Duquesnoy, Isabelle « La chambre des diablesses » (2023) – 448 pages
Autrice: née à Paris en 1960, est une écrivaine de nationalité et d’expression française, auteur de romans historiques. Diplômée d’histoire et de restauration du Patrimoine, elle a dirigé l’École supérieure de restauration des œuvres d’art de Sienne, exercé l’expertise et le négoce d’art. Mariée depuis 1991, elle vit en Corse.
Romans:
2000 : Instants d’amitié, ouvrage collectif sous la direction de Minou Azoulai,
2003 : Les Confessions de Constanze Mozart, tome I, 2005 : Les Confessions de Constanze Mozart, tome II, 2009 : Constance, fiancée de Mozart, Gallimard Jeunesse, collection « Mon Histoire » (ISBN 978-2-07-062559-8), Prix Ados 2012
2017 : L’Embaumeur ou l’Odieuse confession de Victor Renard
2019 : La Redoutable Veuve Mozart, Éditions de La Martinière
2021 : La Pâqueline ou les mémoires d’une mère monstrueuse
2023 : La Chambre des diablesses.
2024 : L’oiseleuse de la reine – Livre 1- Saga : Le château des soupirs
Elle écrit aussi des romans jeunesse et des essais.
Robert Laffont -02.02.2023 – 384 pages/ Pocket – 07.03.2024 – 448 pages
Résumé:
Une empoisonneuse à la Cour de Louis XIV. 22 février 1680. Après trois jours d’interrogatoire, Catherine Monvoisin, dite la Voisin, redoutable empoisonneuse de Paris est brûlée en place de Grève, sur ordre de Louis XIV. Sa fille Marie-Marguerite, âgée de 21 ans, est arrêtée pour complicité de diablerie et conduite à la prison de Vincennes. Dans l’espoir de sauver sa tête, et parce qu’elle fut l’assistante de sa mère, la jeune fille accepte de livrer par écrit le nom des complices, les recettes de poisons mortels, ainsi que le mode opératoire d’environ 2500 crimes odieux.
Ainsi se raconte le destin de la Voisin, ancienne sage-femme et devineresse, devenue empoisonneuse et tueuse d’enfants pour le compte d’une aristocratie friande de philtres d’amour et de messes noires. Et qui lui commande de faire disparaître indifféremment époux, enfants ou rivaux.
L’un des plus gros scandales qui ébranla le règne du Roi-Soleil est ici raconté avec la truculence et la précision historique si singulières d’Isabelle Duquesnoy.
Mon avis: ❤️❤️❤️❤️❤️
Bienvenue dans le monde du XVIIème siècle… Je me suis régalée avec ce récit historique, l’humour noir de l’autrice, la description de la société (les riches et les pauvres), cette étude de société et j’en ai énormément appris sur l’époque. La manière de présenter les choses, le vocabulaire employé et la manière d’écrire rendent cette leçon d’histoire vivante et nous immergent dans l’ambiance. Jubilatoire malgré le sujet ! Belle découverte que cette autrice et sa plume historique. J’en redemande!
Principalement axé sur la sorcellerie, les châtiments (exécutions, prisons pour femmes) le livre fait la part belle à la condition de la femme, la sorcellerie, la médecine (enfin surtout les avortements clandestins et les autres – pratiqués par les médecins et bien pires) et les complots sordides de la haute bourgeoisie et de la noblesse.
Trois personnages principaux : Catherine Monvoisin, dite la Voisin (empoisonneuse) , sa fille Marie-Marguerite et accessoirement M. de La Reynie (premier lieutenant général de police de Paris sous le règne de Louis XIV) à qui la correspondance de la jeune fille emprisonnée va être adressée
« La Voisin » est une empoisonneuse que l’on qualifie aussi d’ensorceleuse, de sorcière, d’enchanteresse. Elle convoque également l’esprit des morts, évoque les maléfices. C’est une avorteuse, elle prédit l’avenir dans les cartes de tarot, c’est une devineresse,. Elle connait aussi l’art de la botanique, les herbes, les plantes, elle lit les lignes de la main, le marc de café, connait les chants qui font pleuvoir…et concocte des remèdes, des pommades et des onguents comme une guérisseuse … Comme elle le dit « la préparation du poison est un art qui relève parfois plus de la cuisine que de la science ». Elle concocte des philtres d’amour, des remèdes aphrodisiaques et des poisons…; ses distillations et préparations sont faites avec des éléments des plus discutables … Elle pratique également l’organisation de messes noires, là recours aux meurtres d’enfants et a un intérêt tout particulier pour l’alchimie, la pierre philosophale..
Elle aime aussi se faire sauter par tout ce qui bouge…
Sa réputation va la propulser dans le monde de la Cour du Roi, bien loin de sa condition de roturière et elle ne va plus vivre que pour l’argent (enfin presque car elle fera payer les riches mais pas les pauvres). Elle regrettera le temps où elle soignait et procédait à des accouchements alors que la fréquentation des riches coïncide à des demandes d’avortement et de produits pour tuer, des poudres de succession… Comme elle le dit : « Catherine, t’es devenue marteau, tu mets des enfants au monde et tu fournis du poison à leurs parents. Tu prédis l’avenir à des hommes, alors que leurs femmes t’ont acheté un sirop mortel le jour d’avant. Tu donnais la vie, et voilà que tu distribues la mort ! »
Elle va faire équipe avec des hommes aux compétences diverses et variées, mais jamais très fréquentables : escrocs, prestidigitateurs, prêtres défroqués… Pour ce qui est des couvents, religieuses, médecins, apothicaires, procureurs, ils ne sont pas épargnés et certaines de leurs activités sont exposées au grand jour..
