Nothomb, Amélie « Le crime du comte Neville » (2015)

Nothomb, Amélie « Le crime du comte Neville » (2015)

Et comme souvent, le premier livre de la rentrée est celui d’Amélie…

Résumé : « Ce qui est monstrueux n’est pas nécessairement indigne. » Amélie Nothomb

Analyse : 24ème livre de la Baronne. L’Histoire d’Henri, désargenté, qui prépare sa dernière garden-party dans le château qu’il va devoir vendre. Une diseuse de bonne aventure lui prédit qu’il va assassiner un invité au cours de la fête. Le roman se déroule dans le milieu restreint de l’aristocratie belge dont l’auteur fait partie. Ce milieu est statique, il n’évolue pas. On voit bien qu’A.N. a de la tendresse pour ce petit microcosme. Il faut bien faire les choses, respecter les règles de la bienséance, la manière est plus importante que l’acte, et si les apparences sont sauves, tout va bien. Le modèle : son père, le conte, et sa vie qui tourne autour de l’art de bien recevoir.

Avec la diseuse de bonne aventure, la notion de destin est évoquée ; une part de la vie est prédéterminée, l’autre dépend du choix de la personne.

Une fois encore, comme dans les autres livres, le choix des prénoms est important et les prénoms choisis par la romancière sont toujours hallucinants. Elle a inventé pour ce livre celui de « Sérieuse » et son explication est un peu tirée par les cheveux, mais au point où on en est… Les deux autres enfants du compte doivent gérer les prénoms d’Oreste et Electre. Et bien sûr on aurait pu penser que la troisième serait Iphigénie et non « Sérieuse »… la réponse est dans le déterminisme : l’infanticide est choquant. « Sérieuse », c’est Amélie adolescente. Elle se considérait comme morte-vivante, n’éprouvait rien et son réveil à la vie est tel que décrit dans le livre. La description de la vie de noble désargenté et le culte des apparences et des invités semble être familière à l’auteur et expliquer son désamour des invités.

J’ai bien aimé la référence à Oscar Wilde « Le crime de Lord Arthur Saville » : dans ce roman Lord Saville doit tuer une personne : c’est un acte grossier et mal élevé, mais ce n’est pas un acte déshonorant. Le meurtre d’un invité est « le déshonneur absolu » car l’ invité est la personne la plus respectable qu’il soit au monde et on doit tout faire pour qu’il soit à l’aise et bien traité. Alors le tuer ! et en plus avec préméditation ! Mais maintenant il va falloir que je lise la nouvelle d’Oscar Wilde… *

Le petit roman est divisé en deux : la cogitation sur la personne à éliminer car il ne remet pas en cause la prédiction et le passage en revue des invités. Et la réalisation… Et comme toujours pas de morale : un crime est commis mais la justice n’est pas rendue…

Et la morale de l’histoire : la vie ne s’éveille que par la beauté..

Mon avis : Ouais…… un peu facile.. Alors de quoi passer une heure de détente, avec quelques références littéraires et aristocratiques mais pas le meilleur. Comme souvent un livre farfelu, fantasque.

C’est le premier des livres de la rentrée 2015 que j’ai terminé avec référence au père. Au programme le Carole Martinez et le Angot : pas la même relation au père…

Extraits :

Depuis quelques années, pour d’obscures raisons, les gens ne se satisfaisaient plus des termes sentiments, sensations ou impressions, qui remplissaient pourtant parfaitement leur rôle. Il fallait qu’ils éprouvent des ressentis

En Belgique, il n’y a pas de loi pour protéger les monuments historiques. Rien n’empêcherait les futurs propriétaires de raser cette construction de 1799 et l’antique forêt qui l’entourait. Ne plus posséder cet endroit de rêve n’était pas grave, mais qu’il soit détruit, même à titre d’hypothèse, les suppliciait tous les deux

Le prénom Ernest signifie sérieux. — Pourquoi pas Ernestine, alors ? — C’est laid, Ernestine. Sérieux n’est pas très beau, mais Sérieuse, c’est magnifique.

