Diwo, Jean «Le printemps des cathédrales» (2002)

Diwo, Jean «Le printemps des cathédrales» (2002)

Après les architectes du Colisée, l’introduction de la peinture à l’huile en Italie, les fontainiers des jardins de Versailles, c’est au peuple des bâtisseurs de cathédrales que Jean Diwo a choisi de rendre hommage.

Résumé : Au XIIe siècle, l’abbé Suger, une personnalité rayonnante, décide d’embellir l’abbaye de Saint-Denis, au nord de Paris. En neuf ans, il en fait reconstruire la façade et le chevet. L’ensemble sera considéré comme le tout premier chef-d’œuvre de l’architecture gothique. Dans la fresque romanesque de Jean Diwo, Pasquier, le premier d’une lignée, est maître d’œuvre. Il a deux fils qui lui succéderont. Ils ont à la fois un rôle de sculpteur et d’architecte, et sortent de la matière, avec les maîtres de métiers et les compagnons, une célébration de pierre qui dure encore aujourd’hui. Sous l’impulsion de Suger, elle servira de modèle. La France entière se couvrira de cathédrales. Tel est le cadre historique du dernier roman de Jean Diwo. Fidèle à sa méthode, il s’intéresse à un corps de métiers qui a ses traditions, ses règles, ses secrets, ses techniques. Grâce à cela, un siècle entier se rapproche de nous, vibrant de foi et d’enthousiasme.

Mon avis : J’ai toujours adoré les romans sur les bâtisseurs de cathédrales : « les Piliers de la terre » de Ken Follett dans l’Angleterre du XIIe siècle, « La cathédrale de la mer » de Ildefonso Falcones, qui se déroule à Barcelone au XIVème siècle…

J’aime les romans de Diwo, des fresques vivantes et instructives, avec des personnages attachants (« Au temps où la Joconde parlait » (1469. Les Médicis règnent sur Florence), « Les Dames du faubourg » (une trilogie consacrée à l’histoire du faubourg Saint-Antoine, les arts et le travail du bois qui commence sous Louis XI et va jusqu’au XIXème, la belle époque et l’Art Déco), « La chevauchée du flamand » (Pierre-Paul Rubens), « la Calèche » (l’histoire passionnante et romanesque de la famille Hermès) ;

C’est une histoire du siècle… Nous sommes au XIIème siècle, au siècle de Louis VII et Aliénor (je vous conseille de lire le livre de Clara Dupont-Monod «Le Roi disait que j’étais diable» (voir article) : c’est le temps des croisades et d’Aliénor … On va suivre la famille Pasquier de chantier en chantier, en apprendre aussi sur les chantiers parallèles où ils ne travailleront pas; la Basilique St-Denis est en pleine construction. L’abbé Suger va décider de mettre des vitraux ; pour cela il fera appel à un maitre verrier allemand. Avec eux nous allons nous pencher sur les plans, les tracés, assainir les lieux, mettre la première pierre ; côtoyer les carriers, les tailleurs de pierre, les sculpteurs, les forgerons, tous les artistes sans oublier les puissants, les hommes d’église, les décideurs… On évoquera  St Denis, Lens, Canterburry, Paris,   la Cathédrale de Chartres, la Sainte-Chapelle, Amiens, l’agrandissement de Saint-Germain-des-Prés, le réfectoire de Saint-Germain-des-Prés, la Cathédrale de Reims… C’est l’époque de la création d’une arme meurtrière, l’arbalète ( arme qui tua Richard Cœur de Lion)

Ceux qui me connaissent savent bien que si on me parle de vitraux,, de couleurs, je ne lâche plus le bouquin… Et puis Aliénor me fascine…

Extraits :

Au Moyen Âge, le genre humain n’a rien pensé d’important qu’il ne l’ait écrit en pierre . (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris)

la maison de Dieu, qu’elle soit modeste église ou basilique, est l’œuvre de tous ceux qui ont contribué à la bâtir, du plus humble des manœuvres au plus habile des sculpteurs

Aliénor ne tarda pas à introduire à la cour de France quelques-uns des meilleurs troubadours venus de l’Occitanie, porteurs de cette culture raffinée, toute féminine, propre à son cher pays. Sous les lourdes tapisseries du palais de la Cité commencèrent alors à fuser les notes des vielles et les vers ensoleillés de l’amour courtois, en particulier ceux de son grand-père, Guillaume d’Aquitaine.

Mais je veux, moi, que les vitraux racontent la religion, qu’ils soient de vrais tableaux que fera flamboyer la lumière du soleil.

tu es belle comme une belle clef de voûte, cette ultime pierre magique qui assure l’équilibre et la pérennité d’une croisée d’ogives…

C’étaient des « pieds poudreux », des gens du voyage qui allaient de château en château animer les fêtes données par les seigneurs.

le plus grand verrier de notre temps. Le sieur Gottfried vient de Germanie, plus exactement d’Augsbourg où il a illuminé la cathédrale, sombre comme une cave, de magnifiques vitraux

Quel admirable XIIe siècle qui voit vivre dans la plénitude de leur âge l’abbé Suger, l’abbé Bernard de Clairvaux, Abélard dont l’influence semble considérable, et pourquoi pas, deux dames savantes dont la force de caractère a peu d’exemples, Héloïse et la reine Aliénor !

