Sigurðardottir, Yrsa «Indésirable» (2016)

Sigurðardottir, Yrsa «Indésirable» (2016)

Auteur : Née en 1963, Yrsa Sigurðardottir est aujourd’hui l’un des auteurs de polar majeurs de la scène littéraire scandinave. Yrsa Sigurðardóttir est titulaire d’une licence en ingénierie civile de l’université d’Islande ainsi que d’une maîtrise dans le même domaine, obtenue en 1997 à l’université Concordia de Montréal. Elle exerce son métier d’ingénieur civile en Islande parallèlement à son métier d’écrivain. Ses romans sont traduits dans une trentaine de langues et ont été récompensés par de nombreux prix littéraires dont le Icelandic Crime Fiction Award en 2011 et 2014.

Sont parus en français les romans policiers suivants :
Je sais qui tu es (2012), Indésirable (2016).
Série  Þóra Guðmundsdóttir : Ultimes Rituels (2011), Bien mal acquis (2012)
Série Freyja et Huldar : ADN (2018 ), Succion (2019)

Actes Sud Littérature – Actes noirs – Février, 2016 / 14,5 x 24,0 / 320 pages  ( sortie en Edition « Babel » en janvier 2018)

Résumé : Employé d’un obscur bureau gouvernemental islandais, Óðinn est chargé d’enquêter sur Krókur, un foyer éducatif réservé aux adolescents à problèmes dans les années 1970. L’établissement est fermé depuis longtemps, mais des abus mis au jour dans d’autres centres incitent l’État à passer ces foyers au peigne fin pour éviter tout nouveau scandale.
Une chape de silence semble peser sur Krókur, mais peu à peu Óðinn découvre que de sombres secrets entourent les anciens pensionnaires. À l’époque, deux jeunes garçons y avaient mystérieusement trouvé la mort, asphyxiés dans une voiture. Et personne ne sait vraiment ce qui est arrivé au bébé du couple qui gérait le foyer, disparu le jour de sa naissance, et dont le destin macabre semble encore hanter les lieux.
À mesure qu’il creuse l’affaire, Óðinn se met à entendre des voix, comme si les fantômes du passé, réveillés contre leur gré, s’insinuaient dans sa propre vie. La bouche d’ombre susurre à son oreille, et lentement tout bascule. Le doute, frère du malaise, rogne peu à peu les fragiles certitudes de son existence : la mort récente de son ex-femme était-elle vraiment un accident ? Et qu’a vraiment vu sa fille de onze ans ce jour-là ?
Jouant habilement des ressorts du surnaturel, Yrsa Sigurðardottir, voix singulière de la littérature policière islandaise, signe un thriller spectral et glaçant.

Mon avis : Mitigé… J’ai reposé ce livre avec une impression de malaise qui ne m’a pas quittée pendant toute la lecture : pour cela c’est une réussite totale..
Le récit mêle l’Islande de 1974 et celle de nos jours.
Óđinn doit reprendre l’enquête de sa collègue Roberta le jour où celle-ci décède. L’enquête porte sur les foyers éducatifs et en particulier le foyer éducatif de Krokur. Il s’agit de retrouver les personnes qui y séjournaient en 1974, tant les pensionnaires que le personnel, de déterminer les conditions de détention de jeunes, d’enquêter sur le décès de deux jeunes garçons. Doutes existentiels, remise en question des personnages, souffrances, perte de confiance en soi… tout est anxiogène et déstabilisant… et quand on ne se pose pas des questions sur son moi-intime, on s’en pose sur les autres… Malaise garanti. Et le climat de la campagne islandaise ne fait rien pour arranger les choses…
Nous allons vivre cette enquête en compagnie d’Óđinn, qui est un être mal dans sa peau, tourmenté. Suite au décès (un suicide ? un meurtre ?) de sa femme il vient de récupérer sa fille et doit apprendre à vivre avec. Il est angoissé, déboussolé, tiraillé entre la peur et l’angoisse, poursuivi par ses fantômes. Et nous allons faire connaissance avec son monde : sa famille et ses collègues…
Drames du passé et drames du présent… Quel est le lien ? vous le découvrirez si vous acceptez de vivre une expérience traumatisante dans un monde glauque à souhait. On patauge dans la violence, le climat malsain des centres de répression pour jeunes délinquants. Dans ce climat oppressant, il y a peu de lumières… Une romancière qui maitrise à la perfection le suspense psychologique et les êtres machiavéliques. Les paumés pourront-ils en réchapper ?
Il suffit de rajouter une petite touche de surnaturel… et le tour est joué.

