Lemaître, Pierre « Sacrifices » (2012)

Lemaître, Pierre « Sacrifices » (2012)

Auteur : écrivain et scénariste français, né à Paris , le 19/04/1951. Fils d’employés de sensibilité politique de gauche, il passe son enfance entre Aubervilliers et Drancy.
Psychologue de formation, et autodidacte en matière de littérature, il effectue une grande partie de sa carrière dans la formation professionnelle des adultes, leur enseignant la communication, la culture générale ou animant des cycles d’enseignement de la littérature à destination de bibliothécaires.
Ses polars : Verhoeven, tétralogie incluant : Travail soigné, Alex, Rosy & John, Sacrifices – Robe de marié (2009) – Cadres noirs (2010) – Trois jours et une vie (2016) –
Trilogie de l’entre deux-guerres : Au revoir là-haut(2013) – Couleurs de l’incendie (2018) – Miroir de nos peines (2020)

Tétralogie VerhoevenTravail soigné, Alex, Rosy & John, Sacrifices (coll. « Le Livre de poche. Thrillers » 2015, 1191 p.) – – Tome 3 : « Sacrifices »  Albin Michel 03.10.2012- 362 pages / Le livre de poche 05.02.2014- 356 pages

« Sacrifices» (Tétralogie Verhoeven tome 3)
Ce livre a été publié avant Rosy & John, mais il doit se lire en dernier.

Résumé :
« Un événement est considéré comme décisif lorsqu’il désaxe complètement votre vie. Par exemple, trois décharges de fusil à pompe sur la femme que vous aimez ». Anne Forestier, la nouvelle compagne du commandant Verhoeren, est l’unique témoin d’un braquage dans une bijouterie des Champs-Elysées. Elle a été violemment tabassée et laissée pour morte. Atmosphère glaçante, écriture sèche, mécanique implacable. La troisième enquête du commissaire Verhoeven touche au plus secret de sa vie privée : témoin du hold-up d’une joaillerie des Champs Élysées, Anne Forestier, sa maîtresse, échappe par miracle à la fureur meurtrière du braqueur. De ce truand virtuose, assez rapidement identifié, Verhoeven connaît les habitudes et le mode opératoire. De la victime à demi morte, il ignore beaucoup de choses… Le flic se lance à l’aveugle dans une traque acharnée qui va devenir une bouleversante affaire personnelle.: Pierre Lemaitre a imposé son style et son talent dans l’univers du thriller.

Après Alex, il achève ici une trilogie autour du commandant Verhoeven, initiée avec Travail soigné. Par l’auteur de « Au revoir là-haut », prix Goncourt 2013. Lemaitre sait se renouveler, surprendre à chaque nouveau récit et c’est encore le cas avec ce Sacrifices à la machinerie parfaite, aux rebondissements imprévisibles, qui est en outre l’œuvre d’écrivain authentique. Oppressant, haletant, Sacrifices ne triche jamais.

(Au final la trilogie deviendra une tétralogie …)

Mon avis : Ce livre devait être le dernier de la série Verhoeven. Je suis bien contente de savoir que je vais encore retrouver Camille une dernière fois. J’ai beaucoup aimé ce troisième tome mais mon préféré restera pour le moment « Travail soigné ». Le commandant Verhoeven fait cavalier seul, pendant trois jours, car il est dans une fâcheuse situation. Au mépris de toutes les règles de la profession, il fait passer sa vie privée avant tout, il agit à sa tête, en faisant fi des lois et en ne communiquant pas comme il le devrait. L’affect prend le dessus et vogue la galère.

Un rythme très soutenu, un livre écrit au présent qui donne une sensation d’urgence, de course contre la montre. Qui est ce « je » qui fait office de tête pensante ? Ce personnage est extrêmement déstabilisant et cela rend le contexte encore plus oppressant.

De fait, la trilogie est devenue tétralogie, mais ce livre est toujours le dernier de la série, l’action de « Rosy & John » se situant avant celle-ci .

Extraits :

Un événement est considéré comme décisif lorsqu’il désaxe complètement votre vie

Quand vous avez traversé une pareille épreuve, vous pensez qu’il ne peut plus rien vous arriver.
C’est le piège.
Parce que vous avez baissé la garde.
Pour le destin, qui a un œil très sûr, c’est le meilleur moment pour venir vous cueillir.
Et vous rappeler l’infaillible ponctualité du hasard.