Aux maîtres verriers, Suger fournissait du « saphir », un verre teinté au cobalt, acheminé depuis le massif allemand du Harz. D’autres verres colorés dans la masse au moyen de divers minerais étaient fabriqués sur place.

singulier métier qui consistait à projeter toujours plus haut dans le ciel des rêves insensés

La nouvelle de l’ouverture d’un nouveau chantier se trouvait mystérieusement propagée jusque dans les pays voisins, et les maçons, en quête de travail ou désireux de changer d’air, se mettaient en route, souvent sous la conduite d’un maître, et venaient proposer leurs services là où l’on avait besoin de bâtisseurs.

les rites mystérieux en usage chez les maîtres et les compagnons et ces fameuses croisées d’ogives qui devaient transformer les anciennes cathédrales massives et sombres en vaisseaux élancés et lumineux. C’était naturellement un sujet où excellait l’architecte qui devenait lyrique quand il parlait de pierre taillée.

Dans le fond, tailler un beau vêtement dans une pièce de serge ou de futaine, c’est comme tailler la pierre d’une cathédrale.

les manœuvres et les apprentis aidaient les ouvriers de l’office des bâtiments à nettoyer la surface libérée par la démolition de la vieille église Saint-Étienne, à consolider les fondations mérovingiennes qui resteraient en place pour supporter la construction nouvelle. Et à recouvrir les dalles d’une couche de plâtre sur laquelle Renaud, aidé par l’appareilleur, dessinerait les contours du chœur, l’emplacement des colonnes et des piliers. Ces quelques arpents de Paris se présentaient comme une aire de théâtre en cours d’installation. C’est là, à l’ombre de l’ancienne cathédrale demeurée intacte, que le pape Alexandre III devait poser la première pierre de l’église nouvelle.

Commencement du chœur de la cathédrale Notre-Dame par Sa Sainteté Alexandre III, en présence de Mgr l’évêque de Paris Maurice de Sully, le 25 mars de l’an 1163.

Elle portait comme une couronne les quelques connaissances de latin qu’elle possédait et goûtait les marques d’admiration qu’on lui témoignait

elle, écouta bouche bée le voyageur décrypter le sens des couleurs, parler du rouge, couleur des origines depuis la préhistoire et que les Anciens obtenaient à partir de l’or, du cinabre, de l’hématite, du minium ou par décoction de bois venant de lointaines et mystérieuses contrées.
– Le vert n’est pas une couleur aimée, dit le maître. Bon vert il est la couleur de la chance, de l’espoir, mauvais vert celle de l’infidélité, du diable avant sa chute et de la folie. Comme le jaune qui désigne les traîtres, les faussaires et les femmes adultères. Le bleu, lui, est la couleur de notre temps. On ne lui connaît pas de mauvais attributs et il est le préféré de l’Église et de la noblesse.
– Et le noir ? demanda Louise
– Couleur redoutée, madame ! Tiré du charbon, de la noix de Galles, de la sépia, il évoque les ténèbres, l’enfer. Préférons-lui le blanc de la céruse et de la craie. C’est la couleur de la pureté.

Philippe Auguste prenait le temps de s’intéresser à Notre-Dame dont la façade, achevée, émerveillait la ville. Il s’occupait aussi du Louvre qu’il avait entrepris de bâtir pour défendre le cours de la Seine et mettre à l’abri le trésor et les archives de la France. C’était un château fort imposant avec son donjon colossal de quatre-vingt-seize pieds de haut et son enceinte quadrangulaire défendue par des tours rondes

La cathédrale de Chartres doit devenir par l’abondance et la qualité de ses vitraux la plus céleste du royaume.

Proclamé jadis maître des couleurs, Jehan L’Hospital était sur ses vieux jours reconnu seigneur du verre.

Le peuple ne sait pas lire, mais il sait regarder ! disait Jean. Les vitraux lui apprennent par l’image l’histoire de Notre Seigneur.

Et surprendre était l’ambition permanente du « maître des pierres vives ». « Il est tellement plus facile dans nos métiers de copier que de surprendre ! »

Avant même qu’une loge ait été construite pour les maîtres et compagnons du chantier, deux ateliers de verrerie avaient été organisés. Des cochers y déchargeaient des plaques translucides et colorées venues de la verrerie installée dans la forêt de Vincennes.

Le rite n’avait pas changé depuis le temps où l’abbé Suger avait créé ses premiers vitraux grâce à la science de maître Gottfried, le verrier génial venu de Germanie. Esquisse, carton, coloration, découpe, peinture, cuisson, mise en plomb…

les vitraux de la Sainte-Chapelle de nouvelles constantes comme l’allongement des figures, la liberté des silhouettes, l’accentuation des contours, bref de créer un style nouveau qui différencierait les verrières de la chapelle aux reliques de celles qui éclairaient les autres nefs.

la Sainte-Chapelle serait achevée le 26 avril de l’an de grâce 1248, date choisie par le roi pour la consécration.

 

Informations :

  • le parlier est l’homme qui a prêté serment au maître, qui le représente et qui transmet ses ordres aux compagnons.
  • Saint Godric de Finchale, vénéré patron des marchands.

à la fin du livre : une explication sur les styles, le Roman et le gothique (Gothique et roman : voilà deux mots pratiquement inutilisés dans cet ouvrage. En effet, ils n’existaient pas au temps où naissaient les cathédrales et il n’aurait pas été logique de les mettre dans la bouche de personnages réels ou romanesques.) ; le calendrier des Cathédrales et des informations sur les chantiers, sur les francs-maçons… (Le problème est de savoir si les bâtisseurs de cathédrales formaient une sorte de société secrète ésotérique dont la franc-maçonnerie serait l’héritière. Rien ne confirme cette hypothèse.)

 

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