des arbres ; bleu céruléen dans l’angle de ciel sur la gauche de l’île ; le même bleu brossé à grands traits dans l’eau, additionné d’un soupçon d’outremer et de violet pour les parties ombrées

Je voulais exister avec mes défauts et mes qualités, et, surtout, ne pas accepter le conformisme ambiant.

A mes débuts dans le métier, j’avançais par touches légères, cherchais le bon mélange, posais les couleurs délicatement, respectais les formes, les volumes, les contrastes. Aujourd’hui c’était superflu, la spontanéité était le seul chemin que je m’autorisais

En dix années de peinture, j’ai assimilé les différentes influences picturales des grands maîtres : Millet, Delacroix, Rembrandt… Ils ont ouvert la voie. Aujourd’hui, je me sers de ce qu’ils m’ont appris et tente, modestement, d’aller plus loin. Tom… seules la sincérité et l’émotion devant la nature doit guider notre travail.

Aujourd’hui, une souffrance revenait, s’insinuait à nouveau en moi. Ce n’était pas cette douleur dure, éprouvante, qui m’enserrait la tête à Saint-Rémy, mais un mal-être qui partait du ventre, une sorte d’étau qui enserrait les organes, remontait dans la poitrine et m’asséchait la gorge. Une immense solitude m’étreignait

Je peignais pour connaître ces moments-là, ces combats fougueux avec la toile qui voyait le motif inerte me faisant face, s’animer, s’exalter, pour se transformer en quelque chose de nouveau… une œuvre d’art

Exceptionnellement : Lien pour se le procurer  ( les bénéfices seront reversés à l’Association Rêves pour enfants malades)

Image : Le Portrait du docteur Paul Gachet avec branche de digitale est l’une des peintures les plus chères de l’artiste-peintre néerlandais Vincent Van Gogh, puisqu’elle a été vendue au prix record de 82,5 millions de dollars en 1990.

5 Replies to “Yvars, Alain « Que les blés sont beaux : L’ultime voyage de Vincent Van Gogh » (2018)”

  1. C’est une merveilleuse récompense que vous m’offrez. Tout mon travail de recherche et d’écriture durant des années n’était pas inutile puisque vous, Catherine, avez su me lire avec la même passion que celle qui m’anime.
    Vincent, lui, à qui j’ai transmis votre chronique, est très perturbé. Son état se situe à mi-chemin entre la joie et les larmes…
    Dans votre « A propos » vous parlez de faire découvrir les couleurs de la vie à vos lecteurs. Je crois que vous venez de le faire.
    Un très grand merci

    1. Je vous remercie de ce commentaire. J’espère vivement que le jaune, couleur de souffre, couleur que Michel Pastoureau va prochainement mettre à l’honneur dans l’un de ses livres continuera à être revalorisé. Vincent en est l’un de ses plus vibrants ambassadeurs et que rien ne le perturbe!

  2. « Que les blés sont beaux », indique notamment en titre la couverture de ce livre.

    Que ce livre est beau !, paraphrasai-je en le refermant quelque deux cent trente pages plus tard.

    Talent et pudeur au bout de sa plume, Alain Yvars a brillamment réussi à me réconcilier avec la littérature romanesque propice à soutenir mon plaisir de lire et surtout, ce qui est loin d’être négligeable à mes yeux, capable de m’ « enseigner » quelque chose, – en l’occurrence ici, les derniers mois de Van Gogh, du 17 mai au fatidique dimanche 27 juillet 1890 -, bien loin d’une certaine « doxa » à notre époque ressassée ad nauseam chez certains auteurs qui préfèrent le sensationnalisme à la simple vérité historique.
    Et c’est accompagnés par la correspondance du peintre à laquelle Alain Yvars se réfère avec bonheur que nous cheminons dans cette « autobiographie fictionnelle » qui tant séduit.

    Que ce livre est beau !

  3. Je t’excuse de t’être trompé, Richard. Cela arrive. Tu voulais certainement parler d’un ouvrage de la Recherche de Marcel Proust ?
    Je plaisante…
    Mon livre, dans lequel tu le sais j’ai beaucoup donné, ne mérite pas un tel éloge. Mais tu me l’offres, et bien je prends en te remerciant. C’est ma fête en ce moment après la très belle chronique de Catherine.
    C’est Vincent qui a fait tout le boulot alors je partage évidemment avec lui. Le pauvre, s’il pouvait revenir, lui qui était tant décrié, il se suiciderait à nouveau, mais de joie.

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