May, Peter «La petite fille qui en savait trop» (2019)

May, Peter «La petite fille qui en savait trop» (2019)

Auteur :  Né en 1951 à Glasgow, Peter May a été journaliste, puis brillant et prolifique scénariste de la télévision écossaise. Il vit depuis une dizaine d’années dans le Lot où il se consacre à l’écriture. Sa trilogie écossaise – L’Île des chasseurs d’oiseaux, L’Homme de Lewis et Le Braconnier du lac perdu –, initialement publiée en français par les Éditions du Rouergue, a conquis le monde entier. Saluée par de nombreux prix littéraires, toute son œuvre est disponible aux Éditions du Rouergue.

Pour mes commentaires de ses livres : voir dans la liste des auteurs (M-Q)

Rouergue, « Noir », o5.2019, 384 p. (The Man With No Face, 1982)

Résumé : Bruxelles, 1979. Alors que Neil Bannerman, un journaliste d’investigation envoyé par le Edinburgh Post, découvre les us et protocoles de la jeune Communauté européenne, un homme d’un tout autre calibre arrive lui aussi du Royaume-Uni. Ancien combattant des forces armées britanniques, Kale est devenu un tueur professionnel redoutable et s’il a rejoint le continent c’est pour une exécution. Un crime qui serait parfait si une étrange petite fille, incapable de parler ni d’écrire, mais extraordinairement douée en dessin, n’en était le témoin. Tania saura-t-elle donner un visage à l’assassin de son père ? En aura-t-elle le temps ?

Peter May lance un infernal compte à rebours dans la capitale belge, cœur de la vie politique européenne, épicentre de tous les jeux de pouvoir. Bannerman, l’Écossais impliqué à son corps défendant dans le meurtre d’un compatriote, pourra-t-il prendre de vitesse un assassin qu’aucune pitié n’a jamais arrêté ? Et, tandis que les autorités belges et britanniques s’acharnent à étouffer une affaire aux ramifications politiques, parviendra-t-il à démêler les motivations du meurtre d’un homme que beaucoup considéraient comme le futur Premier ministre du Royaume-Uni ?

Mon avis : Ce roman inédit est de fait le 3ème roman de l’auteur écossais. Sorti il y a 40 ans, au moment de l’entrée de la Grande Bretagne dans l’Europe. Et ressorti maintenant, au moment où elle est sur le point de sortir.

Certes il n’y a pas la magie de sa trilogie écossaise car ce n’est pas du tout la même ambiance. Mais j’ai bien aimé ce thriller politique. La pauvre ville de Bruxelles n’est visiblement pas un endroit que l’auteur affectionne et il ne semble pas porter les belges en haute estime. Tout est froid, mouillé et gris là-bas. Mais sinon, c’est bon. Le pouvoir politique demande à la police d’enterrer une enquête ?  La presse est là pour ne pas laisser faire ; et ce livre montre à quel point les journalistes d’investigation sont performants quant il s’agit de faire éclater la vérité.

J’ai aussi beaucoup aimé la manière dont l’auteur a traité l’autisme ; rappelons-nous que cela a été écrit il y a 40 ans ! Un bon moment de lecture, une écriture fluide, et je ne suis pas du tout étonnée du parcours littéraire de celui qui était journaliste à l’époque.

Extraits :

Même quand il pleuvait, Édimbourg était une belle ville. Bizarrement, elle avait réussi à conserver son caractère en dépit des changements apportés au fil des siècles. Elle avait quelque chose de quasiment médiéval avec ses ruelles biscornues, ses impasses pavées, ses immeubles inclinés. Et, bien sûr, la masse redoutable du château lui-même, saisissante, puissante sur l’horizon.

En fin de compte, c’était la seule chose que l’armée lui avait apportée. Elle l’avait aidé à trouver en lui-même cette capacité à tuer, froidement, délibérément.

Il y a plus de deux cent mille résidents étrangers temporaires ou permanents à Bruxelles. Des milliers de fonctionnaires, politiciens, journalistes de toute l’Europe qui ne se sont jamais intégrés à la population locale. La plupart vivent dans les Euro-ghettos.

Travailler avec les Belges ne pose pas de problème. Mais il est impossible de nouer avec eux des relations sociales. Un Belge ne t’invitera jamais chez lui, même si tu le connais depuis des mois, voire des années. Ce sont des gens bizarres, introvertis, suspicieux.

Elle se raccrochait à la routine sans savoir pourquoi. Les choses familières offraient une grande sécurité, et l’inconnu, une incertitude dévastatrice.

Être enfermé à l’intérieur de soi. Comme dans une cage. Le monde peut y pénétrer mais on ne peut pas en sortir.

Le rédacteur en chef d’un journal pour lequel j’ai travaillé autrefois disait que derrière chaque fenêtre se planque une histoire.

La grande solitude de la première nuit dans un lit étranger se referma autour de lui comme un poing, avant que la somnolence précédant le sommeil éparpille ses pensées et engourdisse sa déprime.

Vous savez, il n’y a pas moyen d’échapper aux choses qu’on regrette. Elles restent là, elles vous façonnent, même sans qu’on le sache. Et puis quelque chose ou quelqu’un fait tout remonter à la surface, et tout paraît encore pire après ces années d’enfouissement.