La somme de coïncidences nécessaires pour qu’une catastrophe survienne est proprement déroutante.

Le genre de témoin qui refabrique la réalité à la vitesse de la mémoire. Pour autant, pas le genre à perdre le nord.

Au bout d’un long moment, Anne fait non de la tête, non, on ne sait pas à quoi, à tout ça, à ce qui se passe, ce qui s’est passé, à cet absurde qui saisit nos vies sans prévenir, à l’injustice à laquelle les victimes ne peuvent s’empêcher de donner une signification personnelle. Impossible de dialoguer avec elle. C’est trop tôt. Ils ne sont pas dans le même temps. Ils se taisent.

Camille adore ce mot, « molester ». Dans la police, on l’adore. On adore aussi « individu » et « stipuler » mais « molester », c’est beaucoup mieux, avec trois syllabes on couvre une gamme qui va de la simple bousculade au passage à tabac, l’interlocuteur comprend ce qu’il veut, rien de plus pratique.

Le fait qu’ils avaient commencé leur carrière ensemble, un lien de jeunesse d’autant plus précieux qu’ils n’avaient jamais été vraiment jeunes ni l’un ni l’autre.

Un caractère dit « bien trempé » (en clair, c’est une emmerdeuse), une intelligence très vive (son pouvoir de nuisance en est décuplé)

Il remue la tête comme s’il avait de l’eau dans les oreilles, qu’il voulait vider le trop-plein d’émotion, retrouver de la distance

Le hold-up, c’est comme la descente à ski, l’accident survient toujours en fin de journée, c’est le dernier effort qui fait le plus de dégâts.

Le grand art consiste à ressortir comme on est venu.

C’est le moins facile, il faut force, concentration, vigilance, lucidité, qualités rares chez un seul homme. Pour les braquages, c’est un peu pareil, c’est toujours vers la fin que ça risque de partir en torche, on arrive avec des résolutions pacifiques, on rencontre de la résistance et si on manque de calme, on se retrouve à arroser la foule au calibre 12 et on laisse derrière soi un carnage simplement dû à un petit manque de sang-froid.
Mais la voie a été libre jusqu’au bout.

La nuit, dans les hôpitaux, c’est quelque chose. Même le silence a l’air en sursis.

Refaire sa vie, il n’y a jamais pensé, mais sa vie est en train de se refaire toute seule, presque malgré lui.

Ces quatre années sans elle auront sans doute été les plus éprouvantes, les plus malheureuses de sa vie, et il ne peut malgré tout s’empêcher de les considérer comme les plus intéressantes, les plus vibrantes. Il ne s’est pas éloigné de son passé. C’est ce passé qui est devenu (il cherche les mots) plus nuancé ? Plus discret ? Amorti ? Comme le reste dans une addition qu’il n’aurait pas effectuée.

il fonctionne sur le modèle de l’interrupteur : le courant passe ou ne passe pas. Entre les deux, rien. Et là, d’un coup, il passe.

En cherchant, il n’a pas trouvé de solution, il s’en est remis à la providence, mais la providence c’est comme l’homéopathie, si on n’y croit pas… Le résultat est catastrophique.

des lambeaux de vie restent accrochés ici et là, s’il regarde autour de lui il en voit partout.

Les mots vont venir, il fallait d’abord que le silence prenne sa place.

Il s’est cru ballotté par les circonstances mais il ne l’est pas.
Ce qui nous arrive, nous le fabriquons.

Surtout vexé. C’est le pire, pour un homme comme moi. La colère, on fait avec, on finit par se calmer, on relativise, mais l’amour-propre, c’est terrible les dégâts que ça peut faire. Surtout chez un homme qui n’a plus rien à perdre, un homme qui n’a plus rien à lui. Un type comme moi, par exemple. Pour une blessure d’amour-propre, il est capable de tout.

Le métier de braqueur ressemble beaucoup à celui d’acteur de cinéma, on passe son temps à attendre et ensuite on fait sa journée en quelques minutes.

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