Cantero, Edgar «Le monde caché d’Axton House» (04.2015)
Résumé : Entrez de votre plein gré…
Agé d’une vingtaine d’années, A. vient d’hériter d’Axton House, un mystérieux domaine niché dans les bois de Point Bless, Virginie. Etrange affaire, en vérité. A. ignorait avoir un cousin éloigné nommé Ambrose Wells, et savait encore moins que le pauvre homme s’était récemment défenestré le jour de son 50e anniversaire ? trente ans jour pour jour après son père, et de la même façon que lui.
Accompagné de Niamh, jeune Irlandaise mutique de 17 ans présentée comme sa garde du corps, A. va de surprise en surprise. Quel sens donner à ces suicides ? Qu’est-il advenu du majordome qui s’est enfui le jour de la mort de son maître ? Sans compter ce labyrinthe dans le jardin, ou ces pièces secrètes sur lesquelles n’ouvre aucune porte. Tous deux grands fans de X-Files, Niamh et A. vont tenter de résoudre les énigmes auxquelles ils sont confrontés. Axton House est-elle réellement hantée ? Et que penser de cette rumeur qui voudrait qu’à chaque solstice d’hiver, sous le pâle halo lunaire, un mystérieux rassemblement s’y produise ?
Composé de notes, de rapports, de lettres, de journaux et d’enregistrements divers, le roman d’Edgar Cantero invente le gothique du XXIe siècle : soit une enquête surnaturelle à nulle autre pareille ? une atmosphère à la Carlos Ruiz Zafon, une Maison des feuilles parfaitement accessible ? se refermant sur le lecteur tel un piège jusqu’au retournement final.
Mon avis : OLNI ! Objet Livresque Non Identifié.. et une fois de plus un espagnol déjanté. Je me suis demandé dans quoi je m’embarquais.. mais la curiosité a gagné.. et tant mieux.. Ecriture très spéciale, toujours réinventée, mêlant tous les genres.. Il y a de tout.. le journal intime, les conversations, les enregistrements, le travelling façon cinéma, les énigmes, les codes à craquer. Et côté histoire, on a le psychologique, les fantômes, les maisons hantées, le surnaturel, les rêves et leur interprétation. On y ajoute des personnages atypiques surgis de nulle part… et en avant… Je me suis bien amusée… On se retrouve dans la peau des enquêteurs qui essayent de remonter le temps, de chercher des indices… De belles références aussi… Alors, la vérité est-elle là ou ailleurs ? Mulder et Scully vous attendent …
Extraits :
La seconde pire chose qui puisse arriver à un examen médical, c’est que le docteur appelle un collègue car il a besoin d’un autre avis.
Je dirais que la décadence est un dédale. C’est pareil pour la maison : ruine et poussière lui donnent un côté romantique.
— Quand j’y repense, je ne me souviens pas d’un seul mort dont on a accompli les dernières volontés. C’est comme si on ne les respectait plus.
— Décevoir nos contemporains est désormais une tendance assez générale. Les morts ne font pas exception.
…elle joue à cache-cache parmi les arbres à l’écorce de pierre. Un brouillard hivernal s’accroche aux troncs comme de l’ambre autour d’insectes préhistoriques.
Ceux qui croient aux âmes craignent que la leur brûle en enfer. Ceux qui croient aux fantômes sont persuadés que ceux-ci vont les hanter. Ceux qui croient que nous ne sommes pas seuls finissent par passer leur temps à regarder derrière eux et à se méfier de leurs sens si peu fiables.
Non, si je veux croire, c’est parce que j’ai besoin qu’existent ces limbes entre le réel et l’irréel.
À mesure que je voyage sur la route de la vie et que mon corps et mon esprit en paient le prix, réparer les pièces qui tombent régulièrement en panne devient moins une nécessité que de savourer le reste du trajet. Voilà donc pourquoi, par la présente, je vous remercie d’avoir si efficacement traité mes maux les plus sérieux : l’égocentrisme et l’ennui.
Les arbres, des squelettes colossaux qui griffent l’air de leurs branches, se prélassent sous un soleil parfaitement inefficace. Et pourtant, malgré cette austérité hivernale, ils semblent plus vivants que jamais. Tout comme le lichen et la mousse sur les crêtes et les canyons de leur écorce, ces bouleaux gigantesques sont comme des organismes microscopiques sur la croûte d’un rocher perdu dans l’espace, cherchant la lumière.
Un artefact contenant… des sentiments à l’état brut, des pensées non triées, des bruits et des douleurs que le cerveau interprète – est-ce si incroyable ?
DR BELKNAP : Non. Ça existe depuis des milliers d’années. Ça s’appelle un livre.
Il est allemand ?
GLEW : Suisse. Je le sais pertinemment, car Wells attribuait toutes ses vertus à son héritage helvétique : la méticulosité suisse, la discrétion suisse, le fromage suisse, et ainsi de suite.
Soyons clair : À 25 ans, vous avez déjà picolé plus que vos deux parents réunis ; vous prenez des antidépresseurs du lundi au jeudi et des acides le vendredi ; l’époque de vos marathons raveurs arrosés à l’eau minérale est révolue
Tout ce que je sais, c’est que j’avais l’impression d’être allongé un mètre au-dessus du sol pendant que les derniers accords du rêve s’éloignaient sur l’eau jusqu’à ce que, au-delà du rêve, surgisse la sonnette de l’entrée.
Oui, je sais que vous sautez déjà au paragraphe commençant par une conjonction adversative, alors allons-y.
Mais.
Elle a écrit sur son carnet, la main de plus en plus penchée comme si les lettres s’endormaient ou bien comme si elles s’apprêtaient à tomber comme des dominos : J’ai raté quelque chose ?