La discipline de fer, la solitude des lieux ; les deux avaient laissé sur lui leur empreinte.

Un bon journaliste n’est pas seulement doué avec les mots, il sait obtenir des informations, il sait chercher. Sait où fureter, à qui demander.

Dieu, s’il existe, devait avoir la tête ailleurs le jour où il nous a mis sur cette planète, ou alors il joue à des échecs célestes dont nous sommes des pions qu’on peut facilement sacrifier sur le grand échiquier de l’univers, qu’on trouve ça juste ou pas. On peut parler de bien et de mal, même si c’est différent pour chacun de nous… Mais rien n’est juste.

On choisit son propre chemin vers l’enfer, on croit en connaître chaque virage, chaque bifurcation. Puis on découvre que l’enfer n’est pas la fin du voyage.

J’espère que quelqu’un vous trouera la tête pour qu’un peu de jugeote finisse par y pénétrer.

Le monde était plein de gens qui ne comprenaient rien, qui ne comprendraient jamais rien.

On dit que la Belgique est bilingue. Ce n’est pas vrai. En dehors de Bruxelles, où tout le monde fait semblant, nous sommes une nation de deux communautés monolingues. La langue et la culture du nord et du sud l’emportent sur la nation.

Les pensées dérivaient dans son esprit comme des écharpes de brume. Dès qu’elle voulait s’en saisir, elles se dispersaient, et elle abandonnait.

Même ceux que nous aimons, ou pensons aimer, ne sont pas aussi importants à nos yeux que nous-mêmes. Voilà la véritable condition humaine. C’est ce que nous ressentons tous, mais avons honte d’admettre. Pourquoi, je n’en sais rien. Car l’égoïsme est l’essence de l’existence.

À chaque trait de personnalité, correspond obligatoirement un contraire. Comme dans toutes les choses naturelles. Le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité, l’été et l’hiver. Chez les humains, les contrastes sont plus subtils, mais ils sont là, si on les cherche. L’amour et la haine, la colère et le pardon, la cupidité et la générosité, l’égoïsme et la compassion.

Sans nuit, il n’y a pas de jour. Sans haine, il n’y a pas d’amour. Sans compassion, il n’y a pas d’égoïsme.

4 Replies to “May, Peter «La petite fille qui en savait trop» (2019)”

  1. Un nouveau roman qui est en fait un ancien roman ! Une époque d’il y a 40 ans ! Pressent-elle l’avenir ? celui de notre présent. Je ne t’ai pas senti enthousiaste plus que ça ?!!! Juste un bon moment de lecture. Juste ça ? Est-ce que cela m’a donné envie ? Elle semble loin la poésie des paysages d’Ecosse, non ?!!!

    1. Effectivement. C’est un bon roman d’investigation alliant suspense et politique. Bien aimé mais pas plus emballée que ça. Et les paysages d’Ecosse… à part la phrase de l’extrait …
      Cela se déroule en Belgique principalement et c’est plus factuel que poétique…

  2. Alors mon avis : bof, bof, j’ai moyennement aimé ce Peter May qui m’a habituée à une écriture plus poétique avec sa trilogie écossaise. Est-ce le contexte, le livre se situe dans les années 1970 à Bruxelles où le Royaume Uni est en pour parler pour rejoindre l’Europe. Nous savons que Peter May l’a écrit quand il était encore journaliste, c’est peut-être pour cela qui en fait une lecture claire sur les faits, fluide dans son énoncé mais qui se révèle sans caractère, sans saveur et surtout sans la plume de Peter May. C’est pour moi une erreur de sa maison d’édition ou de lui-même de sortir ce bouquin. Peter May considère après l’avoir relu, comme un bon livre, ce n’est pour moi pas le cas. Tout semble caricatural dans les portraits des personnages même quand il explique à la fin du bouquin comment lui a été inspirée cette histoire. Il a failli me toucher quand il initie un début de relation avec la petite fille autiste et Banerman le journaliste mais me perd aussitôt quand il met en mots les pensées de la dite autiste, élaborées, construites, réfléchies.
    Ensuite certaines discordances flagrantes quand on est un lecteur comme moi où les descriptions se forment en un tableau. Alors il faudrait que Peter May m’explique comment on peut voir les graviers d’une allée quand la pelouse juste à côté a disparu sous la neige ???? Bref un livre sans intérêt comme il en pleut souvent dans l’univers des policiers.

    Tu vois Cath, je ne t’avais pas senti très enthousiaste avec ce bouquin…

  3. Mon Dieu, qu’il était long ce « nouveau-vieux » Peter May ! Je me suis ennuyée, mais ennuyée ! Il a fallu attendre 2 heures de lecture avant que ne soit commis un pauvre petit meurtre. Et puis toutes ces considérations météorologiques à tout bout de champ : il pleut, il neige, puis il repleut et il reneige. Pfff ! Tout est caricatural : les journalistes alcooliques et placardisés, Bruxelles, le tueur au regard froid, le couple d’américains… L’élucidation de l’histoire est un peu tirée par les cheveux aussi. Certes, certaines choses s’expliquent à la lecture du mot de l’auteur à la fin du livre… mais quand même !… quel était l’intérêt de rééditer ce livre ?

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