de Cortanze, Gérard «Miroirs» (2011)

de Cortanze, Gérard «Miroirs» (2011)

Auteur : Gérard de Cortanze a publié une cinquantaine de livres, parmi lesquels des romans, des récits autobiographiques dont «Spaghetti!» et «Miss Monde» (collection Haute Enfance), ainsi que des essais consacrés à Auster, Semprun, Hemingway, Sollers, Le Clézio… En 2002, il a obtenu le prix Renaudot avec «Assam». Descendant d’une illustre famille aristocratique (les Roero Di Cortanze) par son père, et de Michele Pezza (plus connu sous le nom de Fra Diavolo) par sa mère, cet ancien coureur de 800 mètres a fait de l’Italie en général et du Piémont en particulier la matière première de son œuvre littéraire, notamment dans son cycle romanesque des «Vice-rois». Il collabore au «Magazine littéraire» et dirige la collection Folio Biographies aux Éditions Gallimard.

Résumé : Dans le Grand Siècle, sur fond de guerre technique entre Venise et la France pour l’industrie des miroirs, le jeune baron verrier Nicolas de Valognes enquête sur la disparition d’une belle miroitière vénitienne, en qui il voit son âme sœur. 1665. Nicolas d’Assan, le jeune baron de Valognes, nourrit un goût immodéré pour les miroirs et n’hésite pas, en dépit des risques, à faire venir en contrebande des miroirs de Venise. Repéré par la police du Roi, il est d’abord fortement encouragé à rouvrir la verrerie que son père avait fermée des années plus tôt, puis contraint de partir à plusieurs reprises à Venise recruter des ouvriers verriers afin de permettre à la toute nouvelle Manufacture Royale des Glaces de Miroir de rivaliser avec la Sérénissime. Lors de son premier voyage, il fait la rencontre de la belle Azzura qui accepte de venir travailler à Paris, mais disparaît mystérieusement le jour du départ. Six mois plus tard, au retour de sa troisième mission, il engage l’un des ouvriers vénitiens, l’énigmatique Vittorio Dino, qui va faire de la verrerie de Valognes une réussite éclatante. Au point de déclencher l’ire de Colbert et d’être recruté de force à la Manufacture Royale. Les années suivantes, Nicolas d’Assan va les employer à éclaircir le mystère de l’identité réelle de Dino, apparemment lié à celui de la disparition de sa mère, à sa naissance. (Plon 2011 /Folio 2014)

Mon avis : Venise et Versailles… Magnifique. En plus de l’aventure et de l’intérêt historique, j’ai adoré en apprendre davantage sur le monde des maîtres verriers et Murano. J’aire trouvé le style agréable de cet auteur dont j’avais apprécié le « Assam » (Prix Renaudot 2002)

Enfin l’intrigue, ce n’est pas ce qui m’a le plus passionné. Nicolas, Vittorio et Azzura sont là pour pimenter le coté historique des choses… mais c’est léger.. Soyons honnêtes ! mais la description de la création de la Manufactures des glaces en France oui ! La « folie » du miroir règne en maitre, mais c’est Venise qui sait fabriquer les glaces et qui entend bien ne pas se faire voler ses artistes ! L’espionnage industriel en est à ses débuts et la guerre des miroirs entre Venise et Paris est à son comble. C’est aussi un roman sur la difficulté de survivre quand la réussite d’un particulier fait de l’ombre au Roi…

Voir aussi la série de romans vénitiens de Fréderic Lenormand ; il y a bien longtemps j’avais lu un livre de Nicole Descours : Anne Du Luberon qui parlait aussi de ce beau métier. Et je vais aller voir à la bibliothèque si « le printemps des cathédrales » de Jean Diwo est disponible ainsi que le livre « Le passeur de lumière » de Bernard Tirtiaux 😉

Extraits :

« bouches de lion » insérées dans les bâtiments publics à Venise et destinées à recevoir des dénonciations secrètes.

accédé à la noblesse par une de ces lettres royales qui, depuis Philippe le Bel, concédaient ce privilège aux maîtres verriers parce qu’ils exerçaient un métier « de toute ancienneté, réputé comme noble »

Un miroir de belles dimensions, encadré d’une riche bordure d’argent, valait plus qu’un tableau de Raphaël

les choses n’ont d’importance que par l’émotion avec laquelle on regarde le monde

Le goût de la société pour les miroirs s’étant beaucoup développé, la France était devenue entièrement tributaire de Venise pour leur importation. Ce qui avait provoqué à Paris la formation d’une corporation de miroitiers officiellement établie par le roi, qui lui reconnaissait, et à elle seule, le droit d’importer des miroirs de Venise.

Colbert venait de créer la Compagnie des Indes, à des fins purement personnelles : empêcher Fouquet de retrouver un rôle dans les affaires de l’État.

Réfléchissez, cher monsieur, à la moindre trahison, ce n’est plus un pied que vous aurez dans la tombe mais deux

C’est là que se place le “tiseur”, celui qui prépare et affine le verre à chaud », « c’est ici que s’effectue le “doucissage”, on frotte deux glaces l’une contre l’autre, pour en diminuer l’épaisseur, avec du grès écrasé, du sable, et pour finir de l’émeri », « ça, c’est un moellon, il sert à travailler les petites glaces ».

Ne dit-on pas que les soucis sont inséparables des agréments de l’existence, comme les épices du punch…

Lui qui ne connaissait de la mer que celle qui se faufilait entre les flancs des navires du port de Cherbourg fut surpris de voir cette lagune lavée par le flot, et toute cette onde luisante qu’un vent léger ridait à peine et qui venait mourir sur la grève. Et il y avait aussi les couleurs de l’eau, noirâtre, bleue, verte, et les odeurs enivrantes. Fallait-il qu’il vienne si loin pour connaître cette volupté ?

Il y a plusieurs siècles, les verreries étaient si nombreuses à Venise qu’elles mettaient régulièrement le feu à la ville. On a détruit tous les fours et on les a reconstruits à Murano. C’est là que se trouvent les deux fabriques où l’on fait les glaces les plus grandes : celle de Briati, celle de Barbaria.

Elles étaient réparties en quatre classes : les fabriques de verres et de cristaux soufflés, de cannes ordinaires pour conteries, de cannes margaritaires et perlaires, enfin, de vitres et de glaces brutes.

Venise était le pays des demi-masques et des loups, qui ne dissimulent que le front, les yeux et le nez, mais laissent la bouche à découvert. Ainsi a-t-on, sa vie entière, affaire à des demi-visages impassibles, à des demi-réalités. Venise était le pays des rumeurs qui traversent les fenêtres, qui se mêlent aux rêves, qui recouvrent les murs délabrés comme un enchevêtrement de plantes grimpantes.

Revenez demain, c’est le 5 octobre, c’est Carnaval. On peut tout faire quand c’est Carnaval !

L’homme était déguisé en Quacquero, ce bouffon d’opéra-comique en habit à la française d’ancienne mode, avec perruque à petites queues et tricorne brodé. Traditionnellement, le personnage était obèse, joufflu, sautillant et prodigue en salutations burlesques. L’émissaire ne jouait pas un rôle de composition et n’avait pas à forcer son talent : il était naturellement ridicule.

Informations historiques : Manufacture royale de glaces de miroirs : http://www.mairie-tourlaville.fr/fr/loisirs-activites/histoire-locale/dossiers-en-consultation/fichiers/la_manufacture.pdf

 

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