Elle va faire fortune, faire la loi dans sa demeure, son mari lui était soumis, lui qui ne fait pas bouillir la marmite … Le mari lui va s’illustrer avec une autre activité, mise au service de sa femme .: les jeux de lanterne que je vous laisse découvrir.
Dans la catégorie des empoisonneuses, la Marquise de Brinvilliers est également de la partie et nous assistons à son exécution. Et les désirs de la noblesse – de la Montespan en particulier – sont aussi au programme..
Quand à sa pauvre fille, malheureusement, suite à l’exécution de sa mère, elle sera emprisonnée dans des conditions épouvantables, recluse, qualifié de fruit de l’union du diable et d’une sorcière. Mais précédemment la jeune fille a aidé sa mère, mais dans la préparation des herbes et sa mère l’a quand même tenu le plus à l’écart possible de ses activités pour le moins criminelles. La jeune fille a même empiété dans des domaines réservés aux hommes comme la création de beaux habits. Et elle semble bien payer pour des fautes qu’elle n’a pas commises.
Pour terminer je vous cite une petite partie de l’Ordonnance de 1670 Louis XIV, le dernier état de législation criminelle avant la Révolution.
« La peine de mort : pas d’écartèlement à la roue pour les femmes. Par souci de décence, on ne les expose jamais les jambes écartées. C’est gentil d’y penser ! On leur réserve plutôt la décapitation, la pendaison ou le bûcher.
Mais lors d’une décapitation, on ne sait que faire de la tête ; si la condamnée est une sorcière, on jette son crâne au feu, manière de « purifier » sa carcasse. Dans un autre cas, la condamnée est enterrée, sa tête posée entre les jambes. »
Extraits:
Diablesse :
meschante femme qui crie
& tourmente toûjours son mary,
ses domestiques, ses voisins,
et ne peut vivre en repos avec personne.
Je vous l’ai dit, le jaune d’œuf est la clef de toute guérison. Une femme enceinte tombe ? Un jaune d’œuf. Vous avez des pertes de sang ? Un jaune d’œuf. L’enfant à naître est un peu trop gros? Un jaune d’œuf.
Arrêter d’autres femmes accusées de diableries ? Mais il faudrait alors jeter la moitié de Paris en prison ! Quatre cents diablesses réparties jusque dans les faubourgs, autant dire qu’on les côtoie malgré soi, car il n’existe pas une seule rue sans diseuse de bonne aventure, pas un seul pont sans maison d’avorteuse !
— T’es qu’une tirelire avec la fente en bas ! ripostait-il, en finissant le carafon.
— T’es rien du tout ! Un homme sans argent, c’est comme un loup sans dents !
Quand on me donne tort, c’est que j’ai raison trop tôt !
— Quand on est mort, on ne s’en rend pas compte. C’est pour les autres que c’est difficile.
— Quand on est con, c’est pareil,
Elle avait accepté de débarrasser le ventre des sœurs de leurs « encombrants ». Malgré le peu de considération qu’elle manifestait aux fautives, elle s’acquittait de sa tâche contre une somme modique. À l’exception des mères abbesses dont la fortune était notoire ; pour ces dernières, le prix était multiplié par vingt.
Les médecins tentaient parfois de soigner leurs patients en leur soufflant de la fumée dans l’anus, croyant que la fumée pouvait réamorcer la respiration. Celui qui recevait ce traitement était souvent moqué, à condition qu’il se réveille. On l’appelait alors « l’enfoiré » ou « l’enfumé » et l’on s’amusait du fait qu’il « l’avait eu dans le cul ».
Sa Majesté sait-elle qu’un demi-million d’âmes parisiennes luttent pour survivre ? Nos rues ne sont peuplées que de fripons, occupés à ruiner le provincial. L’on dit que les devineresses sont les pires diablesses ? Mais les rues chantent partout : « Les procureurs sont des voleurs, les demoiselles du Marais ont la vérole, le cabaretier vend du poison à boire, le meilleur médecin n’est qu’un assassin, les joueurs sont des tricheurs et vite, quittons cette ville infâme… »
Je vends des remèdes de bonne fame, des prières et des calculs astrologiques.
(Fame : du latin fama, signifiant « réputation ». L’expression « remède de bonne fame » est devenue « de bonne femme » par déformation.)
Rappelle-toi toujours ce principe, ma fille : c’est la dose qui fait le poison. Parfois, des remèdes de médecin pris en grande quantité sont plus dangereux qu’une goutte de venin.
Veux-tu caresser mes saint-bernard ?
— Oh, oui ! Mais je ne m’appelle pas Bernard.
l y a deux catégories de femmes qui ne disent jamais bonjour à leurs clients : les putains et les enchanteresses. On ne doit pas prendre le risque de dénoncer notre relation.
– naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c’est une malédiction.
[…] le chiffre 4 était celui de la mort, ainsi que des saisons, des cavaliers de l’Apocalypse et des éléments, l’air, l’eau, le feu et la terre.