Malheureusement il y a un mais… je ne suis jamais entrée dans l’histoire car tous les personnages sont désagréables et je n’ai pu m’attacher à aucun d’entre eux.. Et moi.. il me faut un peu d’empathie… sinon je déconnecte… ce qui n’enlève rien à la maestria de l’écriture qui atteint des sommets dans le lugubre…

Extraits :

Il reprit sa lecture, comme un bateau quitte le port et peu à peu atteint sa vitesse de croisière. Mais le cœur n’y était plus.

Souffrons-nous moins quand l’être cher que nous perdons est victime d’un accident plutôt que d’un meurtre dont nous ignorons les raisons ? Les dégâts étaient sûrement les mêmes. Il n’avait aucune réponse.

Ces deux-là étaient taillés l’un pour l’autre, elle toujours aigrie et lui perpétuellement de mauvaise humeur, contre tout et tout le monde.

Mieux valait la colère que l’horreur.

Je ne vais ni bien ni mal, alors tu peux lui dire ça si tu veux, ça ne sera pas vraiment mentir. Je me sens comme une boîte qu’on aurait oubliée en haut d’un placard, on m’a retiré de la vie et on m’a mis au rancart. Ici c’est pareil pour tout le monde, on attend que ça se termine.  Chaque jour qui passe nous rapproche de la sortie, du jour où on rentrera chez nous, où on recommencera à vivre comme avant.

Même si vous évitez d’y penser, ça ne signifie pas pour autant que ça n’existe plus.

le gros de sa colère était retombé. Restaient l’apathie et l’indifférence, les traces de la colère sur son âme.

Le plus important quand on veut se libérer d’une dépendance, c’est de devenir responsable de sa propre vie. Il faut arrêter de s’apitoyer sur son sort et de chercher des coupables ailleurs. Vous comprenez ?

Vous parlez d’enfants. Je n’avais pas l’impression d’en être un lorsque j’étais là-bas. Mais aujourd’hui, lorsque je regarde en arrière, bien sûr, je sais que j’en étais un.

Avait-il dit “bourré” ou “beurré” ? Aucune importance, dans les deux cas il l’était complètement !

Il n’aurait jamais cru qu’il espérerait un jour avoir inhalé des produits dangereux.
— Vous ne pensez pas que ces hallucinations pourraient être dues à des produits chimiques ? suggéra-t-il.
— Non, non, mon garçon. C’est l’esprit protecteur de la famille, il n’a rien à voir avec un produit chimique. Ma grand-mère m’a dit que cela se produisait quand on avait déjà un pied de l’autre côté. Lorsque le moment de la mort est proche, des liens se tissent avec l’autre monde.

Son subconscient semblait avoir déjà jugé qu’il valait mieux enfermer les souvenirs et jeter la clé. Mais ils tentaient de remonter à la surface et les bruits qu’il croyait entendre en étaient le signe.

Elle serra ses bras autour d’elle, geste vain, car le froid ne venait pas de l’extérieur, mais du fond d’elle-même.

Elle était si blessée qu’elle sentit les larmes déferler. Les gens qui écoutent aux portes, disait sa mère, entendent rarement des choses agréables sur leur compte.

À l’époque il n’y avait que des Islandais en Islande. Ils ne volent pas la voiture des autres, eux.

Certains ont tout, mais ils le jettent. Les autres doivent se contenter de désirer ce qu’ils n’ont pas.

 

 

 

 

2 Replies to “Sigurðardottir, Yrsa «Indésirable» (2016)”

  1. Je n ai pas ressenti ce malaise à la lecture. Je suis finalement restée très détachée ce qui est assez rare car je m identifié bcp et comme toi j ai besoin d aimer un personnage ce qui n à, en effet, pas été le cas ici. La petite touche de surnaturelle est très sympa, je valide aussi .
    Il y a c est sur, des moments assez anxiogène et à la fin je me suis dit « oh je l avais pas vu venir » .
    C est surtout le style qui m a mise mal à l aise car j ai réouvert que c était un livre très académique très classique dans sa construction. Il y a tout pour que le thriller fonctionne et ça fonctionne mais je l’ai vu et ça m a derange un peu.
    J en lirai d autres, c est le principal, c était une belle découverte!!

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