On ne racontera pas ici les péripéties de ce noble anglais, pris entre les exigences contraires du devoir, de l’étiquette et de l’amour

En plus, mon cas est mille fois pire que le sien. Lui apprend seulement qu’il va devoir tuer quelqu’un. Ce qui peut arriver à n’importe qui, par accident ou pour mille autres raisons très défendables. Moi, je vais tuer un invité pendant la réception que je donne

L’invité était celui que l’on espérait et attendait chez soi depuis toujours, dont la venue était préparée avec une attention extrême

Voyons, combien de fois vous ai-je répété que je ne lis jamais de roman ? » Vous vous étiez alors rendu coupable d’oubli de conversation antérieure

Tuer un invité dans un instant de colère, cela sent sa classe, c’est chic. Préméditer l’assassinat d’un invité, c’est prouver, avec la dernière grossièreté, que l’on ignore l’art de recevoir

Modernes par leur date de naissance, ils avaient été élevés selon le monde ancien par des parents que leur milieu avait rendus aveugles à cette révolution

Je te préférais muette. Là, tu parles. C’est désastreux.

tu séduis pour l’unique plaisir de donner à l’autre l’impression qu’il mérite tant d’efforts. Ta séduction est une générosité

Quand on n’est jamais ému, on n’est jamais passionné

l’insomnie consistait en une incarcération prolongée avec son pire ennemi. Ce dernier était la part maudite de soi. Tout le monde n’en était pas pourvu : ainsi, tout le monde ne connaissait pas l’insomnie.

Il était l’hôte absolu, solaire, il avait fait cela toute sa vie

« Le Crime de Lord Arthur Savile» (voir article)

3 Replies to “Nothomb, Amélie « Le crime du comte Neville » (2015)”

  1. Quelle célérité, chère Catherine !
    « Notre » Amélie fait donc partie des romans que tu lis dès la rentrée … et avant qu’elle soit invitée à le première émission de septembre de la « Grande Librairie » de François Busnel.
    L’as-tu vue ?
    Ils ont tous les deux joué un jeu remarquable – mis au point par avance, je présume -, de celui qui lui adressait les reproches lus dans la presse et elle, qui les balayait les uns après les autres. Du grand théâtre !!!

    Excellent samedimanche à toi.

    Amicalement,
    Richard

    1. Effectivement. Amélie est souvent ma première lecture de la rentrée. Mais à une condition : que ce ne soit pas un livre sur son enfance au Japon ! J’aime Amélie quand elle ne parle pas du Japon! va savoir pourquoi… Pas eu le temps d’annoncer que je le commençais qu’il est fini… C’est le seul regret avec Amélie
      Sinon oui bien sûr que j’ai regardé la Grande Librairie. C’est mon émission incontournable de la semaine! Et j’ai bien rigolé avec l’échange théâtral entre les deux.. Je te tue … tu te défends…

  2. A propos du « crime du Comte Neuville », je vous invite à découvrir le château du Pont d’Oyes, appartenant à la famille Nothomb.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_d%27Oye

    https://www.habay-tourisme.be/?page_id=45

    ftp://docum1.wallonie.be/DOCUMENTS/CAHIERS/CN79/MRW044_CN79_058-060_LR.pdf

    Le baron Pierre Nothomb, arrière-grand-père de notre Amélie préférée, acheta le château en 1932, et en fit un lieu pour les écrivains, peintres, …
    Lui-même auteur, il publia, entre autres, « La dame du Pont d’Oyes », histoire de Louise de Lambertye, la belle marquise.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Nothomb

    Etant souvent dans le coin, durant mon enfance ardennaise, j’ai eu la possibilité de visiter ce château… et sa bibliothèque 🙂

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